La surreprésentation des agriculteurs à la tête des mairies décline. Explications avec Julian Mischi, sociologue à l’Inra, à la veille du 1er tour de scrutin pour les municipales.
Entre 1983 et 2008, la part d’agriculteurs chez les maires est passée de 37 % à 15,6 %. Au profit de qui ?
Ce déclin se fait surtout au profit des cadres et professions intellectuelles supérieures. Cette tendance est historique. Les agriculteurs ne représentent désormais plus que 6 % des actifs. Mais par rapport à leur poids dans la population locale, les agriculteurs sont encore fortement surreprésentés dans les mairies.
Ce chiffre est-il condamné à baisser ?
Ce déclin va se poursuivre car les maires se recrutent de plus en plus parmi les retraités : or, si les agriculteurs étaient très nombreux parmi cette catégorie, cela sera de moins en moins le cas à l’avenir. Les agriculteurs préfèrent souvent aujourd’hui occuper des sièges à un autre niveau (assemblées syndicales, chambres d’agriculture, etc.) et se désinvestissent des affaires municipales.
Cela change-t-il les politiques mises en place par les municipalités ?
Il est difficile d’évaluer l’impact de cette baisse du nombre de maires agriculteurs sur les politiques locales mais on peut estimer que les politiques municipales menées par des non-agriculteurs favorisent davantage le développement des activités touristiques ou la fonction résidentielle des villages tandis que les élus agriculteurs sont particulièrement sensibles au maintien des activités de production agricole et des infrastructures permettant leur développement.
Quelles difficultés spécifiques rencontrent les personnes vivant dans les zones rurales ?
Outre la présence d’agriculteurs, les campagnes françaises se singularisent par une surreprésentation des classes populaires et tout particulièrement des ouvriers : un actif rural sur trois est un ouvrier. Or la situation des classes populaires s’est fragilisée ces dernières années avec le développement du chômage et de la précarité. À ces problèmes d’emploi s’ajoutent des coûts de transport qui fragilisent l’équilibre des ménages modestes.
Toutes les zones rurales se ressemblent-elles dans leurs difficultés ?
Les zones rurales partagent toutes un même éloignement vis-à-vis des agglomérations et une faible densité de population mais elles se différencient entre elles. Schématiquement, on peut distinguer des zones tournées vers le tourisme où les résidences secondaires sont nombreuses, des régions où les activités agricoles dominent et des espaces ruraux industriels à la forte population ouvrière.