D’importantes difficultés de trésorerie ne sonnent pas forcément « la fin des haricots ». La plupart du temps il y a des solutions. Entre autres : le règlement amiable judiciaire (RAJ). Et amiable n’est pas un vain mot.
Le temps, c’est de l’argent. Y a-t-il une formule plus appropriée pour une exploitation agricole en difficulté ? Pas sûr. Car réagir vite à des difficultés de trésorerie, c’est mettre tous les atouts de son côté pour le redressement de la situation.
Quand s’inquiéter ?
Françoise Fourn, conseillère entreprise spécialisée dans l’accompagnement des exploitations en difficulté financière à la Chambre d’agriculture, ne dit pas autre chose : « Plus c’est pris en amont, meilleures sont les chances de succès », dit-elle. Et d’indiquer quelques points de repère qui doivent sonner l’alerte chez l’agriculteur : « Il faut s’inquiéter quand toutes les lignes de trésorerie sont épuisées (Ouverture de crédit, court terme bancaire…) ; quand les prêts relais DPU sont activés ; que l’on utilise à fond les courts termes céréales, aliment ; que les paiements des factures traînent faute de trésorerie, etc. ».
Dans cette situation, l’agriculteur a tout intérêt à prendre contact avec un conseiller d’entreprise spécialisé ; car les créanciers le feront rarement pour lui. Et inutile d’avoir peur de rentrer dans une procédure RAJ (règlement amiable judiciaire) qui n’a rien à voir avec le règlement judiciaire ou la procédure de liquidation. L’objectif premier du RAJ est justement de trouver une solution amiable avec ses créanciers. « Bien souvent, cette solution consistera à étaler les dettes », explique Françoise Fourn.
En résumé
Si les problèmes financiers sont légers, il est possible de rester dans une démarche sans procédure. Si les difficultés sont bien présentes, 4 procédures existent pour l’agriculteur :
- La procédure « Agriculteur en difficulté » : passage du dossier en commission DDTM.
- Le règlement amiable judiciaire (RAJ).
- Le règlement judiciaire (RJ), appelé aussi dépôt de bilan. Dans ce cas, un mandataire est nommé par le tribunal pour gérer les créances (« c’est le mandataire qui a le carnet de chèques »)
- La liquidation : l’exploitation est vendue.
A partir du 1er juillet 2014, de nouvelles dispositions sont applicables au RAJ à condition que le plan soit homologué par le juge. Les principales mesures sont :
- « Le privilège de l’argent frais » : c’est-à-dire que la trésorerie disponible est utilisée prioritairement pour payer les derniers achats nécessaires au fonctionnement de l’exploitation (ex. : aliment du bétail).
- La suspension des poursuites (huissier) prolongée de 2 mois (soit 4 mois en tout).
- La levée de plein-droit de l’interdit bancaire éventuel.
Étalement des dettes
Cet étalement des dettes n’est pas acquis d’avance. Dès que la procédure est déclenchée, une étude économique et financière est réalisée par les conseillers d’entreprise chargés de cette procédure. « Je commence par un rendez-vous sur l’exploitation agricole. Cette visite de l’exploitation et cet échange permettent de bien cerner le ou les problèmes qui ont conduit à cette situation ; puis d’ébaucher des voies en fonction des objectifs et des aspirations personnelles de l’agriculteur. »
En deuxième phase, il convient de formuler une requête auprès du Tribunal de grande instance (Un mot qui peut faire peur mais qui est en fait une « formalité administrative ») pour demander de rentrer dans la procédure RAJ. « L’agriculteur reçoit alors un courrier pour assister à une audience qui se tient au tribunal où il est assisté par le conseiller d’entreprise s’il le souhaite ». Cette audience ouvre officiellement la procédure RAJ. « Nous avons alors 3 mois pour établir un diagnostic approfondi de la situation : analyse des résultats techniques, vérification des données économiques et financières (factures non payées, etc.), et conclusion d’un accord ».
Protéger sa maison
Le chef d’entreprise individuel a tout intérêt à protéger sa résidence principale (et l’espace de terrain qui l’entoure) par une déclaration d’insaisissabilité signée chez le notaire. Le coût est d’environ 200 € auxquels s’ajoutent des droits de publication au bureau des hypothèques ainsi que des frais notariaux : recherche de pièces, de copies, etc. « Cette déclaration sera ajoutée à la liste des éléments de la période suspecte qui couvre la période de 24 mois qui précèdent la survenue des difficultés », explique Françoise Fourn, en précisant que « la Chambre d’agriculture cherche toujours à protéger la maison des agriculteurs ».
Une réunion de conciliation
Cette approche précise et chiffrée permet d’établir un prévisionnel qui sera présenté lors de ce que l’on appelle une « réunion de conciliation » où sont présents les principaux représentants des créanciers. « C’est à ce moment que les créanciers donnent ou non leur accord pour une restructuration des dettes : la plupart du temps, il y a accord ; sauf si la situation est trop critique ». Dans ce cas, un constat d’échec est rédigé et expédié au tribunal. Cette situation ouvre la voie au règlement judiciaire, voire à la liquidation. Dans le cas où il y a eu accord, le dossier est clos au tribunal.
A l’issue de la réunion de conciliation, un protocole d’accord est bâti. « Ce sera souvent un étalement de la dette sur 10-12 ans. Avec éventuellement l’intégration d’un financement pour une mise aux normes nécessaire à la continuité de l’exploitation », cite la conseillère de la Chambre d’agriculture qui parle aussi du RAJ comme d’un outil de gestion : « On prévoit les prélèvements privés, les achats de petit matériel, le renouvellement du troupeau, etc. ». Un point d’étape est réalisé sous 6 mois. « Au besoin, la Chambre propose un suivi technique pour accompagner l’agriculteur », ajoute F. Fourn reconnaissant que le RAJ donne de bons résultats. « A condition de s’y prendre assez tôt », répète-t-elle. Didier Le Du
Contact :
- Nord-Finistère : Françoise Fourn, 02 98 41 33 18 – 06 73 16 79 77.
- Sud-Finistère : Laëtitia Le Moan, 02 98 86 59 93 – 06 79 31 14 51.