Donner le coup de grâce aux petites races de bovins, de porcs, de chevaux, de lapins, etc. C’est ce que fit d’un trait de plume, en 1947, l’inspecteur général de l’agriculture. L’objectif du haut fonctionnaire de l’époque était de sélectionner plus pour produire plus. En réduisant ainsi le nombre de races, il augmentait la pression de sélection en évitant la dispersion des efforts en matière d’amélioration des performances ; et – accessoirement – allégeait l’enveloppe de subventions allouées par l’État. Raisonnement à court terme. Comme déjà, comme toujours.
Certains éleveurs n’ont pas été convaincus – c’est le moins que l’on puisse dire – par cette décision arbitraire de ronds-de-cuir parisiens. Ils n’étaient pas décidés à laisser pour compte les races dites « indésirables qui doivent s’éteindre avec le temps ». Si l’Armoricaine, la Bretonne Pie Noir, le Coucou de Rennes, le Trait breton, le Blanc de l’Ouest etc., ont survécu, c’est grâce à l’entêtement d’une poignée de femmes et d’hommes qui n’ont pas hésité à rentrer dans une certaine forme d’illégalité pour sauvegarder la richesse inestimable de ce patrimoine génétique. Rejoints, dans les années soixante-dix, par une politique publique discrète de conservation de ces races passées du statut « d’indésirables » à celui de « délaissées ».
Mais ce sont bien d’abord des éleveurs défenseurs de ces vieilles races – on dirait aujourd’hui biodiversité – qui ont été les premiers à préserver ce coffre-fort vivant. Ils avaient compris, avant beaucoup d’autres et contre beaucoup d’autres, que le bien commun transmis par les générations antérieures mérite mieux que l’indifférence, sinon l’arrogance intellectuelle. Et que « le passé est une lampe placée à l’entrée de l’avenir » (Anatole France).