Améliorer la productivité

ameliorer-production-bovin-viande-cout-paturage - Illustration Améliorer la productivité

Alors que le devenir des primes couplées reste en suspens, le Gouvernement n’ayant toujours pas tranché, et que globalement les aides découplées devraient être revues à la baisse pour de nombreux éleveurs de l’Ouest, la question du revenu préoccupe les producteurs allaitants bretons. L’analyse des coûts de production montre des écarts importants entre éleveurs. Des progrès sont donc souvent possibles, quelles que soient les tailles d’exploitation et les systèmes. Ils peuvent passer par une meilleure valorisation des produits, mais elle n’est pas toujours du ressort des producteurs. Le gain de productivité est par contre un levier activable, à condition toutefois de ne pas perdre de vue la maîtrise des charges. Les producteurs qui témoignent dans ce dossier ont tous opté pour davantage de productivité, qu’elle soit liée à l’âge au vêlage, à l’accélération de la génétique, à la baisse de la mortalité des veaux, au suivi pointu des croissances. Un autre a fait le choix d’intensifier l’efficacité de ses pâturages. Des pistes parmi d’autres… Agnès Cussonneau[nextpage title= »Des pistes de progrès »]

L’amélioration de la productivité passe soit par davantage de kilos produits, soit par une baisse des charges. L’analyse du coût de production aux 100 kg peut aider à avancer.

Pour obtenir plus de performance dans les systèmes bovins quels qu’ils soient, la maîtrise des coûts de production prime. Le coût pour 100 kg de viande vive est aujourd’hui un critère qui se développe pour aider les éleveurs à progresser. Plusieurs groupes de calcul des coûts de production ont été mis en place en Bretagne, offrant aux éleveurs de nouveaux repères économiques, et leur permettant de mettre en avant les postes qui comptent dans la rentabilité. « L’éleveur peut voir si il produit trop peu ou trop cher », précise Thierry Offredo, conseiller viande bovine à la Chambre d’agriculture. Ce dernier va organiser une formation sur la productivité en fin d’année.

« L’amélioration de la productivité passe soit par davantage de kg produits pour diluer les charges, soit par une baisse des coûts. Elle peut s’appuyer sur une meilleure maîtrise de la reproduction, du nombre d’UGB présents par VA et de la conduite (alimentation, bâtiment, sanitaire, génétique) », continue le conseiller. « Augmenter le troupeau n’est pas toujours possible, du fait des bâtiments, des surfaces… Les éleveurs peuvent alors se demander comment produire plus ou réduire les coûts avec un nombre donné d’UGB. »

Réduire les temps improductifs

La réduction des temps improductifs des vaches est une piste qui passe par un IVV (Intervalle vêlage-vêlage) réduit. « Alors que la moyenne bretonne dépasse 380 jours, il est souhaitable de le descendre à 370 – 375 j, voire moins quand c’est possible. » Les vaches vides ou ayant perdu leur veau doivent être réformées. « Les échographies permettent d’anticiper et d’organiser le travail. Pour une vache à très forte valeur génétique, il est possible de faire adopter un veau d’une autre vache qui sera réformée, mais cela demande du travail. »

Piste majeure pour gagner en productivité, le vêlage à 30 mois sur deux périodes demande par contre une élimination très rigoureuse des vaches vides, et des dates fixes d’emploi du taureau. Le taux de renouvellement peut grimper à 30 % avec cette technique. « Il faut par contre des troupeaux de taille relativement importante, au moins 60 VA, sinon les lots sont trop petits. Six mois d’élevage gagnés sur une génisse représente 0,4 UGB en moins. Intéressant pour des élevages limités en bâtiments, surfaces. Cela peut aussi permettre de cultiver plus de céréales et de gagner en autonomie en paille. Le gain sur le coût d’alimentation est moindre. »

De manière globale, les vêlages groupés offrent de meilleurs résultats en mortalité et productivité, via une meilleure surveillance des veaux, des réformes plus systématiques, des lots plus homogènes. « Ils amènent davantage de rigueur. » Avoir de bons fourrages, pâturés ou récoltés aux bonnes dates, dirigés vers les animaux qui en ont le plus besoin, est aussi une voie à privilégier. « A 1 an, une génisse pèse 50 % de son poids adulte », rappelle Thierry Offredo. La génétique est un autre facteur de compétitivité qui peut apporter de l’efficacité alimentaire, mais aussi contribuer à la réduction de la mortalité. Agnès Cussonneau[nextpage title= »Du vêlage à 30 mois en Charolaise »]

Depuis trois ans, le Gaec du Guilloc pratique le vêlage à 30 mois. Une technique qui permet d’améliorer la productivité des vaches sur leur carrière.

