L’efficience des médecines complémentaires à la loupe

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L’aromathérapie, l’homéopathie, la phytothérapie peuvent aider les éleveurs à atteindre l’objectif de – 25 % d’antibiotiques en 2017. Une autre « médecine » donne aussi de très bons résultats : l’hygiène.

C’est l’histoire d’un élevage de 75 laitières qui, en 2012, a totalisé 35 traitements antibactériens pour des problèmes récurrents sur les pieds de ses vaches. Au cours d’une visite sanitaire, l’éleveur est incité à réaliser deux parages par an. Résultat : une seule infection en 2013 ; un seul traitement par antibiotique pour un panaris.

La propreté : premier « médicament »

Au travers de cet exemple cité lors d’une intervention à l’assemblée du GDS 29, Raphaël Guatteo, enseignant chercheur à Oniris (Ecole vétérinaire de Nantes), fait la démonstration pratique que l’objectif de – 25 % d’antibiotiques en 2017 n’est pas hors de portée des éleveurs. Les Hollandais n’ont-ils pas atteint avec un an d’avance l’ambitieux objectif de – 50 % d’antibiotiques pour 2015 ? Car, comme l’illustre cet exemple sur les boiteries, les médicaments ne font pas tout. Pas davantage que toutes les techniques souvent louées comme très efficaces : «Nous avons mesuré une baisse de 60 % des infections et une augmentation de 40 % des guérisons des pieds en faisant passer les vaches dans un pédiluve 2 jours consécutifs tous les 15 jours », cite le vétérinaire.

Mais il ajoute : « Par comparaison, avoir des vaches avec les pieds propres et parés est aussi efficace que le pédiluve ». Et que penser des médecines « alternatives » pour faire baisser l’usage des antibiotiques en élevage ? Les vétérinaires qui creusent la littérature scientifique retrouvent peu d’études approfondies sur l’efficacité de l’aromathérapie, l’homéopathie, la phytothérapie en élevage bovin. «En homéopathie, les essais réalisés montrent bien souvent que l’efficacité n’est pas supérieure à celle d’un placebo », fait observer Raphaël Guatteo qui s’appuie sur les différents essais publiés dans la bibliographie. Et de relever qu’il y a un « manque d’études robustes sur le sujet ».

Un grand terrain à défricher

Des éleveurs qui utilisent avec succès ces médecines dites douces observent quant à eux des résultats tangibles. Ils vont jusqu’à s’interroger sur la pertinence de comparer les études d’aromathérapie, d’homéopathie, etc. avec celles conduites pour des médicaments allopathiques sachant que le principe d’action n’est pas le même. Sans occulter les intérêts financiers qui ne laissent pas insensibles : « Quand on voit le prix des préparations homéopathiques que ce soit pour les non-délivrances, les mammites, le tarissement, etc., on peut se demander où est l’intérêt de l’éleveur», argumente un adhérent du GDS 29.

En 2012, Marie Harlet, jeune vétérinaire, a consacré sa thèse sur l’usage d’huiles essentielles (aromathérapie) en élevage laitier. Grâce au concours de plusieurs éleveurs (notamment bretons), elle a mesuré l’effet de trois huiles essentielles sur les mammites. La conclusion est brutale : 1 vache sur trois avait guéri avec les huiles essentielles ; 1 vache sur 2 à 3 avait guéri avec l’emploi d’antibiotiques et 1 vache sur trois avait guéri spontanément. Le taux de récidive était quasi identique pour les vaches traitées aux huiles essentielles ou aux antibiotiques.

Patience et expérience

S’atteler à l’homéopathie, l’aromathérapie, la phytothérapie, voire à l’isothérapie ou l’organothérapie, peut désemparer. En sortant d’une première journée de formation sur ces thèmes, c’est d’ailleurs le sentiment qui domine chez les éleveurs. Puis, en pratiquant, on se passionne et les résultats finissent par apparaître. Comme le résume un éleveur passé par cette case formation : « Je suis rentré avec un flacon d’huile essentielle ; j’ai essayé ; ça a marché. On apprend en faisant ». Ce qui n’exclut pas d’avoir recours aux antibiotiques quand les résultats ne sont pas au rendez-vous.

L’observation des animaux améliorée

Ces exemples n’ont pas pour vocation de dénigrer les médecines « douces » qui font actuellement leur entrée en force en élevage. Dans l’essai précité, l’usage des antibiotiques n’est d’ailleurs pas un remède souverain : seulement la moitié des vaches ont été guéries de leur mammite. Et de l’autre côté, il reste encore beaucoup à débroussailler dans les domaines de l’homéopathie, la phytothérapie, l’aromathérapie. Cependant, ce qui est incontestable, c’est que ces médecines « alternatives » ont le mérite de développer une autre approche de la santé animale : « Les éleveurs surveillent et observent plus leurs animaux. Ce qui les conduit à intervenir plus précocement », note Raphaël Guatteo. Elle est aussi – surtout ? – là la première voie de réduction d’emploi des antibiotiques en élevage. 


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