Une vingtaine de passionnés du cyprès de Lambert œuvrent à la réhabilitation de ce conifère originaire de Californie. Un arbre qui s’est très bien adapté au climat océanique breton.
Se poser en défenseur du cyprès n’est pas une sinécure. D’autant que les regards se portent immédiatement sur le Lawson planté par dizaines de kilomètres en Bretagne. Associé au remembrement et à une certaine idée de défiguration du bocage breton, le Lawson s’est forgé une mauvaise réputation. Si bien qu’aujourd’hui, les attaques de champignon qui le déciment à grande échelle apparaissent presqu’une punition divine méritée. Mettant pour le coup tous les cyprès dans le même antre des indésirables.
Symbole d’éternité
Pourtant la genèse du cyprès a quelque chose d’autrement plus divin. Dans la mythologie grecque, Cyparissos qui tua par mégarde son cerf favori, demanda d’être transformé en cyprès et exhorta les dieux de verser des larmes éternelles. C’est pourquoi le cyprès devint symbole funèbre, mais aussi d’éternité. Aujourd’hui, le cyprès, comme l’if, est toujours associé à l’image d’immortalité. Cela explique que des cyprès de Lambert ont été plantés à proximité d’édifices religieux comme à Pleyben, Plougasnou, ou dans les cimetières, comme à Plounéour-Lanvern. Le cyprès de Lambert, est originaire de la baie brumeuse de Monterey en Californie. Il y est vénéré pour une autre raison : il est inscrit sur la liste des végétaux menacés. Son introduction en France remonte au 19e siècle. Au départ, il a été planté pour agrémenter les jardins et parcs des villas qui se construisaient à cette époque sur toute la côte atlantique.
Un bois aux couleurs chaudes
Grand arbre au fût gris cannelé, présentant une écorce d’un aspect torturé, le cyprès de Lambert n’est pas sans rappeler le cèdre du Liban avec un houppier très développé. Son port tabulaire – comme une table – et son enracinement superficiel en ont malheureusement fait une cible facile de l’œuvre destructrice de l’ouragan de 1987. Parce que dans chaque mal se cache un bien, ces ravages célestes ont conduit les connaisseurs à exploiter les arbres couchés à terre par centaines. Les sciages qui ont suivi ont rafraîchi la mémoire des anciens qui se sont souvenus de ce bois aux couleurs chaudes et l’odeur épicée. Sans oublier ses caractéristiques qui ne sont pas sans rappeler le red cedar connu pour son imputrescibilité.
Rebelle comme les Bretons
C’est à l’occasion des Monumentailles, un festival de sculpture en plein air organisé en 2001 par la ville de Concarneau, que l’association « Cyprès de chez nous » a été portée sur les fonts baptismaux. « Cette association s’est construite sur l’amitié entre plusieurs “cupressophiles” qui se connaissaient professionnellement et qui avaient en commun la sympathie pour cet arbre », résume Jean-Pierre Ruelle, paysagiste à Pont-Aven. Et d’expliquer que lui-même est « tombé amoureux » du cyprès de Lambert, dans les années 90, en effectuant une étude paysagère à Loctudy. « J’ai été séduit par le graphisme et l’esthétisme de ces arbres ». Des arbres qui tracent des lignes paysagères rarement droites, souvent rebelles, comme l’est le caractère des Bretons.
L’ambition de l’association est de sortir le cyprès de Lambert de l’anonymat. Une indifférence préjudiciable à sa pérennité sur sa terre d’adoption bretonne qu’il affectionne. « Certains détracteurs aimeraient le voir disparaître. Or, il n’est pas invasif comme l’est le pin maritime. C’est pourquoi les membres de l’association s’attèlent à renouveler les cyprès de Lambert menacés de disparition ». Quitte à déclencher une opération commando de plantation dans des friches.
Une cyprière de 1 000 arbres
Renouant avec plus d’orthodoxie, au printemps 2013, l’association a semé des graines d’origines différentes chez Guy Le Vallégant, à Querrien. « Comme en France, il y a peu de production de plants, nous nous sommes approvisionnés en Nouvelle-Zélande qui a sélectionné des plants à bois. Toutefois, nous avons aussi complété nos semis avec des graines de cyprès sans traçabilité originaires de Noirmoutier et de Névez ». Cet hiver, un millier de plants de 15-30 cm issus de ces semis ont été plantés dans une parcelle abandonnée par G. Le Vallégant. Prochain rendez-vous dans 15 ans pour une première éclaircie de la cyprière. « Et dans 30 ans pour l’exploitation de ces arbres qui sont matures à 40-50 ans. Un record ! », relève Jean-Pierre Ruelle qui entrevoit dans cette opération les « préceptes d’une forme de développement durable : planter et transformer localement. Avec cette ambition de développer une certification du bois ». Didier Le Du
Pour en savoir + : http://www.cypresdecheznous.org/