Le Gaec Croguennec élève un troupeau d’une centaine de vaches charolaises et la suite. « Nous avons un peu la même conduite qu’en porc », indique d’entrée Alain Croguennec, en expliquant que « le vêlage à 30 mois suppose obligatoirement d’avoir deux périodes de vêlage ». Ce qui demande aussi d’avoir des troupeaux relativement conséquents pour le pratiquer.

[caption id= »attachment_8968″ align= »aligncenter » width= »300″]Alain Croguennec, éleveur à Ploudiry Alain Croguennec, éleveur à Ploudiry.[/caption]

Vêlages d’été et d’hiver

Sur le Gaec du Guilloc, un lot de 60 vaches vêle entre le 10 août et la fin septembre ; un second lot de 40 vaches vêle à partir du 1er décembre jusqu’à la fin janvier. « Les génisses nées en hiver (n-2) vêlent en août ; les génisses nées en été (n-2) vêlent en hiver », détaille l’éleveur, en faisant remarquer que le vêlage groupé suppose de réformer systématiquement les vaches vides. « Sinon vous décalez les périodes de vêlage et les génisses vêlant à 30 mois ne peuvent plus s’insérer dans les lots respectifs ». Par le passé, quand le troupeau était en croissance, le Gaec du Guilloc a essayé le vêlage à 24 mois. « Mais les animaux n’étaient pas suffisamment matures et je rencontrais de nombreux problèmes de vêlage ». Aujourd’hui, 63 % des vêlages de primipares se font avec « aide facile » ; 20 % « sans aide » ; 10 % « avec aide difficile » et 7 % « avec césarienne ».

Parce que les chaleurs d’hiver (ou plutôt les absence de chaleurs) réservent toujours leur lot de surprises au printemps, une échographie est réalisée systématiquement sur les vaches saillies durant l’hiver (vêlage d’août). « Pas question en effet de se retrouver avec des vaches qui viennent seulement en chaleur en avril-mai quand elles sont à l’herbe ». Cette conduite très cadrée des périodes de vêlage influence le taux de renouvellement qui est de 48 % sur le dernier exercice. « Le rang moyen de vêlage est de 3 », cite l’éleveur.

[caption id= »attachment_8969″ align= »aligncenter » width= »300″]Génisses qui vêleront à 30 mois d’âge en août prochain Génisses qui vêleront à 30 mois d’âge en août prochain.[/caption]

Réussir l’élevage des génisses

Faire vêler des génisses à 30 mois (2 ans et 7 mois sur la dernière campagne) nécessite de la rigueur dans la conduite alimentaire. « Il ne faut jamais avoir de jeunes animaux maigres », résume l’éleveur qui se montre très vigilant sur la première période de vie. « Tout se passe pendant le premier hiver ». Les veaux nés en août, et donc encore sous la mère, reçoivent une complémentation de luzerne déshydratée, progressivement remplacée par du blé, puis du maïs + soja. « Au cours du 2e hiver, ces animaux qui ont alors 15 mois sont nourris exclusivement avec de l’ensilage d’herbe. Les génisses qui décrochent “redoublent” pour qu’elles aient accès à la complémentation ».

Les génisses plus jeunes, nées l’hiver précédent, ont une ration à base d’ensilage d’herbe, complétée de maïs + soja. « Car c’est sur cette période qu’il ne faut pas les rater. Si elles ne font pas de développement sur cette période, on ne le rattrape jamais », constate Alain Croguennec, en glissant au passage que toutes les génisses sont traitées contre la douve. « Nous avons beaucoup de parcelles humides. À noter que toutes les primipares sont également vermifugées après le vêlage ».

Supplémentation autour du vêlage

Durant les 3 semaines qui précèdent le vêlage, les gestantes reçoivent une supplémentation de vitamine E et sélénium, ainsi que la magnésie. « L’effet est indéniable. Les veaux sont plus toniques et n’ont plus les boulets pliés. Quant à la magnésie, elle a une action décontractante sur les vaches qui vêlent plus facilement ». La distribution en bâtiment se fait par pompe doseuse. Au champ, l’éleveur dilue la supplémentation dans une tonne à eau équipée d’un niveau constant. La complémentation minérale annuelle se limite à un big-bag pour l’ensemble du troupeau reproducteur (vaches et génisses). « La distribution a lieu en hiver. Après c’est terminé ».

