Invité le 30 novembre à la Journée lait de la FDSEA des Côtes d’Armor à Plérin (22), Benoît Rouyer, économiste au Cniel, fait un tour d’horizon du marché du lait.
La demande mondiale en lait va augmenter fortement dans les prochaines années. Phénomène dû à l’évolution démographique de la planète. Notamment en Asie, vitalité des naissances et développement du pouvoir d’achat créent un énorme appel d’air pour le lait des pays producteurs dont la France. Une demande de volume désormais associée à une recherche de qualité sanitaire.
L’Inde après la Chine
Benoît Rouyer, économiste au Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel), explique : « Lait, porc, choux… En Chine, il y a un nouveau scandale alimentaire chaque semaine. Cela est devenu intolérable pour la classe moyenne, ce qui ouvre d’importantes perspectives de marché. » Cette tendance devrait s’accentuer : « En Inde, on constate également le développement d’une classe moyenne alors que la chaîne alimentaire est loin d’être parfaite. Là-bas, seuls 20 à 25 % de la production sont collectés par des laiteries. Le lait est surtout vendu dans la rue, parfois coupé. On y retrouve urée, détergents, peinture blanche… Ce besoin de lait de qualité est l’avenir de la Bretagne. »
Ces perspectives suscitent tout de même des remarques des éleveurs : « Si le tourteau est très cher, la production sera limitée. Aux États-Unis, quand les coûts de production flambent, 100 ou 200 000 vaches laitières vont à l’abattoir. » L’économiste confirme que prix du soja et du lait sont importants dans l’équation avec « des cotations qui oscillent beaucoup mais ne sont pas souvent en phase. En début d’année, avec intrants chers et prix du lait bas, les producteurs étaient étouffés. En ce moment, on respire mieux. Demain, la marge sur coût alimentaire va varier énormément. Il faudra limiter notre dépendance aux concentrés protéiques. »
[caption id= »attachment_13560″ align= »aligncenter » width= »300″] Les prix de vente au consommateurs (PVC) n’ont pas évolué (beurre, yaourts et desserts lactés ont même baissé) en France. Mais en Allemagne, des hausses remarquables ont été passées à la distribution.[/caption]
Du prix, oui, mais surtout du revenu
Surtout, Hervé Moël, secrétaire général de la FRSEA Ouest lait, rappelle que le lait en Bretagne se fera « s’il y a du prix ». Avant qu’un producteur le reprenne : « S’il y a du revenu ! » Benoît Rouyer souligne aussi un « énorme caillou dans la godasse » de la filière française : « En entérinant le droit à la publicité comparative entre les distributeurs, on a engendré un vrai combat de coqs destructeur de valeur ajoutée avec un nivellement par le bas où tout passe en fait par le prix. Même les enseignes savent cette logique suicidaire… » D’autant que « nos 50 vendeurs de l’industrie laitière, trop dispersée, ne pèsent pas lourd face aux 5 centrales d’achat en France », rappelait-on du côté des éleveurs.
La situation en Allemagne qui précède toujours la tendance hexagonale montre que 2014 débutera avec un « bon prix du lait. » Pourtant, l’économiste observe que malgré une très nette augmentation des cotations des produits laitiers industriels (poudres, beurre, fromages et grands conditionnements), « la France laitière manque cruellement d’enthousiasme ». Il faut dire que les laiteries n’ont pas pu ou su passer des hausses à la distribution et que, selon Hervé Moël, « sur les paies actuelles à 360 à 370 € / 1 000 L, il manque 15 € par rapport aux indicateurs. » Alors qu’ailleurs en Europe, pour Benoît Rouyer, les signaux envoyés sont plus positifs. Au Danemark, le prix du quota lors des bourses d’échanges est « plus haut aujourd’hui qu’en février dernier », en Irlande la revue des coops laitières publie chaque mois « un compte-à-rebours du nombre de jours avant l’abolition des quotas », alors qu’en Allemagne « les prix des produits laitiers sur le marché de détail ont augmenté de façon très nette entre septembre 2012 et septembre 2013 »… Toma Dagorn