Le croisement génétique en races laitières devient plus courant. Au Gaec du Truchet, cette technique a été adoptée dès 2008. Malgré la production en hausse, les frais vétérinaires ont chuté. L’âge au premier vêlage a été réduit.
« Des éleveurs se lancent dans le croisement génétique pour améliorer leur situation en cellules, les taux, la fertilité, la santé ou encore la facilité de vêlage. Leur objectif est de progresser rapidement sur ces critères sans baisser en production laitière », précise Loïc Quéméré, directeur technique chez Eilyps. « Plusieurs types de croisement peuvent être envisagés. Il faut d’abord réfléchir à ce que va apporter chaque race et savoir que l’on s’engage dans une stratégie à long terme. Environ 9 ans sont nécessaires pour avoir un troupeau croisé à 100 %. »
Le Gaec du Truchet (3 associés dans l’Ain) réalise du croisement intégral Procross depuis 12 ans. Ce croisement trois voies utilise les races Holstein, Montbéliarde et Viking Red. « À notre installation en 1983 avec mon frère, nous avions des Montbéliardes, puis nous avons acheté des Prim’Holstein. Au début des années 2000, notre troupeau était mixte : 50 % Holstein / 50 % Montbéliard, en races pures », a retracé Michel Pivard, lors d’un webinaire organisé par Eilyps en septembre sur le thème du croisement.
Au début des années 90, l’éleveur avait rencontré des agriculteurs qui réalisaient du croisement lors de voyages au Royaume-Uni et en Irlande. « Dans un centre de recherche du nord de l’Angleterre, j’avais pu constater des résultats déjà intéressants sur une expérimentation en croisement trois voies Holstein, Normande, Montbéliarde. » Plus tard aux USA et au Canada, il avait pu observer du croisement réussi sur de grands troupeaux.
Suivre le protocole pour conserver le bénéfice dans la durée
« Après le passage en traite robotisée, nous avons sauté le pas en 2008. L’objectif était d’apporter de la solidité, de la facilité d’élevage, de la résistance. Sur les Prim’Holstein, nous avions des problèmes en reproduction et en fonctionnels. » Selon l’éleveur, cette technique n’est pas difficile à mettre en œuvre. « Avec les outils de management du troupeau, on suit facilement les généalogies aujourd’hui. Mais il est important de respecter le protocole si on veut préserver l’effet hétérosis » (qui se traduit par un animal naissant supérieur à la moyenne des deux parents).
Profiter des progrès faits sur les races pures
« Notre objectif est de continuer à progresser génétiquement », poursuit Michel Pivard. « Comme en race pure, il faut conserver un œil averti sur le choix des taureaux. Nous regardons les points à corriger ou améliorer sur la mère. En Red Viking, nous restons vigilants sur la taille car nous souhaitons conserver des animaux avec du format. » L’éleveur ajoute que « le croisement profite du travail réalisé en race pure. »
Sur 12 ans, le choix stratégique du croisement a contribué à l’évolution positive des résultats techniques. « Auparavant, nous étions en ration mélangée unique sans complémentation en salle de traite. La moyenne d’étable était de 6 500 L. Aujourd’hui en robot, avec complémentation individuelle, elle est montée à 8 800 kg avec un TB à 39,8 et un TP à 32,9. Nous nous limitons à 100 g de concentré/L de lait. » Malgré la production en hausse, les frais vétérinaires ont baissé, se situant à 49 €/VL, inférieurs de moitié aux chiffres du groupe Acsel (Conseil élevage de la zone). Les résultats sont également meilleurs en leucocytes. Côté reproduction, l’IVV est de 395 jours (contre 407 j en moyenne) et l’âge au premier vêlage a été abaissé à 29,8 mois (34 mois).
Des veaux mâles croisés avec du Charolais
« Nous n’observons pas de difficultés à faire boire les veaux. Le croisement atténue plutôt les défauts… Par ailleurs, nos animaux sont paisibles, sans doute en lien avec le robot de traite. Par contre, la valorisation des veaux mâles peut être difficile (mais c’est aussi vrai en races pures). Même si la morphologie est bonne, les acheteurs ne sont pas habitués aux couleurs… ». Sur les vaches dont la descendance n’est pas gardée, les éleveurs utilisent de la semence sexée mâle en Charolais. « Il y a une demande sur ce type de veaux. »
Concernant le marché des femelles, « dernièrement, nous avions un peu trop de génisses et nous avons trouvé des acheteurs à la recherche d’animaux croisés. Ce type d’orientation génétique est aujourd’hui entrée dans les mœurs. » Certains éleveurs reconnaissent les atouts de ces croisées (taux, cellules…).