Gain de 250 € sur la carrière d’une vache

Au regard de cette expérience de rationnement hivernal des génisses, l’éleveur admet que, sur la période 1 an à 15 mois d’âge, « économiquement, il n’y a rien à gagner sur l’alimentation des génisses en pratiquant le vêlage 30 mois. Tout simplement parce que sur cette phase de vie elles ont besoin d’une alimentation riche et équilibrée ». Le gain sur le coût alimentaire se fait après, sur la période 15-30 mois. « En été, les génisses pâturent une herbe courte, avec fil avant comme en laitières. Il faut qu’elles rasent. Et surtout qu’elles ne soient pas suralimentées au risque de faire du gras et d’avoir des problèmes de vêlage. Je dis souvent qu’une vache, c’est comme une truie : elle doit avoir une silhouette de sportif ».

« L’objectif est d’avoir le moins d’interventions possible même si cela ne dispense pas de surveiller. Les vêlages ont lieu en stabulation, ce qui permet de faciliter la surveillance avec une caméra. Y compris la nuit où j’observe systématiquement les vaches à  23 h, 3 h et 6 h 30 du matin. C’est éprouvant, mais le veau c’est le produit unique de la vache sur l’année… ». Le vêlage à 30 mois contribue à doper cette productivité des vaches sur leur carrière : « Par rapport à un 1er vêlage à 36 mois, c’est 6 mois gagné. Traduit en euros, le gain est de 250 € sur la carrière d’une vache ». Didier Le Du[nextpage title= »De la semence sexée femelle sur les génisses »]

Pratiquant l’IA sur les génisses depuis une dizaine d’années, Stéphane Gardan a souhaité booster le progrès génétique en utilisant de la semence sexée sur les meilleures d’entre elles.

« Depuis une dizaine d’années, je fais de l’IA sur les génisses dans le but d’améliorer la génétique de mon troupeau. Pour les mâles, les GMQ étaient certes plus importants, mais je trouvais dommage de les voir aller à la boucherie », précise Stéphane Gardan, installé à Saint-Didier (35) avec sa femme Sandrine. Depuis deux saisons d’insémination, il utilise donc de la semence sexée femelle sur les génisses gardées (environ la moitié, l’autre moitié étant vendue en filière Bœuf de nos Régions).

Pour gagner en temps de travail avec une conduite en lots, la saison de reproduction est regroupée sur l’exploitation. Les IA commencent en septembre et les saillies sont réalisées de début octobre à fin décembre, via deux taureaux. « Je repère facilement les chaleurs naturelles sur les génisses. Sur les 10 IA sexées réalisées en 2012, je n’ai eu qu’un seul mâle. En 2013, 7 IA sexées sur 11 inséminations ont été réalisées. »

20 à 25 % de renouvellement

Selon le nombre commandé, les semences sexées peuvent coûter entre 40 et 45 euros l’unité, contre 8 à 13 euros pour une dose classique. Toujours pour progresser par la voie génétique, Stéphane Gardan inscrit toutes les femelles au Herd-Book de la race. Le renouvellement se situe volontairement autour de 20-25 %, avec des critères de choix sur la fertilité, la docilité et le potentiel génétique.

[caption id= »attachment_8972″ align= »aligncenter » width= »300″]Depuis deux saisons d’insémination, Stéphane Gardan utilise de la semence sexée femelle sur ses génisses Depuis deux saisons d’insémination, Stéphane Gardan utilise de la semence sexée femelle sur ses génisses.[/caption]

Des progrès palpables

Sur le dernier exercice, l’IVmat du troupeau s’est amélioré, de 97,5 à 98,3, dépassant désormais la moyenne de la race. Mais les réels progrès restent à venir avec plusieurs jeunes vaches affichant des index de plus de 100. Les dernières pesées réalisées montrent également une évolution favorable : en femelles, le poids à 210 jours atteint en moyenne 263 kg contre 255 kg d’objectif de race. Le GMQ s’approche de 1,1 kg. Sur les meilleures femelles issues d’IA, la différence de poids à 210 j avec la moyenne de race peut atteindre plus de 80 kg, et le GMQ grimpe à 1,4 kg.

