La demande mondiale inassouvie va tirer la production. Pour autant, l’éleveur laitier vivra-t-il mieux de son métier ?
Lors de la rencontre Sodiaal, il aura été beaucoup question de volumes et de valorisation de ceux-ci. Par contre, comme dans chaque débat sur l’après-quota, la grande inconnue reste le prix payé au producteur sur lequel personne ne peut s’engager, volatilité oblige. En arrière-plan, le challenge de la rentabilité des exploitations, de l’attractivité du métier à l’installation comme pour la main-d’œuvre salariée. Jacques Lefranc, du BCEL Ouest, lançait tout de même aux représentants de Sodiaal un « merci pour l’optimisme que vous renvoyez aujourd’hui car nous avons besoin de messages de confiance », alors que l’ambiance laitière est plutôt morose dans les campagnes. « Car, à court terme, 2015 et 2016 s’annoncent déstabilisantes pour tout le monde. »
« La performance économique, fondamentale pour les jeunes »
Marc Janvier, directeur du lycée agricole de Pommerit-Jaudy (22), mettait tout de même en garde : « Cet avenir laitier va réclamer de la main-d’œuvre alors que la pépinière de jeunes dans nos écoles se restreint. Dans le message à leur envoyer, la performance économique est fondamentale. Pour assurer l’attractivité du métier, il est important de lever des contraintes de travail. Or, le recours à la technologie dans les exploitations ne pourra se payer que grâce à une bonne valorisation du lait. » Et Olivier Allain, président de la Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor d’enfoncer le clou : « Oui, les bretons sont prêts à faire du lait. Mais à la condition que ça paie eu égard aux contraintes de l’élevage par rapport à la forte rentabilité des céréaliers. »
« Les fourrages, un de nos points forts en compétitivité »
A la tribune, Frédéric Chausson, directeur du développement coopératif chez Sodiaal Union, bottait un peu en touche : « Des pays aussi puissants que la Chine qui se mettent à consommer des produits laitiers vont tirer les marchés vers le haut pendant longtemps. Mais en effet, le vrai challenge est de savoir si le différentiel entre prix du lait et du feed (alimentation animale) sera suffisant pour que les producteurs gagnent leur vie… » Marcel Denieul, président de la Chambre d’Ille-et-Vilaine, tentait de positiver : « La question de la marge sur coût alimentaire est généralisée dans le monde entier. La Bretagne a des raisons de voir l’avenir avec confiance et sans naïveté car elle est moins exposée que d’autres bassins laitiers. » Pascal Nizan, président de Sodiaal Bretagne Est, allait dans le même sens : « Le lait sera rare et donc précieux. Or le bovin a besoin de fourrages et leur production est un point fort de la Bretagne en matière de compétitivité. »
A la sortie, un éleveur finistérien installé en porc et lait analysait : « C’est plutôt encourageant de savoir qu’on pourra aller de l’avant. Mais depuis des années, chez moi, c’est le porc qui tire l’exploitation. En lait, l’astreinte est forte et la rentabilité faible. Il faudrait que ça évolue positivement pour que la production laitière suscite des vocations. Les laiteries ont aussi besoin de l’entendre et de l’intégrer. » Toma Dagorn