Depuis 2008, le cheptel allaitant s’effrite en Bretagne. Sur 2013, le nombre de vaches laitières augmente par contre fortement. La spécialisation laitière qui se dessine inquiète les producteurs de viande bovine.
Sur 2013, le nombre de vaches allaitantes a accusé une nouvelle baisse, chiffrée à 2 % en Bretagne. Sur les quatre départements, les effectifs fléchissent un peu plus chaque année. Alors qu’en 2002, la région comptait 133 900 vaches de races à viande, ce chiffre n’est plus que de 114 600 fin 2013, soit une baisse de près de 15 %. Le nombre de génisses régresse lui aussi de manière continue depuis 2010, surtout en croisées ; en 2013, les effectifs baissent de 1 % en races allaitantes et 3 % en croisées.
De son côté, le nombre de vaches laitières connaît une vive remontée, atteignant 760 000 individus en décembre dernier (+2 % sur 2013). Un niveau équivalent à celui de 2006. « On reste loin cependant des effectifs de 2003. La Bretagne comptait alors plus de 800 000 VL », nuance Christian Veillaux, responsable herbivores à la Chambre d’agriculture 35. Les génisses laitières aussi sont en nette progression sur 2013. Les cours qui se tiennent et la fin annoncée des quotas expliquent cette tendance à la spécialisation laitière qu’on observe sur les vertes terres de Bretagne, de manière plus marquée qu’à l’échelle nationale. En France, le troupeau allaitant s’est maintenu en 2013.
Les outils d’abattage dans l’Ouest
Des inquiétudes sont perceptibles dans la filière viande bovine en Bretagne. Les réformes laitières ne rempliront pas à elles seules les outils d’abattage majoritairement situés dans l’Ouest de la France, d’autant plus que les VL sont aujourd’hui plus productives. S’agissant des mâles, qu’ils soient de races laitières, à viande ou croisées, leur nombre est stable en Bretagne sur 2013, notamment du fait du maintien des achats hors région. Mais les perspectives laitières laissent présager des arrêts d’ateliers d’engraissement. « La fin des quotas, mais aussi les normes environnementales, les incertitudes concernant la future Pac, la prudence des banques menacent la production de viande bovine en Bretagne, par ailleurs historiquement concurrencée par les autres productions animales », a souligné Didier Yon, président de la section bovins Triskalia, lors de l’assemblée générale du groupement le 7 février.
Sécuriser les éleveurs
Les enjeux sont donc importants pour la filière bretonne face à une pyramide des âges vieillissante, en lait comme en viande. Des contractualisations ou aides peuvent permettre de sécuriser les productions, à l’image des nouvelles offres de Triskalia sur 2013, en partenariat avec Socopa, sur des génisses à l’herbe, des JB viande et des JB laitiers. Le groupement va également travailler sur le renouvellement des élevages naisseurs-engraisseurs, avec des aides sur les vaches. Mais la production de viande n’a sans doute pas dit son dernier mot en Bretagne, de l’avis de Philippe Chotteau, chef du département économie de l’Institut de l’élevage. « Pour sécuriser leur système, les éleveurs laitiers peuvent garder un atelier taurillons ou un troupeau allaitant à côté. » Le cours du lait va rester fluctuant à l’avenir. Par ailleurs, la production laitière est plus contraignante en main-d’œuvre…
Les équilibres seront également dépendants des aides Pac, avec en particulier des paiements uniques en baisse pour de nombreux élevages engraisseurs. Lors de l’assemblée générale de la FNB (Fédération nationale bovine) aux Sables-d’Olonne les 5 et 6 février, aucune précision n’a été donnée par Stéphane Le Foll au sujet des PMTVA. Le ministre a simplement précisé : « C’est 200 euros pour les 40 premières vaches. Le reste sera calculé. En revanche, nous n’avons jamais évoqué un chiffre aussi bas que 60 euros ». Aucune précision non plus sur la répartition de l’enveloppe de 150 millions d’euros pour le plan protéines. Pierre Chevalier, président de la FNB, a demandé que les 2/3 soient orientés vers les éleveurs. Stéphane Le Foll a par contre annoncé vouloir travailler sur la simplification des procédures ICPE.
« Conserver nos marchés européens »
Autre grande incertitude pour les éleveurs : la consommation de viande bovine qui s’est affaissée de 14 % en 5 ans sur l’Europe. Mais elle pourrait rebondir en 2014, aidée par une offre en hausse et un début de reprise économique. « Et la France, détenant 40 % du cheptel allaitant européen, conserve un positionnement confortable sur ce marché. D’autant plus que les gros exportateurs mondiaux, polarisés sur les pays émergents (Asie, pourtour méditerranéen…), sont moins présents sur nos marchés historiques européens (Italie, Grèce, Allemagne) », termine Philippe Chotteau. Agnès Cussonneau
L’avis Olivier Frayer, Responsable de la section bovins de Triskalia
Au niveau des abattages, l’année 2013 aura été marquée par une pénurie de vaches (-11 % par rapport à 2012), accroissant encore le déséquilibre matière sur le marché français, adepte des viandes rouges des femelles. Les difficultés sur le marché du broutard ont induit davantage d’engraissement de mâles en France (+8 % de volumes en JB). Globalement, le nombre d’abattages de gros bovins a chuté de 6 % en France. En vaches R3, les cotations se sont maintenues au dessus de 4 euros/kg de carcasse. Le JB R dépasse les 3,7 – 3,8 euros. En parallèle, les coûts de production ont baissé, restant toutefois à un niveau élevé. 2014 devrait voir arriver davantage de vaches de réforme à l’abattage, et de JB sur le premier semestre seulement.