Sur les mâles, le poids moyen à 210 j atteint 287 kg (objectif à 283 kg) et le GMQ dépasse 1,16 kg. Tous les animaux sont pesés tous les trois mois, jusqu’au sevrage à environ 9 mois, en mars. Restant en bâtiment, les mâles continuent ensuite à être pesés tous les trois mois jusqu’à l’abattage, les femelles le sont aussi parfois. Pour surveiller de manière plus pointue la reproduction, l’éleveur réalise aussi des échographies, en une fois en janvier (le tarif moyen d’une échographie est de 4,30 euros, modulable à la baisse selon le nombre de passages et la quantité). « Cela me permet de détecter précocement d’éventuels problèmes de taureaux, sanitaires, de repro… Les vaches qui sont vides sont réformées, sauf si vraiment elles affichent un fort potentiel. » En moyenne sur les trois dernières campagnes, l’intervalle vêlage-vêlage est inférieur à 375 jours sur l’exploitation. L’âge moyen au premier vêlage est de 3 ans.

Des taureaux de Lanaud

Tout en Limousin, le troupeau allaitant est constitué de 60 mères et de 40 taurillons (vendus à 440 kg de carcasse en moyenne). Achetés à la station de Lanaud, les deux taureaux de type élevage sont détenus en copropriété par Stéphane Gardan et son frère, qui lui, conduit un système en vêlages de printemps. Les taureaux restent environ 4 ans sur les deux élevages. Sur la SAU de 63 ha, l’EARL La Coeffelière héberge 15 ha de maïs ensilage, 15 ha de blé (dont 3 ha pour l’alimentation du troupeau), et de l’herbe (dont 20 ha sont ensilés et 7-8 ha en foin).

Autour de 5 % de mortalité

La grande majorité des naissances est concentrée sur juillet – août. « Une période que nous avons choisie pour des raisons sanitaires. On ne peut plus se permettre de perdre des veaux autour des naissances. Pour maîtriser la mortalité, nous avons aussi travaillé sur l’état des vaches avant vêlage, avec une réduction de l’alimentation après sevrage. » Aujourd’hui, la mortalité se situe autour de 5 %. La bonne maîtrise des différents paramètres de reproduction est une piste explorée avec succès par Stéphane Gardan, générant, en complément de la productivité de la main d’œuvre, un meilleur équilibre économique. Agnès Cussonneau[nextpage title= »Gagner sur la mortalité »]

Limiter les pertes de veaux est un levier pour gagner du produit.

En Bretagne, la mortalité globale des veaux atteint 7 % au vêlage et 12 % à l’âge de deux mois. « En élevage allaitant, on descend à 4 ou 5 % au vêlage et 8 ou 9 % à deux mois », précise Dr Loïc Maurin, du GDS Bretagne. « Et dans les bassins allaitants traditionnels, les résultats sont encore meilleurs », souligne le vétérinaire, coordinateur du plan régional « santé du veau ». Il avance différentes explications : spécialisation, taille plus importante des troupeaux, équipements et bonnes conditions de logement facilitant l’intervention. « Chez les spécialistes, la surveillance est souvent meilleure avec des saisons de vêlage plus claires, une organisation par lot plus stricte. »

Pouvoir rentrer l’animal

Pour réduire la mortalité du veau, « l’œil de l’éleveur » fait la différence quand la vache arrive à terme. Il ne faut pas rater les phases préparatoires du vêlage : « Plénitude mammaire, tuméfaction de la vulve et relâchement du ligament sacro-sciatique ou « vache cassée ». Quand ces trois signes sont vus, la parturition va intervenir dans les 48 heures. Il est temps de rentrer l’animal dans un box. » Et quid du vêlage à la prairie ? « D’un point de vue sanitaire, cela peut avoir du sens. Mais un lot à vêler ne doit pas être loin de la ferme pour une surveillance efficace, d’autant qu’il faut pouvoir mettre à l’abri l’animal en cas de complication. » À la pâture, l’éleveur et le véto parfois appelé à la rescousse « qui n’ont pas accès à un système de contention confortable, ont de grandes chances de faire un travail moyen en cas de vêlage assisté. »

