Avec une qualité de l’eau qui ne cesse de s’améliorer grâce aux efforts et aux investissements des agriculteurs bretons, la profession espère que cette 6e mouture n’apportera pas son lot de contraintes supplémentaires.
2018 sera l’année de la mise en application du 6e programme d’actions de la directive nitrates. La réglementation nationale offre la possibilité de réviser chaque programme tous les quatre ans. « La qualité de l’eau en Bretagne s’améliorant sur le paramètre nitrate, la révision du 5e programme d’actions est l’occasion de légitimer les bons résultats que nous, agriculteurs, avons obtenus. La FRSEA met tout en œuvre pour assurer une reconnaissance officielle et politique de nos efforts via l’intégration de l’agronomie dans la réglementation, avec par exemple, l’utilisation des outils d’aide à la décision afin d’apporter la bonne dose et au bon moment », déclare Thierry Coué, président de la FRSEA Bretagne. Depuis des années, les agriculteurs s’adaptent aux calendriers d’épandage de plus en plus contraignants, investissent pour augmenter les capacités de stockage des effluents. « Il est grand temps de faire une pause en matière de réglementation.
L’environnement est une charge pour les exploitations. Vu la conjoncture agricole, il faut que l’administration soit raisonnable. Avec la qualité de l’eau qui s’améliore, cette pause serait une façon de récompenser les bonnes pratiques développées sur le terrain par les éleveurs », estime Jean-François Appriou, président de la commission environnement à Coop de France Ouest. « Il est bon de faire remarquer que la Bretagne après avoir fait partie des derniers de la classe est aujourd’hui dans le groupe de tête des bons élèves français en termes de qualité de l’eau », rappelle Alain Tiengou, membre de la commission environnement à la Chambre régionale d’agriculture.
Pas la peine d’en rajouter
Si pour la FRSEA Bretagne et Coop de France Ouest le mot d’ordre est : « N’en rajoutez pas dans ce 6e programme », Alain Tiengou pense, lui, que la réglementation peut même être assouplie. « Les dates d’épandage sont rigides. On devrait être autorisé à épandre lorsque les conditions météorologiques sont favorables. On peut imaginer un système d’alerte comme pour les maladies des cultures nous avertissant quelques heures en avance qu’il faut suspendre les épandages. »
Il cite aussi l’exemple des couverts végétaux qui n’ont pas le temps de se développer comme après un maïs récolté fin octobre et qui par conséquent ne remplissent par leur rôle de piège à nitrate. Sur le sujet, Yvon Cras, responsable du dossier environnement/climat à la Confédération paysanne de Bretagne, n’est pas d’accord : « Nous ne voulons pas qu’il y ait un relâchement au niveau environnemental. Il faut maintenir la réglementation au niveau des dates d’épandage et du respect des quantités épandues à l’hectare. » Il ajoute : « Pour nous, la reconquête de la qualité de l’eau ne passe pas que par les nitrates, il faut aussi prendre en compte le phosphore et les pesticides. »
Les stations d’épuration dans le viseur
La profession agricole a un besoin de reconnaissance sur les efforts qui ont été faits en matière d’environnement ces dernières années et sur les bons résultats qui en découlent. « Depuis 30 ans, aucune profession n’a fait autant d’efforts que nous en matière d’environnement. Malgré tout, les associations écologistes ne nous respectent pas », martèle Hervé Guillerm, président de la Coordination rurale Bretagne. L’éleveur est convaincu que l’agriculture n’est pas la seule cause lorsque l’on évoque la problématique de qualité de l’eau et des algues vertes.
« Beaucoup de communes, faute de budget, ont mis entre parenthèses la mise aux normes de leurs stations d’épuration. Nous savons que les communes qui relient les eaux pluviales au tout-à-l’égout saturent leurs stations d’épuration lors des épisodes pluvieux et ont alors autorisation de relarguer dans le milieu naturel sans traitement », s’indigne le responsable syndical.
Pour la Coordination rurale de Bretagne, il serait bénéfique, dans l’objectif d’amélioration continue de la qualité de l’eau des cours d’eau de notre région, que ce 6e programme directive nitrates se penche sur les mises aux normes des stations d’épuration. « Si les communes avaient fait autant d’efforts et investi les mêmes montants que les agriculteurs, il n’y aurait plus d’algues vertes en Bretagne », conclut Hervé Guillerm.
[caption id= »attachment_31137″ align= »alignright » width= »178″] Sébastien Sachet, Agriculteur à Essé (35)[/caption]
Retrouver de l’autonomie et de l’agronomie
Nous voulons que cette DN6 nous permette de retrouver de l’autonomie et de l’agronomie sur nos exploitations. Dans mes pratiques, je vais au-delà de la réglementation et j’implante des couverts végétaux entre 2 cultures de céréales. Je souhaiterais que l’on nous autorise à fertiliser cette culture intermédiaire pour pouvoir lui donner un coup de fouet et lui permettre de développer un système racinaire puissant capable de puiser en profondeur les minéraux du sol. Au-delà d’être un piège à nitrates, cette culture protège le sol, limite l’érosion, crée de l’autofertilisation, autant d’éléments qui vont dans la logique d’amélioration continue de la qualité de l’eau. Je trouve plus logique de fertiliser le sol pour qu’il nourrisse la plante plutôt que de nourrir directement la plante comme c’est fait aujourd’hui. Sébastien Sachet, Agriculteur à Essé (35)