Suite aux annonces de Stéphane Le Foll, le 17 décembre, sur les arbitrages de la nouvelle réforme, c’est un peu amer qu’Olivier Allain, élu en charge du dossier Pac à la Chambre d’agriculture de Bretagne, commente des choix souvent pénalisants pour la région.
Les Bretons comptait beaucoup sur la surprime aux 52 hectares. Qu’a-t-il été annoncé ?
Stéphane Le Foll a précisé les modalités de ce paiement redistributif comme on l’appelle. Cette mesure, caractéristique de cette réforme, devrait concerner 14,3 millions d’hectares en France et débutera en 2015. Cette année-là, elle sera alimentée seulement par 5 % (26 € / ha) du 1er pilier de la Pac (7,5 milliards d’euros par an). 10 % en 2016. L’objectif reste 20 % en 2018 annoncé par François Hollande à Cournon (63) le 2 octobre.
Énorme déception pour la Bretagne. Camouflet même car Le Foll avait obtenu à Bruxelles la possibilité de monter à 30 % du 1er pilier.
C’est vrai. Notre région a toujours été derrière le Ministre pour obtenir un budget maximum sur cette question. Le cadre tracé par l’Europe permettait d’aller jusqu’à 30 % (160 € / ha). Le discours de Cournon, avec un objectif de 20 % pour 2018 et un financement progressif les années précédentes, avait déjà été une douche froide. Les annonces du 17 décembre sont encore plus douloureuses. Non seulement c’est seulement 5 % en 2015 et 10 % en 2016 mais c’est une évaluation future qui fixera le niveau pour 2017. C’est malheureux car cette surprime était le meilleur moyen de soutenir notre élevage qui s’appuie sur un maillage dense de petites et moyennes exploitations aux DPU élevées. Cela traduit tout simplement le manque de courage politique.
La moyenne des DPU en France est de 268 € / ha. Les Bretons, souvent au-dessus, vont être contributeurs de l’idée d’aides Pac plus homogènes entre exploitations.
Globalement, toutes les exploitations au-dessus de ce seuil vont voir leur montant d’aides baisser notamment à cause de la convergence, même partielle. Une simulation montre qu’un élevage à 375 € / ha de DPU ne touchera à horizon 2018 que 301 € sur ses 52 premiers hectares et 198 € sur les suivants… C’est vraiment pénalisant.
L’importance du nombre de parts Pac
Les exploitations jusqu’à 94 ha tireront avantage du paiement redistributif. De plus, grâce à la reconnaissance de leur transparence par Bruxelles, les Gaec ayant 2 parts Pac profiteront deux fois de la surprime aux 52 hectares ou des aides couplées aux vaches laitières et allaitantes. Soit 104 ha surprimés, 80 laitières et 80 allaitantes éligibles au maximum de couplage. Avec 3 parts Pac, ce sera 156 ha, 120 laitières et 120 mères primées…
Dans les Côtes d’Armor par exemple, il y a 1 273 Gaec dont 1 000 ont 2 parts Pac. Les grands perdants de cette réforme sont les Gaec exploitant plus de 94 ha avec une seule part Pac. Il y en a ainsi 70 en Côtes d’Armor. De la même manière, les EARL qui concernent plusieurs actifs sur plus de 94 ha seront pénalisées et ne pourront pas profiter à plein du couplage et du paiement redistributif. Sauf si la grogne qui monte du terrain fait évoluer la condition des EARL à travers la future Loi d’avenir.
Les aides couplées représentaient un champ d’espoir pour l’élevage.
Les secteurs ovin et caprin se sont vus attribués respectivement 125 et 15 millions d’euros, des budgets en hausse de 9,6 et 21 %. Le secteur de la viande bovine bénéficiera de 670 millions d’euros pour les vaches allaitantes et l’engraissement. 5 millions d’euros pour la filière veaux sous la mère, soit une progression positive. La formule à retenir désormais est « Une vache, une prime. Pas de vache, pas de prime. » L’éleveur toucherait 200 € par vache pour les 40 premières mères et beaucoup moins pour les suivantes.
Et la vache laitière ?
Finalement, la montagne capte 45 millions d’euros contre 140 pour les troupeaux de plaine. Concrètement, les producteurs bretons toucheront au moins 30 € par tête limités aux 40 premières vaches du troupeau. Les simulations se basant sur les données du Rica 2010 vont jusqu’à 36,5 €.
Autre enjeu, les aides couplées aux cultures protéiques.
2 % du premier pilier y sont consacrés, soit 151 millions d’euros dont 40 pour les protéagineux, 8 pour la luzerne déshydratée… Le plus gros sera fléché vers les légumineuses fourragères et donc captable par bon nombre d’éleveurs en Bretagne. Les cultures éligibles sont trèfle, vesce, sainfoin et luzerne pour les fourrages. Pois, féverole, lupin doux et soja pour les protéagineux. Des espèces exploitées pures ou en mélange avec au moins 50 % de légumineuses. On évalue cette aide couplée aux protéines à 100 à 150 € / ha. Propos recueillis par Toma Dagorn