Une bonne technique de vêlage

Même si les animaux se débrouillent souvent seuls, « la technique pure autour du vêlage est importante pour limiter les pertes. » Début du travail, coliques, rupture de la première poche, ouverture du col, rupture de la poche amniotique… « En fonction de ce que j’observe, je dois réagir de manière réflexe. Si l’évolution se fait dans le bon timing, je laisse faire. S’il n’y a pas de progression, j’interviens, je fouille. » Une demi-heure sans avancée après la rupture de la seconde poche ou si le veau souffre (tête gonflée, langue bleue, méconium libéré…), « j’appele le véto car il risque de ne pas être sur place avant 30 minutes… »

A portée de main, il faut du lubrifiant, une bonne vêleuse « pas pour tirer, mais pour maintenir la tension ». Le test de traction donne de bons renseignements : si le veau permet l’extériorisation des coudes, il a toute les chances de pouvoir naître par la filière naturelle. « Sinon, cela signifie qu’il y a une disproportion foeto-maternelle, le conduit est trop étroit par rapport au veau. Le véto devra sortir la trousse à chirurgie pour la césarienne. »  Toma Dagorn  [nextpage title= »L’assurance-vie de la Banque de colostrum »]

Le conseil du véto Loïc Maurin

On pense que les veaux allaitants doivent se débrouiller seuls. Mais quand un problème de mortalité est identifié, il faut trouver des leviers. Une bonne prise de colostrum est indispensable à la survie et au démarrage pour deux raisons : énergie et anticorps. Le veau naît avec une faible réserve en énergie, une mauvaise capacité de régulation de la température corporelle. Après un vêlage difficile, à l’extérieur en saison froide, le veau groggy qui a des problèmes à se lever aura de grosses difficultés à lutter contre le refroidissement s’il n’ingère pas rapidement du colostrum.

On voit ainsi des problèmes de diarrhées précoces, parfois généralisées, sur des veaux naissant aux quatre vents à la mauvaise saison dans des parcelles sans abris naturels. Le premier lait en race allaitante est plus concentré en immunoglobulines qu’en race laitière :  en moyenne un litre suffit à transférer les anticorps nécessaires dans le sang du veau qui le protégera les premières semaines jusqu’à la prise de relai par l’immunité active. Retenons tout de même la course contre la montre du transfert colostral : après 24 h, l’intestin est devenu imperméable aux anticorps.

[caption id= »attachment_8973″ align= »aligncenter » width= »300″]Sachet de colostrum Sachet de colostrum.[/caption]

Mon colostrum, pas celui du voisin

L’idéal est une tétée dans les toutes premières heures de vie. Et même si cela est moins répandu qu’en  élevage laitier, la banque de colostrum s’avère indispensable au cas où. Pour ce faire, il faut avoir une ou deux vaches sympas qu’on peut traire après la première buvée de son nouveau-né. Ce lait sera congelé en sachet de 500 g, entreposé à plat pour faciliter la décongélation au bain-marie. Surtout pas au micro-ondes. Ainsi, avec une ou deux galettes de 500 g données au biberon, le veau faiblard aura avalé assez d’immunoglobulines.

Sur le terrain, la solution de facilité est de courir chez le voisin laitier lui piquer une dose dans sa banque. Très mauvaise idée ! D’une part, les anticorps de ses vaches seront orientés vers le microbisme de son élevage, pas du vôtre. D’autre part, il y a toujours le risque de ramener chez vous une chtouille comme la paratub… Seuls les ateliers mixtes, lait et viande, avec des troupeaux élevés sur le même site, peuvent se permettre d’avoir recours au colostrum des laitières pour venir à la rescousse d’un nouveau-né allaitant.[nextpage title= »Optimiser le roulement des taurillons »]

Les premiers JB (jeunes bovins) d’Armel Huguet affichent sur huit mois de présence, un GMQ de 1640 g. Parmi les raisons de ces performances : un maïs de qualité, l’acquisition d’une mélangeuse et des bâtiments bien conçus.

Le bâtiment est clair, bien ventilé, les JB Charolais avalent avec appétit la ration mélangée. D’autres ruminent tranquillement à l’arrière des cases. Armel Huguet a arrêté la production laitière en avril 2013. Il produisait 420 000 L de lait avec sa compagne, qui est désormais partie travailler à l’extérieur. « Nous étions en libre service. Pour continuer la production laitière à l’avenir, il aurait fallu réaliser de gros travaux. Et je préfère les cultures aux vaches laitières », explique l’agriculteur qui a fait le choix de reconvertir ses bâtiments en production de JB, lui assurant le fumier pour ses sols.

