En 2013, les membres de Solidarité Paysans ont parcouru près de 56 000 km pour venir en appui à des exploitations en difficulté. Pour leur AG, les invités ont échangé sur la question « Projets de vie, projets économiques agricoles, quels équilibres ? ». Extraits.
Conseils juridiques et économiques, négociations amiables, règlements amiables judiciaires, redressements ou liquidations judiciaires, procédures collectives, médiations entre associés… Rappelons-le, l’association Solidarité Paysans de Bretagne a pour vocation de venir en soutien aux agriculteurs confrontés à des difficultés dans les départements des Côtes d’Armor, du Morbihan et d’Ille-et-Vilaine. Problèmes financiers, familiaux, sociaux, techniques… Les causes sont souvent multi-factorielles et l’aggravement des situations parfois exponentiel. Au total, le temps d’accompagnement (et de vie associative), à la fois par les salariés et les agriculteurs bénévoles, s’élève à 3 443 heures, soit près de deux équivalents temps plein, pour une distance de 55 804 km parcourue en un an, « soit un peu plus que le tour de la Terre ». « 2013 a notamment été marquée par une augmentation significative des appels passés de 185 en 2012 à 222 en 2013, soit 20 % de plus », note la directrice Elisabeth Chambry à l’heure de faire le bilan de l’année écoulée lors de l’Assemblée générale qui s’est déroulée à la Grée-Saint-Laurent (56) vendredi 21 mars. Globalement, on remarque qu’environ un tiers des appels sont issus d’exploitations laitières spécialisées : « Bien sûr parce qu’il y a beaucoup de fermes laitières en Bretagne, mais aussi parce que les revenus de la filière sont faibles alors que la pénibilité du travail et l’astreinte sont fortes. Certains éleveurs sont fatigués. » Toma Dagorn
L’avis de…
Esther Ansart, conseillère prévention à la MSA
En élevage laitier, beaucoup de jeunes reprennent des exploitations sans forcément entreprendre de rénovation de salle de traite. Ils s’adaptent à l’outil alors que ça devrait être l’outil qu’on adapte à l’opérateur. Ils se lancent en trayant deux fois par jour avec des quais trop hauts ou trop bas par rapport à leur taille. Dans leur projet, les jeunes devraient concevoir la vérification de la qualité des conditions de travail comme une priorité. En début de carrière, on se sent fort physiquement mais la répétition des gestes finit par avoir des conséquences. Souvent, des douleurs apparaissent chez des éleveurs alors qu’il reste 10 ans de carrière à effectuer. On est alors sollicité pour proposer des astuces ou des aménagements pour retrouver du bien-être au travail et épargner l’intégrité des personnes. Porteurs de projets ou personnes déjà installées ne doivent pas hésiter à solliciter nos conseillers en prévention pour faire le point, prendre du recul sur leurs pratiques, recevoir des propositions et parfois même lever des aides pour entreprendre des aménagements.
Rémi Le Mézec, éleveur laitier à Tressignaux (22)
Quand on travaille à plusieurs associés, il y a nécessité d’une grande humilité. Pour moi, au sein d’un Gaec, le risque humain est le risque le plus important sur l’exploitation. Par définition, en termes de ressources humaines, on marchera toujours sur des œufs. Je disais la même chose il y a 15 ans. Je ne savais pas à l’époque, et je n’en ai toujours pas la certitude, si notre association allait perdurer… Travailler en société libère de l’énergie pour partir en week-end ou en vacances, permet de ne pas traire tous les jours sans recourir au robot, mais demande aussi beaucoup d’énergie. Au fil du temps, on a construit un règlement intérieur qui n’est pas formalisé mais qui contient une règle pour désamorcer toute difficulté en termes de disponibilité, de rémunération… Un règlement surtout qui reste évolutif dans le temps. On a aussi toujours voulu limiter le poids du capital avec beaucoup de terres en location et privilégier le temps libre à l’augmentation de la production. Ce temps sert par exemple à favoriser l’autoconstruction qui apporte de la variabilité dans nos journées contre la lassitude, augmente la part de tâches qu’on peut différer et limite les gestes répétitifs… Cinq fois par an aussi, une tierce personne participe à nos réunions de fond au Gaec : cette ouverture s’est imposée comme nécessaire.
Emmanuelle Billard, productrice de lait à Laurenan (22), présidente d’Agriculture Paysanne 22
Je me suis installée en 2012. J’ai commencé à traire régulièrement en septembre 2013. A la mi-février, j’ai souffert d’une énorme tendinite à l’épaule. J’avais beau être sportive et me dire que ce n’était pas près de m’arriver, j’étais coincée. La MSA est intervenue et a réalisé un reportage photo qui m’a permis de constater en live les problèmes dans ma routine de traite. Après 15 jours sans traire pour me remettre, nous avons travaillé sur une posture nouvelle, sur les bons gestes. On m’a aussi conseillé de faire une radio de calcification de l’épaule qui pourra servir si besoin à l’avenir. La seule difficulté est qu’il n’y a pas d’aide dans les Côtes d’Armor, contrairement à d’autres départements, si l’aménagement de la salle de traite n’est pas effectué en neuf. On a donc pris en charge les modifications apportées…