Si la France continue à lorgner Outre-Rhin, la politique germanique de développement de la méthanisation semble montrer qu’il n’y a pas de modèle idéal.
7 700 unités fin 2013, 3,7 gigawatts installés, 120 installations qui injectent du biométhane dans le réseau de gaz ; le dispositif allemand de méthanisation a, sur le papier, de quoi impressionner par rapport aux 250 installations françaises pour une puissance vingt fois moindre. L’Allemagne couvre avec ses digesteurs les besoins en énergie de 6,8 millions de ménages, dégageant ainsi 6,6 Mds€ de chiffre d’affaires et 40 000 emplois, dont un tiers dans l’agriculture. Une partie de l’Hexagone aimerait s’inspirer du modèle allemand et déplore que le gouvernement plaident pour un modèle de méthanisation « à la française » ; un modèle qui, à l’inverse des allemands, n’utiliserait pas de cultures énergétiques, comme le maïs, directement dans les digesteurs.
Chère méthanisation
L’impressionnant décollage de la méthanisation allemande semble cependant avoir aujourd’hui atteint des limites. Les consommateurs allemands ne veulent plus payer si cher leur électricité tandis que se font jour les conséquences négatives du modèle allemand : compétition entre les différents usages de la biomasse, accroissement des surfaces de maïs, dont 820 000 ha sur 2,5 M sont aujourd’hui dédiés à la production de bioénergie, hausse du prix du foncier dans certaines régions ; retournement accru des prairies, en parallèle d’une baisse régulière du cheptel allemand depuis 10 ans. Une situation qui conduit le gouvernement à envisager de modifier encore la structure de ses aides à la méthanisation. Un plafond à l’incorporation de maïs et de céréales a été introduit (60 % maximum en poids). L’utilisation de déjections animales est encouragée financièrement, notamment pour les petites installations qui utilisent à 80 % des déjections animales.
[caption id= »attachment_10546″ align= »aligncenter » width= »300″] Comparaison des approvisionnements moyens des unités de méthanisation en France et en Allemagne.[/caption]
Du coup, le nombre de nouvelles installations s’est tassé en 2013. Début 2014, la nouvelle majorité propose même d’accentuer le changement en modifiant la loi sur les énergies renouvelables, afin de soutenir uniquement les unités qui introduiront des déjections dans leurs process. Les plus grosses installations seront incitées à vendre leur électricité elles-mêmes et ne bénéficieront pas de tarifs de rachat. « La France s’est mise en mouvement plus tard que l’Allemagne et c’est peut être une bonne chose », suggère Katharina Böttcher, chef du service bioénergies du ministère de l’Agriculture allemand. De fait, le revirement allemand pourrait être douloureux pour ceux qui ont investi récemment, et désintéresser complètement les plus grosses exploitations.
500 millions de mégajoules
En outre, si les décideurs allemands entérinent les dernières propositions, il est probable que le pays n’atteigne pas le potentiel estimé à 500 pétajoules (millions de mégajoules) en 2020 pour le secteur du biogaz allemand. Aujourd’hui, 40 % de ce potentiel est réalisé. « Je ne dis pas que nous avons fait des erreurs, souligne Katharina Böttcher ; je constate qu’encourager, comme en France, l’utilisation de déchets et de résidus semble une bonne idée ». La France voit dans la méthanisation « une source d’énergie qui permet de produire de l’énergie renouvelable tout en valorisant des déchets », rappelle pour sa part Pierre-Marie Abadie, du ministère de l’Ecologie français. Pour nous, c’est clairement un outil de la politique territoriale ».
Dialogue franco-allemand
Le modèle choisi par la France n’est pas définitif : la simplification des procédures d’enregistrement pour les unités de méthanisation et le système de guichet unique pour le montage des projets en attestent. Chacun des deux modèles, allemand et français se cherche donc encore. L’avance allemande pourrait bénéficier à la France, notamment les études que l’Allemagne a lancées pour identifier les meilleures alternatives possibles aux cultures énergétiques. Inversement, les allemands pourraient bien être intéressés par les travaux français sur l’utilisation des cultures intermédiaires (CIVE) pour la méthanisation. Organiser ce dialogue est l’une des missions de l’Office franco-allemand sur les énergies renouvelables qui vient d’ouvrir son champ de travail à la méthanisation.