Repères

  • 1 UTH.
  • SAU de 90 ha : environ 30 ha de maïs ensilage, 40 ha de blé et triticale, 5 ha de légumes industrie, 5 ha de colza, 5 ha de maïs grain (vendu) et 5 ha de foin.
  • 10 ha de céréales gardés  pour l’alimentation des JB.
  • Autonomie en paille.

Pour valider et sécuriser sa création d’atelier, et considérant qu’il n’y a pas de revenu sans productivité, Armel Huguet a, dès le départ, opté pour un suivi technique performant, via Ter’élevage. 65 000 euros ont été investis, dont 16 000 euros dans une mélangeuse neuve (vis verticale, 12 m3), et le reste pour la rallonge de charpente sur la stabulation existante, la mise en place des bardages en bois, le bétonnage du couloir d’alimentation et de l’aire d’exercice, les barres au garrot. « Je devrais obtenir une aide PMBE (Plan de modernisation des bâtiments d’élevage) de 7 500 euros et j’ai fait la demande d’aides à l’engraissement en tant que récent investisseur. » Pour 10 000 euros supplémentaires, le producteur a acquis deux silos de 15 t chacun, qui permettent de stocker de plus grandes quantités de correcteur azoté et d’avoir des remises sur les prix avec 30 t livrées (281 euros/t, plutôt que 293 à la dernière commande).

Vers davantage de prévention sanitaire

La maîtrise sanitaire est un levier important de réussite. Pour le moment, l’éleveur n’a eu à déplorer que deux animaux morts. « Actuellement, les broutards sont vaccinés contre les maladies respiratoires et la BVD, et sont vermifugés. Selon les conditions en été, on diminuera certains traitements, notamment pour réduire les coûts. En préventif, l’éleveur distribue aux bovins de la vitamine C rumino-protégée », souligne Sébastien Daujat. Une quarantaine avec contention va être installée dans un bâtiment existant, à quelques mètres de la stabulation, pour accueillir les lots de 28 broutards pendant un mois. « C’est un bon moyen pour habituer les bovins au contexte sanitaire de l’exploitation et accélérer le roulement et donc la performance économique. » Ayant obtenu le statut de « bâtiment dérogataire », le producteur n’a pas besoin de réaliser les prises de sang obligatoires à l’entrée des bovins, une économie de plus de 1 500 euros/an.

Des pesées trimestrielles

Le bâtiment abrite 11 cases de 13 ou 14 JB mâles Charolais. « Il a été rempli de septembre à novembre derniers. Les broutards arrivent par lots de 28, à environ 8 mois, pesant 280-300 kg. Quelquefois, ils sont un peu plus lourds. » Déjà pesés avant d’arriver, ils le seront à nouveau une fois par trimestre sur l’élevage. « Le calcul du GMQ permet d’ajuster la conduite et d’anticiper les sorties et les entrées d’animaux. Sur les plus âgés qui vont bientôt partir, le GMQ est de 1 640 g sur 8 mois de présence, alors que la moyenne est plutôt de 1 500 g sur cette race. L’objectif est de 450 – 480 kg de carcasse à la sortie », précise Sébastien Daujat, technicien Ter’élevage. « Ces performances peuvent permettre à l’éleveur de gagner au moins une bande sur 5 ans. »

Quelle est la recette ? Elle commence par un bon maïs ensilage, selon l’éleveur. « J’utilise plutôt des variétés de type grains, plus énergétiques, récoltées à 35 % de MS. » Trois silos sont confectionnés, chacun faisant l’objet d’une analyse qui permet de préciser la ration. Après les 15 premiers jours au foin et avec un peu d’aliment, les JB sont nourris avec une ration mélangée de maïs, paille, correcteur azoté et céréales de l’exploitation aplaties. « La mélangeuse accroît la productivité, mais permet aussi à tous les animaux d’avoir la même ration, sachant que les cases ne sont pas très larges (5 m). »

Le travail à une personne seule

L’atelier bovin a été conçu pour que le travail soit possible à une personne seule, avec des barrières mobiles entre les cases et un parc de contention à l’extérieur, équipé d’une balance. En croisière, cette production devrait représenter 0,3 UTH en moyenne, le producteur s’occupant par ailleurs entièrement des cultures (sauf les récoltes). « Il y a surtout beaucoup de travail à l’arrivée des broutards, avec les vaccinations et les soins particuliers. » Armel Huguet n’aurait par ailleurs pas lancé son activité sans la garantie de prix de reprise par le contrat à objectifs partagés (Cop) conclu avec Ter’élevage. Pendant 10 ans, le « Cop sérénité » assure une marge sur le taurillon permettant de payer la main-d’œuvre et le bâtiment, même quand les cours sont insuffisants. Quand les cours sont plus élevés, la différence va remplir une caisse propre à l’exploitation. Un système qui sécurise à la fois l’éleveur, le banquier et les abattoirs. Agnès Cussonneau[nextpage title= »Le pâturage tournant dynamique pour Exprimer le potentiel de l’herbe »]

