L’azote apporté tôt est peu efficace, avec 60 % d’efficacité au maximum, et coûte donc cher. La valorisation de l’engrais dépend directement des besoins quotidiens de la plante.
Comme l’an dernier, les températures douces ont permis aux céréales implantées fin octobre de lever rapidement et de se développer de façon très satisfaisante. Ces semis d’octobre sont en avance d’une feuille – et donc d’une talle – par rapport à une année normale. Les semis plus tardifs sont aujourd’hui au stade début tallage et peinent à se développer au vu de la forte pluviométrie subie cet hiver dans notre région.
Du côté de l’azote, les pluies abondantes de l’automne ont entraîné un lessivage précoce des reliquats d’azote minéral laissés dans le sol par la culture précédente et la minéralisation estivale. En revanche, la douceur et l’humidité de l’automne ont permis généralement une minéralisation d’automne et d’hiver supérieure d’une dizaine de kgN/ha par rapport à une année normale. Cette minéralisation couvre dans la plupart des cas les besoins précoces des cultures.
Vigilance en parcelle hydromorphe et pour les semis tardifs
Dans les sols sains, la croissance est très satisfaisante. Il n’y a pas d’urgence à apporter de l’azote qui provoquerait des développements excessifs favorisant verse, maladies, sensibilité à la sécheresse et dégradation de la qualité. Par contre, les parcelles hydromorphes peuvent être aujourd’hui déficientes en azote en raison d’une plus faible minéralisation et d’un mauvais fonctionnement racinaire. Des signes de carence peuvent apparaître, dus autant à l’absence d’azote minéral qu’à l’asphyxie des racines. Dans ces situations, tant que les sols ne seront pas ressuyés, les plantes n’auront aucune capacité à assimiler l’engrais apporté. Les semis tardifs de fin novembre et décembre quant à eux sont au début tallage, ils atteignent un niveau de croissance satisfaisant pour ces dates d’implantation. Les faibles reliquats ne suffiront pas à assurer leur alimentation jusqu’à fin tallage, mais il faut attendre que les parcelles soient bien ressuyées avant d’intervenir.
Faut-il prévoir un apport en phosphore ?
Un apport de phosphore permet de relancer la vigueur des céréales en sortie d’hiver en conditions difficiles. Mais l’apport de phosphore au tallage des blés en situations d’implantation difficile n’apporte pas de gain de rendement significatif sur la culture dès lors que le sol est suffisamment pourvu (essais 2013, Arvalis – Institut du végétal). Quelles que soient les conditions de semis, de levée et de développement, le raisonnement des apports de phosphore se fait en fonction de la disponibilité en phosphore du sol. En Bretagne, dans toutes les situations recevant régulièrement des produits organiques, un apport de phosphore en couverture sur céréales n’est pas valorisé par la plante lorsque la teneur du sol dépasse 80 mg P2O5 /kg (méthode Olsen).
Se caler sur les besoins des cultures
L’efficacité des engrais minéraux dépend directement des besoins quotidiens de la plante. Plus le besoin est élevé au moment de l’apport minéral, mieux l’engrais est valorisé. Cette valorisation varie de 60 % au tallage à plus de 90 % lors d’apport tardif de fin montaison. Il est donc essentiel techniquement et économiquement de limiter au strict nécessaire l’azote apporté précocement. Avant la fin tallage, lorsqu’un apport est nécessaire, 40 kgN/ha suffisent. Les expérimentations conduites en 2012 et 2013 par Arvalis et différents partenaires régionaux ont montré que des stratégies très précoces d’apport d’azote se traduisent par des pertes de rendement moyennes de 2,6 q/ha et une baisse de teneur en protéines de 0,3 % à dose totale d’azote identique par rapport à des stratégies reposant sur des apports calés sur les besoins de cultures.
Risque de carence en soufre
Le lessivage s’est également exercé sur les stocks de soufre : le risque de carence est plus élevé que la normale. Il faudra couvrir les besoins des cultures avec un apport de 30 à 40 kg SO3/ha maximum, avant la fin tallage si possible, dans les situations à risque : limons battants hydromorphes et sols superficiels recevant peu de matières organiques. Eric Masson / Arvalis-Institut du végétal