Les mammites, 2/3 des antibiotiques en élevage laitier

Le traitement des mammites absorbe 2/3 des antibiotiques utilisés en élevage laitier. - Illustration Les mammites, 2/3 des antibiotiques en élevage laitier
Le traitement des mammites absorbe 2/3 des antibiotiques utilisés en élevage laitier.
Depuis 2008, le nombre de cellules stagne autour de 270 000 en Bretagne. Les élevages bretons éprouvent des difficultés pour renouer avec les meilleurs niveaux de 2003-2005. La moyenne était alors de 210 000 cellules.

C’est net. En 2008, tous les départements bretons ont vu le nombre de cellules augmenter. On ne peut s’empêcher de penser à la conjoncture laitière qui a incité à garder des vaches qui auraient dû être réformées. Reste que le niveau de leucocytes n’est jamais redescendu au niveau antérieur. Le loup est-il entré dans la bergerie ? Autrement dit, la contamination se serait-elle insidieusement installée dans les étables ? À moins que cette année 2008 marque un changement de cap dans l’élevage laitier : plus de vaches dans des bâtiments devenus surchargés, plus de vaches par éleveur et donc moins de temps pour surveiller les animaux, etc.

Jusqu’à 30 €/1000 litres de perte

Dans ce contexte, le plan national « prévenir et réduire les mammites en élevage laitier bovin » tombe à pic. Il s’inscrit en phase avec le plan Ecoantibio 2017, sachant que les mammites représentent 2/3 de la consommation des antibiotiques en élevage laitier. Il tombe également à pic au regard du « désert » qui s’est progressivement installé en termes d’actions collectives. « Il y a 10-20 ans, les organisations professionnelles menaient beaucoup d’actions. La situation avait progressé dans les élevages. Reste que progressivement il y a eu moins de vigilance, si bien qu’aujourd’hui, on se retrouve pratiquement 15 ans en arrière. Les éleveurs respectent moins les précautions d’usage, tant sur le plan préventif que curatif », observe Philippe Roussel, ingénieur à l’Institut de l’élevage.

En toute logique, ce plan, qui s’appuie sur de la formation d’éleveurs, de l’information et des travaux de recherche, devrait avoir de l’écho dans le monde de l’élevage quand on sait que les mammites représentent une perte qui peut aller jusqu’à 30 €/1 000 litres selon l’Institut de l’élevage. 150 euros par mammite chiffre pour sa part le GIE lait-viande de Bretagne : 50 € coût direct et 100 € perte de lait et pénalités.

« En fait c’est très variable et très difficile à évaluer », complète Philippe Roussel. Et d’expliquer que « le coût est très tributaire du type de mammite rencontré et de paramètres propres à l’élevage. Par exemple, quand le quota est ou sera réalisé sans difficulté durant la campagne laitière, l’impact financier du lait invendu est moindre comparé à un élevage qui a du mal à réaliser sa référence ».

Une vache à 50 000 cellules est capable de se défendre

Au-delà du coût sonnant et trébuchant, les mammites provoquent une surcharge de travail et de stress. Or, constate l’ingénieur à l’Institut de l’élevage, « il semblerait que les moyens de prévention, mais aussi curatifs, sont moins efficaces sur les 10 dernières années ». Ce qui par cascade entraîne davantage de stress pour les éleveurs car les dérapages et les récidives sont plus nombreux. Et André Bonnard, secrétaire de la FNPL, organisation professionnelle engagée dans le plan national mammites, de reconnaître humblement : « Tous les producteurs sont bons un jour ou un autre. Mais il n’y a pas d’acquis pérenne quand on parle de mammite ».

L’étude d’envergure (5 millions de lactations analysées), conduite par l’Institut de l’élevage, l’école nationale vétérinaire et le Cniel, veut aussi tordre le cou à certains préconçus. Comme cette idée qu’un « niveau de cellules bas est signe que les vaches ne sont plus capables de se défendre ». Cette théorie, si elle arrange bien les éleveurs dont le niveau d’étable est trop élevé, n’a pas de fondement scientifique. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un troupeau se trouve toute l’année à moins de 100 000 cellules qu’il est plus exposé à de potentielles mammites virulentes. C’est tout simplement que le troupeau est sain. « Une vache à 50 000 cellules est capable de se défendre, contrairement à ce que l’on peut entendre », confirme Philippe Roussel.

Combien de cellules viser ?

La réglementation européenne, fixe à 400 000 cellules le niveau à partir duquel le lait est considéré comme impropre à la consommation. Les laiteries considèrent de leur côté qu’à partir de 300 à 350 000 cellules, elles peuvent être confrontées à des problèmes de fabrication et commerciaux. En lait de consommation, certains industriels cherchent des laits qui contiennent moins de 100 000 cellules. Pour l’exportation, le seuil de 250 000 cellules est généralement un bon compromis au regard de l’exigence des clients.

La réforme n’est pas « La » solution

Cette étude montre par contre une chose : « Les comptages sont globalement meilleurs dans troupeaux qui rentrent davantage de génisses ». Les éleveurs ne seront pas étonnés par ce constat. Mais, préviennent les spécialistes, « ce n’est pas une raison pour considérer la réforme comme une réponse au problème des mammites ». Pour la bonne raison qu’en réformant, on ne résout pas le problème de fond et que cette stratégie coûte cher.

Des plans en Europe du Nord

Les autres pays, notamment du Nord de l’Europe, ont également travaillé sur la maîtrise de la pathologie et par conséquent sur la diminution de l’usage d’antibiotiques. « En Suède, par exemple, les éleveurs bénéficient d’un appui technique en lien avec les vétérinaires. Résultat : ils ont moins de mammites et utilisent moins de médicaments », cite Philippe Roussel. Les Pays-Bas ont également lancé un grand plan d’action en 2011. Les éleveurs bénéficient d’un programme technique associé à une vaste campagne de communication. Comme sur l’usage de gants pour la traite. « Une pratique qui n’est d’ailleurs pas toujours idéale. Car si les gants sont bénéfiques quand le trayeur a des blessures aux mains, les gants mouillés et souillés peuvent devenir de grands vecteurs de contamination ». La Grande-Bretagne, pays où la situation est loin d’être idéale au regard des mammites, a déployé un « très gros programme de lutte » qui associe les vétérinaires et les universités. Comme en France, ils ont commencé par établir un état des lieux pour cibler au mieux les actions à mettre en œuvre.


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