Il y a 2 ans, Claas bouleversait le marché des éclateurs d’ensileuse en présentant le Shredlage, un éclateur de maïs nouvelle génération qui permet de combiner coupes longues et grains pulvérisés.
Sur le papier, le concept est séduisant, la communication a fait un véritable buzz dans les campagnes et encore plus en cette période d’ensilage. La technologie manquait néanmoins cruellement de recul sur le marché laitier français. Aujourd’hui, après une année d’expérimentation, les éleveurs et techniciens peuvent enfin peser le pour et le contre. Bilan.
Récapitulatif du matériel
Disponible sur quasiment toute la gamme d’ensileuse Claas Jaguar, en version M ou L selon le diamètre des rouleaux de l’éclateur, le MCC Shredlage débarque au catalogue aux côtés d’un nouvel éclateur, le MCC Max. Cette nouvelle gamme permet à la firme de couvrir l’intégralité des besoins en termes de longueur de coupe et broyage du grain.
Ainsi, là où l’éclateur existant, le MCC Classic, produira un ensilage à coupe courte, idéale pour la méthanisation, le Shredlage, lui, s’utilisera pour la production d’un aliment fibreux déchiqueté propice à la rumination avec un grain éclaté favorisant l’assimilation d’amidon par les animaux.
Premier constat, le MCC Shredlage, et son différentiel de vitesse de 50% entre les 2 rouleaux, demande un effort supplémentaire à la machine par rapport à l’ancienne génération d’éclateur. Sur le terrain, cela se traduit par un débit de chantier ralenti. Claas annonce 4% de temps supplémentaire. Une ETA équipée nous donnera un chiffre bien plus élevé, « de l’ordre de 20% » — peut être le temps d’apprivoiser le matériel ? Temps supplémentaire à l’ensilage, mais également frais supplémentaires pour l’éleveur.
Faire les comptes
La technologie a un coût et les investissements (20 à 30 K€ à l’installation de ce nouveau bijou, pour durée de vie de l’ordre de 1500ha) se répercute sur le tarif de la prestation, les premiers éleveurs parlent d’une rallonge de 30 à 40 € /ha. « Ça ne pose pas de problème s’ils sont récupérés par la suite » témoigne Damien Huguet, du Gaec de la Ville Cadoret, qui pour cette année, ensilera son maïs de manière « traditionnelle », faute de premiers retours chiffrés.
[caption id= »attachment_29811″ align= »alignright » width= »200″] L’éclateur MCC Shredlage qui équipe les ensileuses Jaguar de la firme.[/caption]
Des chiffres, ils y en avaient mais ils étaient difficilement transposables au modèle agricole français car venant directement des fermes américaines. Des essais entre 2 lots de vaches trop disparates ne permettait pas de mettre en évidence les avantages du matériel. Seul chiffre « vendeur » pour appâter l’éleveur : un gain d’1L de lait par vache et par jour. Et une vidéo dans un décor US pour illustrer la technique. Il fallait des tests sur notre territoire avec « nos variétés de maïs » et « nos vaches ».
C’est en partenariat avec le constructeur Claas, qu’Eilyps, société d’expertise et de conseil en élevage, a pu réaliser les premiers tests d’un « maïs coupe longue, grain pulvérisé » dans une douzaine de fermes, afin d’appréhender la technique et le réglage des machines.
L’appellation Shredlage étant volontairement mise de côté car la société effectue également des essais pour d’autres marques concurrentes. Pour Anthony Baslé, nutritionniste pour Eilyps, « le Shredlage a le mérite de tirer le marché dans une démarche de progrès, qui sera bénéfique pour tous nos éleveurs. Cette évolution remet en cause les anciens protocoles et analyses effectués lors d’un ensilage classique. C’est positif. »
[caption id= »attachment_29812″ align= »aligncenter » width= »720″] Au Space 2017, New Holland présentait une solution d’éclatement de grain couplant également coupe longue et grain pulvérisé. D’autres constructeurs travaillent également sur le sujet.[/caption]
Les premiers résultats terrain
Pour introduire les essais, il est précisé qu’aucun protocole officiel n’a été établi. Les résultats sont des observations directes en élevage et il est bon de rappeler que pour arriver à un fourrage de qualité, l’ensilage du maïs ne constitue qu’une étape clé parmi d’autres, notamment le choix variétale, le tassage du silo, le bâchage, la reprise… « Il faudra plusieurs années de recul pour analyser le comportement d’un grain pulvérisé par rapport à tous ces critères. » nous confirme Eilyps. « Sur les 12 élevages suivis, 2 ont eu une diminution de leur production laitière à l’arrivée. Le Shredlage n’augmente pas la qualité du fourrage mais sa digestion par l’animal. Il faut donc veiller à ce que toutes les étapes qui permettent de le conserver soient respectées ».
