Présentes sur tout le littoral européen, les crépidules ont particulièrement envahi les baies du Mont Saint-Michel et de Saint-Brieuc. Pour contrer le risque écologique, différents acteurs publics et professionnels se mobilisent dans une filière de valorisation du coquillage.
La crépidule (crepidula fornicata) est une espèce de gastéropode originaire de la côte atlantique américaine. « Après s’être développée en Angleterre, elle est arrivée en France attachée aux coques des navires du débarquement en Normandie en 1944. Elle a aussi été introduite en Europe avec l’huître japonaise Crassostrea gigas », détaille Michel Blanchard, ancien chercheur Ifremer. Aujourd’hui, sa prolifération est telle qu’elle met en danger l’écosystème des baies du Mont Saint-Michel et de Saint-Brieuc. « N’ayant pas de prédateur spécifique, les crépidules bénéficient en outre d’une stratégie de reproduction très efficace s’étalant sur toute l’année. » Occupant l’espace dans les zones côtières peu profondes, elles concurrencent les huîtres et les coquilles Saint-Jacques pour l’alimentation.
Une chair très goûteuse
« Ne rien faire était impossible », a déclaré Pierre-Yves Mahieu, maire de Cancale, lors d’un forum marquant le lancement d’un Plan crépidule, le 6 décembre à Cancale. « Nous pouvons faire reculer cette menace et la transformer en opportunité. » Car en effet, la crépidule, aussi appelée berlingot de mer, bénéficie d’une chair très goûteuse. « Des chefs étoilés français l’ont déjà adoptée. Nous visons aussi les marchés asiatiques. Avec son bon rapport qualité/prix, ce coquillage pourrait aussi avoir une utilisation industrielle », précise Pierrick Clément, PDG de Slipper Limpet Processing (SLP) SAS.
Créée en 2008 à Cancale, cette société est aujourd’hui capable de traiter plus de 10 tonnes/jour de produit brut pour générer 10-15 % de chair, grâce à un process qui a nécessité 3 ans de recherche et développement. SLP SAS est désormais en quête de partenaires industriels. Le ramassage des crépidules est également optimisé aujourd’hui grâce à un navire qui a été équipé par le Comité régional conchylicole de Bretagne Nord. « Il permet de laver les coquillages en mer et garantit un approvisionnement régulier et de qualité », note son propriétaire Goulven Brest.
Amendement calcaire, pavés drainants…
La coquille aussi peut être valorisée, notamment comme amendement calcaire après broyage. Un autre projet est en cours pour l’utiliser dans la fabrication d’éco-pavés permettant le drainage des eaux pluviales dans les aménagements urbains (trottoirs, places…). Le projet s’achèvera dans moins d’un an. Représentants de l’État et des collectivités sont mobilisés autour de ce projet, auprès des organisations professionnelles, des structures accompagnant l’innovation, et des scientifiques. L’objectif est d’évaluer les potentiels les plus prometteurs des crépidules. Le suivi écologique des sites doit être organisé, avec une évaluation des volumes à récolter pour rétablir l’équilibre : entre 10 et 20 000 t annuelles sur Cancale. Agnès Cussonneau