A cause des intempéries à répétition de ces derniers mois, plusieurs sources se sont mises à couler dans la stabulation de Christian Jacob. Las, l’éleveur nous raconte les difficultés qu’il rencontre depuis deux mois.
Parfois, on ne se rappelle pas des 1er janvier trop arrosés. Pourtant, Christian Jacob, éleveur laitier installé à Plounérin (22), lui, n’est pas prêt d’oublier ce premier jour pluvieux de l’année 2014. C’était la date de la première inondation de sa stabulation. « Dès le lendemain, j’ai dû curer l’aire paillée », raconte-t-il. « Et creusé une saignée le long du mur du fond pour poser un drain de 100 mm de diamètre. Cela n’a pas suffi pour évacuer l’eau qui remontait dans l’étable. J’ai fini par laisser le fossé d’évacuation à ciel ouvert pour faciliter l’écoulement hors du bâtiment ». En fait, le cauchemar avait débuté bien plus tôt. Probablement dès la mi-décembre. « Vers le 20 décembre, j’ai eu une flambée de mammites : 7 d’un coup ! Du jamais vu chez moi. Vraiment, je ne comprenais pas », se rappelle-t-il.
Déjà, la litière, par endroits, devait avoir commencé à éponger l’humidité, à se gorger d’eau. La faute à 5 ou 6 sources qui se sont mises à couler brusquement dans l’enceinte tant les nappes phréatiques sont chargées. « Je savais qu’il y avait des sources autour des bâtiments. Mais à l’intérieur de l’étable, en 45 ans, c’était une première ! » Le 9 janvier, un nouveau filet d’eau apparaît dans le passage des vaches. « Puis, tout s’est calmé autour du 20. Ça ne coulait plus. Malheureusement, depuis le 1er février, c’est reparti de plus belle », désespère Christian. Il y a quelques jours, un petit ruisseau traversait même l’aire d’exercice bétonnée.
Moral en berne et temps de travail qui explose
Face à cette situation inédite, le producteur de lait a dû rapidement s’organiser. « Jusqu’au 20 janvier, j’ai pompé tous les jours à l’aide d’une tonne à lisier. » La consommation de paille pour l’entretien de la litière a fortement augmenté : d’une tonne tous les 3 jours à une tonne tous les deux jours. « J’effectue deux paillages par jour, mais il en faudrait trois. » Le temps quotidien de traite des 45 laitières est aussi à la hausse : « Une heure de plus par jour tant les vaches sont sales. Il faut voir leur état quand elles entrent sur les quais. Ce n’est pas appétissant », raconte Christian, dégoûté. Si les problèmes de mammites n’ont été que passagers, les comptages leucocytaires ont grimpé en flèche. « La moyenne est passée de 140 000 cellules en moyenne à 314 000 récemment. En janvier, j’ai pris trois points de pénalité sur la paie de lait. Cela ne m’était pas arrivé depuis si longtemps que je ne sais même pas combien je vais perdre financièrement. »
Sa seule consolation est l’augmentation du volume et des taux (48,2 de TB et 36,7 de TP) des dernières livraisons de son troupeau mixte Normande-Holstein qui consomment visiblement un ensilage composé d’une meilleure variété de maïs depuis quelques semaines. Davantage de travail pour entretenir la litière ou traire, une consommation de paille supérieure d’un tiers (à 90 € / t), une qualité du lait dégradée et des pénalités… Le costarmoricain avoue être fatigué par l’accumulation des évènements : « Moralement, c’est dur d’entendre « ploutch, ploutch » à chaque fois qu’une de mes vaches se déplace. Et le box de vêlage étant inondé, quand une bête arrive à terme comme la nuit dernière, je suis stressé et aux aguets de peur que le veau se noie dans la rigole de la stabulation. »
740 mm en 2,5 mois
La pluviométrie chez Christian : 261 L / m2 en décembre, 315 en janvier et 164 au 11 février, soit 740 mm en moins de 2,5 mois « On dit que le temps change après les grandes marées. Mais elles sont passées et les intempéries continuent… inquiétant. »
Mise à l’herbe retardée fin mars
D’habitude, le troupeau sort deux heures par jour au pâturage fin février. « Cette année, vues les conditions, si je peux faire une mise à l’herbe fin mars, ce sera pas mal. Les anciens disent qu’ils n’ont jamais vu ça depuis 60 ans… » En attendant, l’aire d’exercice reste accessible jour et nuit. Dès qu’il ne pleut pas, les laitières sont dehors au soleil ou sous les étoiles, mais les sabots enfin au sec. Christian, lui, sait déjà ce qu’il fera cet été : « Je capterai toutes les sources dans l’étable vers un drain capable d’évacuer toute cette eau dehors, au cas où cette galère devait se reproduire. » Toma Dagorn