Conservation : Peu de changement au tassage
Et si il est une question qui revient dans les élevages, c’est bien la conservation. Sur ce point, les réponses des premiers éleveurs testeurs sont unanimes : « La poussée est un peu plus difficile au tassage, on dirait un ensilage d’herbe, mais à part ça, on ne relève pas de différence, on arrive à tasser à plus de 250 kg MS/m3 sur un silo de 3m. » Et Anthony Baslé de préciser que « tasser, c’est un métier, un savoir-faire. Un bon tasseur obtiendra des densités équivalentes avec ou sans pulvérisation du grain de maïs. Si le travail est bien effectué, il y a peu de pertes à la reprise. L’un des éleveurs a noté un léger échauffement du silo qu’il n’avait pas eu l’année passée, mais nous ne savons pas si c’est imputable à la technique mise en oeuvre. »
[caption id= »attachment_29818″ align= »aligncenter » width= »720″] La front du silo 2016 attaqué à la fraise de l’automotrice.[/caption]
En direct du Gaec La Cour : « Les vaches mangent tout »
[caption id= »attachment_29813″ align= »alignright » width= »180″] Gilles Charpon, Gaec La Cour[/caption]
Pour Gilles Chapron, du Gaec La Cour à Combourg, c’est l’ETA qui a fait connaître la technique. Séduit par l’innovation, l’élevage s’est porté partenaire de l’étude Eilyps/Claas. Gilles nous fait part de ses observations :
- L’alimentation : « Dès les premiers jours d’utilisation, on s’est retrouvé avec zéro refus ou très très peu. Avec l’éclateur réglé à 1mm, le grain est pulvérisé et les coupes longues supérieures à 19mm sont régulières et consommables. Les particules fines, que nos laitières cherchent en priorité, sont mélangées. Par conséquent, les vaches ne trient plus, et mangent tout. » Eilyps note une ingestion augmentée de 5 à 10% par rapport à l’année passée, mais « ce résultat est à prendre avec des pincettes car il n’y a qu’une année de recul. »
[caption id= »attachment_29814″ align= »aligncenter » width= »720″] Les vaches ne trient plus, et mangent tout.[/caption]
- La ration a été adaptée de la manière suivante : Suppression de la fibre (les éleveurs de l’étude ont cessé d’apporter de la paille), baisse de la part de fibre grossière (enrubannage, ensilage d’herbe), réduction des aliments à pouvoir tampon (bicarbonate,…), réduction des complémentations énergétiques.
Exemple d’adaptation de ration | ||
AVANT SHREDLAGE | APRÈS SHREDLAGE | |
Ensilage de maïs | 15kg | 17kg MS |
Enrubannage luzerne | 2kg | 1kg |
Paille | 0,5kg | 0kg |
Foin | 0,5kg | 0,5kg |
Correcteur | 3,5kg | 3,5kg |
Urée | 100g | 150g |
Bicarbonate | 200g | 0g |
- Santé des vaches : Un meilleur état des onglons et une meilleure rumination due à la proportion plus importante de fibre ont pu être observés. « Ce n’est qu’un témoignage, mais les autres élevages partenaires de l’étude nous ont fait part de vaches en meilleure forme, même après la suppression de paille dans les rations », souligne Anthony Baslé.
- Temps de travail : « Sur un élevage de plus de 150 vaches, mettre de la paille dans la ration, c’est 20 minutes tous les jours. Il faut la prendre, la mettre dans la mélangeuse, la travailler. Avec la simplification, on gagne du temps à la préparation mais également à l’enlèvement des refus qui sont moins importants ».
- Production de lait : Au Gaec La Cour, Gilles Chapron n’a pas noté de hausse de sa production laitière directement liée à la nouvelle technique d’ensilage. Il est également difficile de comparer la production car les maïs 2015 et 2016 sont différents.
- Reproduction : Avec des vaches en meilleure santé, certains élevages partenaires ont parlé d’un meilleur taux de réussite en première IA, mais, une fois de plus, on ne peut affirmer avec certitude que cela découle de l’utilisation d’un maïs Shredlage.
Le mot de la fin, en faisant abstraction du matériel
Et le nutritioniste d’Eilyps de conclure : « Le Shredlage correspondra demain à une certaine population d’éleveur, avec des stratégies d’alimentation spécifique. Pour notre étude, l’un d’eux avait entre 40 et 50% de luzerne dans sa ration et un apport de maïs humide. Ce type d’alimentation présente moins d’intérêt pour la coupe longue, car la fibre n’était pas principalement apportée par le maïs. Le constructeur Claas parle d’1kg de lait par jour et par vache, mais finalement c’est la ration de départ qui donnera ou non ce résultat. La technique trouve plus simplement son intérêt du côté du gain de temps qui découle de la préparation de l’aliment et dans des rations basées sur le maïs ensilage dites à risque métabolique. »