Peu de rentabilité derrière le marché

Début d’année plombé par le prix de l’aliment, chute des cours dès septembre puis décembre pénalisant… 2013 n’aura pas été la campagne attendue.

1,464 € par kilo au Marché du porc breton (MPB) à Plérin (22) sur 2013, soit un centime de mieux qu’en 2012. Comme l’année précédente, le prix de base moyen du porc a à nouveau atteint un sommet que nous n’avions pas connu depuis plus de 20 ans : 1,576 € en 1992, conséquence notamment du virus SDRP qui avait limité la production du Nord de l’Europe. Ce prix 2013 paraît porteur mais n’a en fait pas pu assurer une bonne rentabilité des fermes porcines. Ces-dernières ont d’abord traîné le boulet de la flambée des coûts de production quand les cours des matières premières (aliment à 330 € / t) étaient au plus haut. «

Certains mois, en début d’année, des pertes allant jusqu’à 15 à 20 centimes du kilo en spot ont été constatées dans certains élevages », note un observateur avisé de la filière. La profession avait fini par se fâcher et organisé des actions de « police des viandes » sur les routes de l’Ouest à la recherche de produit importé venant alimenter la région, tout en réclamant à corps et à cri l’étiquetage généralisé de la mention d’origine. Puis, à partir d’avril, la cotation du MPB a commencé à remonter la pente, les premiers rayons de soleil invitant à la sortie des barbecues et aux grillades.

Un sommet à 1,734 € avant le Space puis la dégringolade

Une ascension pour atteindre un sommet lors des marchés du 2 et 5 septembre bouclés à 1,734 €. « Au mois d’août, le prix du cochon est monté sur un constat des analystes de baisse de production en Europe pour les six mois à venir », rapporte Jean-Pierre Joly, directeur du MPB. « À ce moment-là, les éleveurs rattrapaient le retard pénalisant de l’hiver. Mais le grand regret est d’être redescendu aussi vite pour finir l’année par la plus basse cotation avec 1,293 € le 30 décembre 2013. » En effet, en fin d’été, le monde du cochon espérait alors boucler une année équilibrée, voire même un peu mieux, grâce à une offre européenne annoncée en net recul en faveur d’un marché plus tendu et plus rémunérateur. « Il y avait le feu sur le cochon en août. Les abattoirs qui achetaient avaient en tête une baisse imminente de 5 % de la production. » Le mirage n’aura duré que jusqu’à la mi-septembre, moment où les acheteurs allemands ont constaté un afflux de cochons sortant de leurs porcheries qui a immédiatement mené à l’effondrement des cours jusqu’en 2014.

[caption id= »attachment_12496″ align= »aligncenter » width= »300″]Cours du porc M.P.B. (départ élevage, 56 TMP) Cours du porc M.P.B. (départ élevage, 56 TMP)[/caption]

Les prévisionnistes européens vraiment à côté de la plaque

Comment le secteur n’a-t-il pas vu l’accident venir ? La faute aux « prévisionnistes européens qui n’avaient encore jamais fait une si grosse erreur ! » Le baromètre Eurostat avait ainsi annoncé un recul considérable de la production pour les 3e et 4e trimestres de 7,2 % et de 7,8 % en Allemagne et de 5,8 % et de 11,7 % en Espagne. Les auteurs s’étant basés sur des « impressions » guidées par les perturbations liées aux mises aux normes bien-être des truies. Alors que la France produit 24 millions de porcs, rappelons que nos voisins d’outre-Rhin en pèsent 60 millions et la filière espagnole 40 millions. Autant dire que le recul annoncé aurait été un levier conséquent sur la cotation. « Mais dans nos pays et sur nos marchés, en système d’intégration, il est impossible d’avoir autant de baisse des volumes sans une épidémie ?

Les prévisionnistes n’ont pas écrêté leurs chiffres », note Jean-Pierre Joly. Au final, en réalité, la production allemande n’a reculé que d’1,6 % au 3e trimestre 2013 et même progressé d’1,35 % au 4e. En Espagne, le 3e trimestre s’est soldé à + 0,15 %… On annonçait une pénurie mais les cochons étaient au rendez-vous avant le début de l’automne. Résultat : « Les acheteurs des abattoirs ont aussitôt repris la main et corrigé le phénomène de spéculation du mois d’août. » Amorçant une chute qui n’est toujours pas stoppée. En fin d’année, « les allemands, qui exportent partout et font le prix en Europe, ont pesé de tout leur poids et placé la barre trop bas. » C’est ainsi que la dernière séance de décembre aura sorti le plus prix le plus bas en 2013. Pour Georges Douguet chez CerFrance, « il y a de la déception car le solde de trésorerie moyen termine à environ 2 centimes de perte au kilo sur l’atelier porc en 2013. Les dernières cotations ont mis un vrai coup sur la tête. Cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu une grande année porcine, positive et rentable. Et pourtant, beaucoup imaginaient que les perturbations liées aux mises aux normes seraient favorables au cours du porc. »

Le manque de concurrence entre acheteurs allemands pénalise les prix

Autre donnée qui pèse sur le marché depuis 1,5 an, la santé financière du groupe coopératif hollandais Vion. Ce colosse aux pieds d’argile s’est d’abord cassé les dents et le petit cochon de sa tirelire en rachetant des abattoirs au Royaume-Uni avant de devoir se retirer. Avant d’enchaîner par une nouvelle mauvaise affaire via la reprise d’outils dépassés en Allemagne. Aujourd’hui, Vion ferment des sites pour amorcer sa nécessaire  restructuration mais en attendant il n’a plus les reins assez solides pour concurrencer les autres poids lourds du marché allemand (Tönnies et Westfleisch). Ce que confirme le directeur du MPB : « Avec un Vion en bonne santé, le prix du porc aurait été plus élevé. Auparavant, la concurrence entre abatteurs en Allemagne donnait lieu à une surenchère à l’appro pour obtenir le siège de leader, ce qui tendait le prix du cochon et tout le monde en profitait. » Toma Dagorn

L’avis de Daniel Picart, Président du Marché du porc breton

1,464 € / kg, c’est un centime de mieux qu’en 2012. On finit aussi à moins d’un centime d’écart avec l’Allemagne, ce qui est une performance vues les distorsions de concurrence qui existent. L’année porcine n’a pas ramené la rentabilité attendue, a été marquée par la fermeture du site Gad à Lampaul qui a impacté le marché dès février. Mais heureusement que nous profitons depuis 40 ans de ce bel outil qu’est le cadran. Quand on voit qu’en production laitière, pour un quota de 400 000 L, il peut y avoir jusqu’à 16 000 € par an d’écart de paie entre deux exploitations selon les laiteries qui collectent… Continuons à alimenter et défendre notre MPB.


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