Des labels, des réglementations sur le bien-être animal fleurissent en Europe. En France, la profession doit progresser et communiquer sur ses avancées avant que la réglementation ne s’impose, sans contrepartie financière.
« Les controverses sur l’élevage ne datent pas d’hier, portant sur quatre registres : environnement, bien-être animal, santé, socio-économique. Elles conduisent à un rejet dans son ensemble d’un modèle dit intensif », a commencé Christine Roguet, ingénieur de l’Ifip, lors de l’assemblée générale du GIE Élevages de Bretagne, le 22 juin. Dans le cadre du projet Accept mené de 2014 à 2018, elle travaille avec d’autres scientifiques et des sociologues sur les controverses sur l’élevage et les solutions pour y répondre.
Un parti animaliste en France
« Quels sont les droits des animaux ? Quels sont nos devoirs à leur égard ? » sont des questions que se pose aujourd’hui la société et qui se traduisent à plusieurs niveaux. « En 2015, les animaux ont changé de statut dans le Code civil, ils sont désormais reconnus comme des « êtres vivants doués de sensibilité ». En 2016, un parti animaliste a été lancé en France. Il en existe aussi dans le nord de l’Europe. » Deux éthiques se côtoient : le « welfarisme », défenseur du bien-être des animaux mais pas opposé à l’élevage, et l’abolitionnisme qui souhaite la fin de l’exploitation de toutes les espèces animales. À titre de comparaison, le premier courant compte 34 430 « amis » sur Facebook en France, alors que le 2e en totalise 649 000.
L’Allemagne se veut leader sur le bien-être animal.
« En Europe, des débats très vifs sont observés en Allemagne, au Danemark, aux Pays-Bas ; un peu moins en Espagne et Italie, la France étant intermédiaire. Les porcs et volailles sont les premières cibles, mais les bovins ne sont pas épargnés. Des lobbyings communs entre pays sont créés. » « En Allemagne, les controverses ont même conduit à un arrêt net de la croissance des productions animales à partir de 2010. Les végétariens représentent près de 10 % de la population, plus encore chez les jeunes. Les flexitariens, qui mangent occasionnellement de la viande, sont également nombreux. Dans le pays, les Verts ont gagné des votes. »
La recherche allemande s’oriente sur le bien-être
La recherche aussi investigue de nouvelles voies d’élevage : accès à des courettes extérieures, zones avec différents types de sols, pas d’immobilisation permanente, réduction de la consommation de médicaments, races mixtes et robustes… « Des réponses politiques sont apportées : interdiction de la castration des porcelets sans anesthésie réalisée par un vétérinaire en 2019, laveur d’air obligatoire pour les élevages de plus de 750 places de truies ou 2 000 places d’engraissement… Pour arrêter la coupe de la queue, 16,50 €/porc sont versés en Basse-Saxe et en Rhénanie du nord – Westphalie. »
En 2014, le pays s’est donné l’objectif d’être leader sur le bien-être animal. « Un label officiel « Plus de bien-être animal » va sortir en 2018, avec une ou deux étoiles selon les critères mis en place sur la surface, le blocage, la durée de transport… »
Qui paie ?
Dans tous les pays d’Europe, la communication des professionnels agricoles s’amplifie pour mieux faire connaître leurs pratiques, mais dans un 2e temps, des réponses aux demandes des citoyens et consommateurs se mettent en place, avec des labels, des stratégies de branche… Mais qui paie ? Selon les démarches, soit l’ensemble des consommateurs financent le bien-être via une augmentation de la TVA ou le prélèvement de quelques centimes par kilogramme vendu, soit le marché est segmenté avec des labels privés (des coopératives, distributeurs, ONG) ou publics (comme au Danemark). Aux Pays-Bas, le bien-être est perçu comme un moyen de sécuriser le marché intérieur.
« Toutes ces questions ne nous simplifient pas la vie, mais peuvent nous aider à redonner un sens à notre métier. Nous ne sommes pas que des techniciens, des nutritionnistes… », souligne Marcel Denieul, président du GIE Élevages de Bretagne. « Dans ce conflit, la question n’est pas la représentativité de l’adversaire mais sa capacité à faire adhérer le public à sa cause », termine Christine Roguet.