L’eau en excès déprime les choux-fleurs et rend difficile les chantiers de récolte des légumes d’hiver. Les plantations 2014 vont prendre du retard.
« Nos prévisions de production sont de 127 millions de têtes de choux-fleurs sur la période de septembre 2013 à juin 2014 », indique Yvon Auffret, directeur du Cerafel. « Nous avons à peine dépassé 61 millions de têtes à mi-février ». Deux bonnes semaines de retard sur les plannings. La production est ralentie par les perturbations météo. Deux fois moins de têtes la semaine dernière que prévues. Au champ, les plants commencent à flétrir et plusieurs parcelles risquent d’être perdues, au détriment des trésoreries des producteurs. Malgré quelques périodes délicates, la qualité est pourtant au rendez-vous. « Il y a de l’homogénéité, même si les choux sont un peu légers ».
Manque d’oxygène
Un poids limite qui ne devrait pas augmenter. « Il fait doux. Les choux-fleurs devraient pousser, et pourtant, ce n’est pas le cas », constate Vianney Estorgues, de la Chambre d’agriculture de Saint-Pol-de-Léon. « En fait, il semble que l’excès d’eau provoque un blocage. Il y a probablement un manque d’oxygène voir même un manque d’azote en raison d’un fort lessivage et de l’impossibilité d’apporter des fertilisants ». Les chantiers de récolte sont laborieux et fatiguants pour les producteurs. Les remorques restent embourbées ou ne rentrent pas dans les parcelles. Il n’est pas rare de voir deux tracteurs devant une remorque. « Le temps de travail augmente, la pénibilité aussi. Les parcelles en prennent un coup au niveau agronomique et certaines d’entre elles subiront une forte érosion », renchérit Jean-Jo Habasque, de l’UCPT. Si encore le travail supplémentaire était valorisé par de bons prix… C’est loin d’être le cas.
Poireaux polonais
Du côté des poireaux, le constat n’est pas plus reluisant. « Nous avons récolté 1 500 tonnes au lieu de 1 900 tonnes les années précédentes à la même période », reprend Yvon Auffret. « Nous perdons des parts de marché à l’exportation car il ne fait pas aussi froid que d’habitude chez nos concurrents Allemands, Belges, Hollandais et Polonais. Ils peuvent arracher. La Bretagne perd donc son atout climatique ». Au niveau du terrain, les producteurs déplorent aussi les conditions de récolte. « C’est toujours délicat d’arracher les poireaux, les sols sont vite dégradés, mais cette année, c’est pire. Les chantiers sont plus longs. Les poireaux sont sales et rapportent beaucoup de terre à l’usine de conditionnement », indique Clarisse Galet, de Terres de Saint-Malo. Pour l’instant, aucune perte au champ n’est à déplorer.
[caption id= »attachment_11993″ align= »aligncenter » width= »300″] « Délicat d’arracher les poireaux cette année : les sols sont vite dégradés, les chantiers sont plus longs, les légumes sont sales et rapportent beaucoup de terre à l’usine. »[/caption]
Trop doux pour le pot-au-feu
En plus des conditions de récolte déplorables, les prix des choux-fleurs, des choux pommes et des poireaux restent bas. « Les consommateurs boudent les légumes d’hiver. Il ne fait pas assez froid dans les régions d’Europe qui nous achètent nos produits ». Les soupes et autres pot-au-feu sont délaissés. Le marché des endives est tout aussi poussif. Il reste peu de racines au champ et la production est régulière car forcée en salle, mais la demande est faible. Il y a eu quelques invendus et les prix restent très bas. Les Belges sont plus compétitifs pour la transformation. Un autre problème pointe. La prochaine saison de plantation s’annonce déjà difficile. Les échalotes et les pommes de terre primeur devront attendre des jours meilleurs pour prendre leur place dans les parcelles. Quand va t-on les planter ? Dans une dizaine de jours normalement, mais si les pluies perdurent… Bernard Laurent
L’avis de Emmanuel Le Dantec, Producteur à Pleubian (22)
J’ai une trentaine d’hectares de choux-fleurs. Les conditions climatiques sont pour le moins inhabituelles. Il y a beaucoup d’humidité et de vent (170 mm de pluie au mois de janvier contre 90 mm en année normale). Du coup ce n’est ni doux ni vraiment froid. La coupe est difficile et le travail n’est pas valorisé ; on subit la concurrence de l’Italie et surtout de l’Espagne qui fournit le marché anglais. Les chantiers prennent du retard. Je redoute l’accumulation de travail dès que les conditions seront meilleures : les pommes de terre à planter, du travail au niveau des artichauts et le rattrapage sur les choux. En plus, pour les choux, il pourrait y avoir beaucoup de volume à ce moment là, avec une offre supérieure à la demande et des prix qui pourraient s’effondrer.