Alain Daniel accueille les visiteurs le 20 mai sur son exploitation à Pléboulle (22). Il sera question de valorisation de l’herbe en zone séchante, de la place du trèfle, d’un projet d’implantation de luzerne…
« Je ne fermerai jamais mon silo 180 jours par an comme certains le font en Centre-Bretagne. Mais pour gagner de l’argent, il faut le fermer le plus longtemps possible. Avec notre niveau de prix du lait, le revenu ne se fait pas par la valorisation laitière. Non, on gagne de l’argent sur la maîtrise des coûts alimentaires et en écrasant les charges de mécanisation en favorisant le pâturage », démarre Alain Daniel, installé à Pléboulle sur la zone côtière du Nord-Est des Côtes d’Armor. « C’est la région la plus séchante du département. Ici, la pluviométrie annuelle est deux fois moindre, de l’ordre de 600 à 700 mm par an, qu’à Rostrenen ou Loudéac où les éleveurs valorisent traditionnellement beaucoup d’herbe grâce à une pousse linéaire dans le temps », poursuit-il. Cependant depuis 15 ans, Alain a fait le pari de la prairie.
Une pousse de 45 jours et du stock sur pied
À l’époque, il n’a pas adhéré au Cédapa « parce que le système dit “Pochon” n’était pas adapté aux zones séchantes. Impossible pour moi par exemple de passer de 11 à 6 ha de maïs ensilés pour signer une MAE SFEI » dont le cahier des charges défendu par le Centre d’études impose maximum 18 % de maïs dans la SFP. « Je n’ai pas adhéré, mais je suis resté à la porte pour pomper de bonnes idées », plaisante-t-il. Au début, l’éleveur travaillait en full-grass avec une prairie de 6 ha à disposition des vaches avec du maïs toute l’année. « Au pâturage, elle se couchaient. »
Le découpage des surfaces en herbe et surtout l’implantation de trèfle dans les parcelles ont tout changé. Aujourd’hui, le troupeau dispose de 9 parcs où chaque passage dure 5 jours. Avec ce cycle de 45 jours avant de repasser sur un paddock, Alain sait qu’il a un mois et demi de stock sur pied quand ça commence à sécher. « En zone séchante, ce stock sur pied, permis grâce au trèfle à partir de mai, est la clé. 45 jours, c’est bien. Si les vaches reviennent trop vite, on agresse l’herbe qui se fatigue, se met en protection et épie, comme une pelouse tondue trop rase en été. Le nerf de la guerre, c’est la hauteur d’entrée et de sortie… Mon véto, qui est normand, me dit toujours que les éleveurs là-bas regardent l’herbe pousser. Alors j’ai appris à patienter pour atteindre mon objectif : pâturer le plus possible. »
De bons chemins pour sortir brouter l’hiver
La qualité des sols sur limons profonds, « parmi les meilleurs potentiels en blé-maïs dans la région », est aussi un atout : elle permet un ressuyage rapide et une sortie précoce à l’herbe du troupeau, à peine rentré à l’étable en décembre, dès la fin janvier. « Des terres où trèfles et fétuques se baladent. » Il y a six ans, Alain Daniel a aussi aménagé de bons chemins vers ses pâtures. Au total, 300 tonnes de cailloux étalés pour améliorer les accès. « C’est une des bases, sinon en février ou à partir de novembre les vaches ne veulent plus sortir, les boiteries sont plus fréquentes… Il faut investir dans du caillou. Pour ma part, j’utilise du « stérile », du déchet de carrière, qui se négocie à 10 € la tonne au mois d’août quand les sites ferment. »
La pousse est également précoce et massive, permettant une fermeture de silo de maïs généralement fin mars – début avril. Avec 25 ares par vache à pâturer autour du bâtiment, il reste fermé deux mois. Mais « quand l’été débute, j’arrête de lire les essais de la station de Trévarez (29)… Chez moi, de juillet à septembre, il n’y a plus rien dans les prairies, tout est cramé. »
Aujourd’hui, il se rapproche du Cédapa, qui a acquis de l’expérience sur des zones séchantes autour de Saint-Brieuc. « J’ai besoin d’appui pour progresser et produire du fourrage en été. » Alain a plusieurs idées pour abaisser le coût de la ration hivernale et pâturer davantage l’été : peut-être tester des mélanges prairiaux avec des « fétuques avec beaucoup de souplesse de feuille pour pâture et fauche », implanter de la luzerne, constituer des silos-sandwich herbe-maïs, « voire luzerne-maïs »… Autre perspective aussi, la nouvelle MAE Polyculture-élevage gérée par la région dès 2015 qui proposera des niveaux de soutien différents en fonction de la proportion de maïs dans la SFP. « Il pourrait y avoir trois plafonds. Alain pourrait y avoir accès en ne diminuant qu’un peu la part de maïs dans sa ration », souligne Aurélie Cheveau. Toma Dagorn
Ferme ouverte le 20 mai
Dans le cadre du plan Algue verte du BV de la Fresnaye (communauté de communes de Matignon), le Cédapa organise une porte ouverte le mardi 20 mai chez Alain Daniel. Au programme : faible coût d’élevage de la génisse, valorisation des zones humides, aménagement de chemin, (Fléchage depuis Pléboulle et Matignon). Infos : 02 96 74 75 50.
L’avis de Aurélie Chauveau, animatrice au Cédapa
Même en zone séchante, il y a toujours à gagner à mieux exploiter ses prairies. Partout, il y a 30 ares d’herbe par vache aux portes de sa ferme, des surfaces forcément sous-exploitées, des kilos de matière sèche à gagner… Par exemple en créant des décalages par le pâturage tournant avant l’explosion de la pousse. Via les plans Algues vertes, il y aussi des financements du bétonnage ou de l’empierrement des chemins, des clôtures fixes, des tuyaux et abreuvoirs… Une bonne nouvelle pour des investissements productifs et rapidement rentabilisés.