Le paradoxe de la baisse de production

baisse-production-porc-francais - Illustration Le paradoxe de la baisse de production

Pourquoi l’un des pays les plus performants en Europe, au niveau technique, voit-il sa production porcine stagner depuis une dizaine d’années ? Des opérateurs de la filière tentent d’y répondre.

Une explosion en Allemagne ces 10 dernières années. Idem en Espagne. Les deux poids lourds européens ont connu des augmentations de plus de 20 % de production sur cette décennie. Plus 15 % également au Danemark, et 6 % en Hollande. Seule la France stagne, avec pourtant des performances technico-économiques de premier plan. « Ces évolutions font suite à une décennie précédente (1990-2000) où les courbes étaient inversées, à l’avantage de la France, notamment par rapport à l’Allemagne », tempère Christine Roguet, de l’Ifip. Il n’empêche ; avec leur technicité, les producteurs français pouvaient espérer continuer à augmenter leur production. Au contraire, elle décline actuellement.

Alors, ou est le problème ? « Dans le chiffre d’affaires de la ferme France, le porc ne représente que 5 %, contre 14 % en Espagne et en Allemagne, et 28 % aux Pays-Bas ». En clair, la filière pèse moins qu’ailleurs. La Bretagne est la seule région à faire de la résistance. La production française s’y concentre. Les économies d’échelle permises sont favorables pour le prix de l’aliment, les transports et les coûts d’abattage. L’environnement et le foncier sont des limites, bien que les solutions techniques de gestion des effluents existent. En Bretagne aussi, la récession guette…

250 ou 2 000 truies ?

« Avant de parler de relance de la production, il faut déjà s’assurer du maintien de la production chez nous », précise Christophe Bèle, directeur du groupement Aveltis, intervenant à la journée technique de l’Ifip. « Le moral des éleveurs, indispensable à la dynamique des projets, passe par le revenu ». Il ne croit pas à la délocalisation vers des régions périphériques. « C’est l’inverse ; il faudrait faciliter la restructuration et le rapatriement des places de porcs en Bretagne ». Christophe Deschamps, l’un des 6 associés de la SCEA du Mont aux Roux, près du Havre, en charge d’un élevage de 2 000 truies, abonde : « L’avenir de la production porcine est en Bretagne. Le prix des céréales et des productions végétales est tel que les autres régions ne développeront pas l’élevage ».

L’éleveur, associé dans une société qui investit tous les ans 500 000 € dans des projets de rénovation ou de développement (y compris en Roumanie), précise : « Le modèle familial à 250 truies est indéboulonnable s’il est relativement autonome. Les bretons n’ont pas besoin d’agrandir leurs élevages. La priorité, c’est la rénovation du parc bâtiment, trop vétuste, pour répondre aux exigences sanitaires. Ils doivent aussi en finir avec le système d’engraissement à façon qui est une véritable machine à perdre ». Le dynamisme de la SCEA du Mont aux Roux n’est pas la règle. Les zones peu densifiées manquent d’éleveurs « chefs d’entreprises », capables d’investir, si l’on en croit un représentant de l’Inra. « Seuls quelques élevages s’y développent ».

Dossiers administratifs après l’installation

Bruno Hello, éleveur à Cléguer (56), fait partie de ces éleveurs à 250 truies sur 130 ha, en Gaec avec son frère. « Dès qu’un équipement est amorti, nous relançons un autre projet d’investissement ». Dernier en date, après la mise aux normes des truies, la géothermie pour chauffer les post-sevrages. « L’objectif est de baisser le coût de production », indique l’éleveur qui ne fabrique pas son aliment (échanges céréales-aliment). « Il y a encore beaucoup de leviers avant d’investir dans une fabrique, sans, pour autant l’écarter à moyen terme ». Il aimerait surtout pouvoir engraisser la totalité de ses porcelets. 500 porcs sont engraissés à façon. «Il a fallu quatre ans pour avoir une centaine de truies en plus, après mon installation en Gaec avec mes parents. Dossiers administratifs obligent… C’est très fatiguant ! », pointe l’éleveur qui déplore aussi l’image de la production. « Il y a de moins en moins de candidats pour le métier dans les écoles ».

Cochon de Bretagne avant VPF

Pour Christophe Bèle, la conjoncture actuelle n’a jamais été aussi favorable à une simplification administrative. « Il y a une fenêtre de tir pour que le plan de maintien de la production porcine, présenté aux élus ces derniers mois, soit pris en compte ». La mention d’origine VPF, également évoquée comme levier de relance, a peu de chances d’aboutir. Certains pays n’y ont pas intérêt. L’appellation « Cochon de Bretagne » aurait pu être une solution. Qui ne demandait rien aux pouvoirs publics, seulement l’adhésion des producteurs. 90 % de la production est standardisée. Pour Michel Rieux, économiste à l’Ifip, une production différenciée pourrait apporter un plus, même si la production de porcs « standard » restera dominante. Bernard Laurent

L’avis de Philippe Le Vannier, Responsable installation Triskalia

Depuis 2012, les exigences des banques à l’installation sont plus importantes. Il est plus difficile d’élaborer les plans de financement ; une part plus élevée d’autofinancement est demandée. Certains dossiers dépassent le million d’euros. Ça devient une prouesse de s’installer et il y a de moins en moins de candidats pour cela. Les jeunes n’ont pas le droit à l’erreur au niveau des performances techniques. On les retrouve généralement dans le tiers supérieur en terme de résultat. C’est le seul moyen de résister. Pour réussir, ils doivent reprendre un élevage en bon état. Il leur faut un minimum de foncier et doivent souvent envisager de recruter un salarié, à court terme. Ces conditions, et notamment la qualité de l’élevage, ne sont pas toujours au rendez-vous. Les cédants ont dû investir ces dernières années dans des mises aux normes environnementales, aux dépens des  remises à niveau des bâtiments.


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