Pierrick Berthelot a décidé de diminuer sa surface en maïs et de valoriser au mieux sa surface en herbe en se formant et en appliquant la méthode du pâturage tournant dynamique.

« Avant pour moi l’herbe, c’était de l’herbe. Je ne pensais pas avoir autant de potentiel. Aujourd’hui, en appliquant la méthode du pâturage tournant dynamique (PTD), j’ai vraiment la sensation de valoriser ma culture, tout en étant conscient d’avoir encore une belle marge de progression », observe Pierrick Berthelot, éleveur de Charolaises et Salers à Pacé (35). Après des années de production laitière, il décide, avec son épouse, de s’orienter vers l’élevage allaitant motivé par l’envie de leur fils, de s’installer pour faire de la viande bovine.

Exprimer et valoriser le potentiel de la plante

Sur les conseils de Murielle Menoret, technicienne chez Elvea Bretagne, Pierrick intègre un groupe d’éleveurs pour suivre une formation sur le pâturage tournant dynamique dispensé par Mathieu Bessière, ingénieur chez Innov-Eco 2. Il explique : « Notre volonté initiale est de promouvoir des pratiques innovantes de gestion optimisée des prairies, comme principale ressource alimentaire en élevages herbivores. Pour cela, nous avons recours à l’adaptation de la technique de pâturage tournant dynamique qui permet aux plantes d’exprimer leur potentiel de production maximal et aux animaux de les valoriser de manière optimale, quel que soit le milieu dans lequel ils se trouvent. »

Arrêter le pâturage au stade 5-6 cm

Chez Pierrick Berthelot, les animaux disposent de 0,26 ha d’herbe/UGB, soit 25 ha de pâture (RGA+TB) accessibles autour de l’exploitation. La technicienne d’Elvea Bretagne explique : « L’objectif est d’avoir un chargement élevé de manière à limiter les refus. Il ne faut pas que les bêtes passent plus de 2 jours dans le même paddock. » Les vaches ne doivent pas avoir le temps d’attaquer la gaine de l’herbe pour ne pas pénaliser le rendement en retardant la repousse. Il faut donc arrêter le pâturage au stade 5 à 6 cm et le redémarrer autour de 13 cm. « Cette année, la pousse de l’herbe a démarré tôt. Les vaches sont donc sorties au 15 mars, et à la mi-mai, en sont au 3e tour des paddocks », souligne Pierrick. Il se dit aussi particulièrement impressionné par l’évolution rapide de l’herbe. « En 2 jours, on observe déjà la repousse. Je réalise le gâchis avec mes anciennes pratiques en surpâturant. Je pense être passé de 8 t à environ 12 t MS/ha/an grâce à cette méthode.

D’autre part, j’ai diminué le soja de 2 kg à 1 kg ; je complète avec de la luzerne enrubannée. Le GMQ des taurillons est de 1 520 g/jour alors qu’il était à 1 670 g/jour dans l’ancien système, mais économiquement je m’y retrouve. » Cette méthode demande un investissement au départ en piquets, clôtures et tuyaux pour acheminer l’eau à tous les paddocks. Il y a aussi plus de travail car il faut bouger les animaux presque tous les jours et surveiller la pousse de l’herbe. « Les copains qui pensaient que j’allais m’ennuyer car il n’y a plus de traite à faire s’étonnent du temps que je passe autour de mes bêtes et de mes clôtures. » Mais au final, l’éleveur constate que ce temps passé se retrouve sur le comportement des vaches, « elles sont plus calmes, ça facilite la tâche lorsque l’on doit intervenir sur les bêtes comme au moment des inséminations artificielles. » Et d’ajouter : « L’objectif est de développer encore le système. Cette année, je vais mettre 7 ha de maïs en moins pour augmenter la surface en herbe. Je vais surtout continuer à me former à la conduite de l’herbe car je suis convaincu que j’ai encore à y gagner. » Nicolas Goualan


Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article