En pied de nez à Sim, les adhérents de la Société bretonne du rhododendron plaquent un autocollant fleuri « J’aime bien les rhododendrons » sur l’arrière-train de leur voiture. Car pour ces passionnés, « il y a toujours une petite place pour… les rhodrogrendons ».
Rhododendron. Devant l’hésitation du crayon qui aligne les lettres pour former ce mot fleuri de complications, Raymond Grall suggère de se débarrasser du « h » dès que possible. Ce « rhododendronphile », comme il se qualifie lui-même, n’a rien perdu de ses réflexes mémotechniques d’ancien enseignant pour aider à mémoriser la bonne orthographe. Va donc pour placer le « h » immédiatement après le premier « r »…
La plante du fainéant
Cette difficulté de la langue française augure-t-elle de sinueuses complications pour cultiver cette plante ? « Au contraire. Je dis souvent que le rhodo est la plante de jardin de fainéant. Bref, une plante d’homme », s’amuse Raymond Grall, ancien pépiniériste à Plougar (29). « Le rhodo ne se taille pas, fleurit de janvier à septembre et vit relativement longtemps ». En Grande-Bretagne, un spécimen planté en 1920, et voué à lui-même, mesure aujourd’hui plus d’une dizaine de mètres de haut et offre chaque année son bouquet… jaune.
[caption id= »attachment_9809″ align= »aligncenter » width= »300″] Jean-François Quéré, Gilles Philippe et Raymond Grall, trois «rhododendron-philes».[/caption]
Car le rhodo ne s’orne pas que d’inflorescences mauves. Il s’accorde de toutes les couleurs, de toutes les nuances. En passant par l’unicolore, le tricolore et même le quadricolore. Et c’est, entre autres, sur ce terrain des couleurs que les adhérents de la Société bretonne du rhododendron exercent leurs talents de sélectionneurs. Avec l’humilité de l’Homme face à la carte du hasard de la génétique : « Quand vous croisez un beau rouge avec un beau jaune, vous n’obtenez pas forcément un splendide orange », explique Raymond Grall qui parle de « retours ataviques ». Autrement dit des caractères enfouis au plus profond des gènes qui ressurgissent au fil des générations et qui contrarient les plans du sélectionneur qui se livre à l’hybridation.
Sortir l’hybride inattendu
Mais parfois. Parfois, sort l’hybride inattendu, tant espéré, né d’une rencontre entre l’étamine et le pistil, dirigée par la main de l’homme. Et c’est l’émerveillement du sélectionneur qui s’empresse d’inscrire son nouveau-né au catalogue international qui comptabilise déjà plus de 30 à 40 000 noms enregistrés par cet état-civil basé en Angleterre. Les membres de la société bretonne du rhododendron y apportent leur note identitaire en baptisant leurs petits de noms bretons pleins de lumière comme Heol Breizh ou Sklerijenn ; ou jouent à faire d’autres mariages improbables entre Paotrig Skaer et Plarc’hig Skaer.
C’est toute cette passion créative et récréative qui fleurit au sein de la Société bretonne du rhododendron qui compte 145 adhérents. On y parle le langage fleuri des « rhodos qui illuminent un paysage comme un arc-en-ciel dans le jardin », comme l’expriment Jean-François Quéré et Gilles Philippe, agriculteurs finistériens devenus passionnés de cette plante. On y parle de savoir-faire : « Un rhodo se marcotte, se greffe, se bouture, se sème », cite en exemple Raymond Grall, grand-maître de cette plante avant de reconnaître que si toutes ces techniques de multiplication donnent de bons résultats, « certains plants capricieux sont plus rétifs à ces techniques ». Il n’y a pas que les hommes qui ont du caractère…
Le saviez-vous ?
Le rhododendron pontique est devenu célèbre parce que le miel qu’y puisèrent les abeilles dans les montagnes du Kurdistan empoisonna l’armée de Xénophon engagé dans l’expédition des « Dix mille » (4 siècles avant J.-C.). Rhododendron ou azalée ? Pour les distinguer, il convient de compter les étamines. Le premier en a 10, le second seulement 5. Mais certains rhododendrons et azalées peuvent s’hybrider.
Dans le jardin d’été des évêques
Originaire de l’Himalaya, le rhododendron n’est pas présent naturellement en Bretagne. Deux courants aériens de sud-est ont permis la propagation de l’arbre à roses (son autre nom) vers la chaîne Caucase et même jusque les Pyrénées. Sans qu’il puisse franchir ces montagnes qui ont mis fin à son voyage vers l’ouest de l’Europe. Les botanistes britanniques, grands voyageurs, ont pris le relais pour achever le voyage. C’est ainsi que le premier rhodo finistérien a été planté par Sir Georges Broughton dans le jardin de Larinon, demeure d’été quimpéroise des évêques. Aujourd’hui, la Cornouaille reste une terre de rhododendrons comme en témoignent les collections du Parc botanique de Gouesnac’h, de Kergoat à Melgven, de Trévarez. Didier Le Du
Rhodos en fête
- La Société bretonne du rhododendron (SBR) organise « Rhodos en fête », samedi 26 avril, de 14 h à 18 h, et dimanche 27 avril, de 10 h à 18 h, salle Athéna, Croas-Spern, à Ergué-Gabéric (29).
- Au programme : exposition d’inflorescences ; ateliers d’hybridation, de semis, de bouturage, de greffage ; conférence gratuite samedi à 18 h 30 animée par Kenneth Cox, spécialiste mondial du rhododendron.
- Entrée : 3,50 €.