La diarrhée des porcelets (DEP) qui décime le cheptel américain pourrait faire pencher les cours mondiaux du bon côté, pour les éleveurs. L’embargo Russe douche ces espérances.
« L’embargo russe est trop pénalisant ». Mathias Kohmüller, spécialiste allemand du marché du porc, semble aussi pessimiste que ses homologues belge, espagnol et italien, intervenants à l’assemblée générale du MPB (marché du porc breton) jeudi 24 avril, à Ploufragan. « Il suffirait que l’un des pays de l’Union européenne puisse écouler sa production vers la Russie pour soulager tout le monde ». Hélas, les Russes exigent un certificat d’exportation communautaire contrairement aux autres pays importateurs qui demandent des certificats nationaux. Aucun pays de l’Union n’est autorisé, à ce jour, à exporter vers la Russie. Les importations, sur ce gros marché mondial, avaient déjà chuté de 18 % en 2013 en raison d’embargos liés à divers problèmes sanitaires dans les bassins exportateurs. La peste porcine africaine, découverte de l’autre côté des frontières du pays, est arrivée au bon moment pour permettre aux autorités russes de protéger leur marché et leurs producteurs des importations européennes.
La volonté politique est d’atteindre l’autosuffisance en viande de porc dès 2020. On pourrait néanmoins se diriger vers un « partage » du territoire européen entre différentes régions, dont certaines seraient autorisées et d’autres pas. Un bon scénario en quelque sorte, mais qui prendra du temps. Le plus probable restant un maintien de l’embargo sur 2014. Le problème politique ukrainien ne facilite pas les opérations. Un espoir quand même : une montée trop importante des cours en Russie pénaliserait les consommateurs. « Les Russes, qui sont fortement déficitaires en viande de porc ne peuvent pas compenser la baisse des importations européennes par des importations à bas prix d’autres pays. La demande asiatique est élevée. Elle tire les prix mondiaux vers le haut », indique Michel Rieux de l’Ifip.
Une diarrhée salutaire à court terme
5 800 cas de troupeaux positifs à la DEP sont recensés aux Etats-Unis, sur 70 000 cheptels. 250 nouveaux cas par semaine, avec une tendance à la baisse en été, le virus se développant plus rapidement en saison froide. « Il s’agit aussi bien d’élevages naisseurs qu’engraisseurs. Seuls les premiers sont pénalisés par la maladie : le nombre réel d’animaux est donc difficile à appréhender », tempère Estelle Antoine de l’Ifip. Une enquête américaine montre une baisse de plus de 5 % d’animaux à l’engrais. « Si on enlève l’effet conjoncture lié à la baisse du nombre de truies, il y a 3 % de pertes dues à la DEP. L’augmentation du poids des carcasses à l’abattage compense un peu les pertes de volume ». Le cours du porc américain devrait rester élevé cet été, autour des 2 euros du kilo. Le marché intérieur prime sur les exportations en période estivale. Avec, probablement, moins de volume à écouler sur le marché mondial au 3e trimestre.
Quelques marchés mondiaux pourraient donc se libérer, et profiter aux pays européens. Notamment le marché japonais, très rémunérateur. « Sans l’épidémie aux Etats-Unis, les prix auraient déjà baissé chez nous », assure l’économiste. « Si l’embargo russe perdure, les prix devraient quand même se maintenir, au même niveau que l’an dernier », pronostique-t-elle, avec les réserves d’usage. Autre élément qui fait pencher la balance vers un maintien des cours : la tendance à la baisse de la production dans les trois plus gros bassins exportateurs mondiaux : les Etats-Unis (même hors DEP), le Canada et l’Union européenne. L’augmentation de la production dans les autres pays est absorbée par la demande en hausse sur les marchés internes.
Ouverture des frontières européennes
Les accords de libre échange conclus avec le Canada n’auront pas d’impact avant 2015, au plus tôt. Les discussions avec les Etats-Unis sont toujours en cours. Les échanges avec les pays du Mercosur, dont le Brésil qui souhaite entamer les négociations, sont en panne et ne se débloqueront pas avant les prochaines élections et l’installation d’une nouvelle commission européenne. Même si tous ces éventuels échanges sont inquiétants (les viandes servent de monnaie d’échange pour l’obtention d’avantages dans d’autres secteurs tels que la finance ou les services), leurs effets ne se feront sentir qu’à moyen terme. D’ici là, les portes russes peuvent se rouvrir et la DEP affecter les élevages européens… Bernard Laurent
L’avis de Daniel Picart, Président du MPB
Moins de 50 % des porcs sont dans la grille standard. Nous devons la faire évoluer pour qu’elle se réadapte à la majorité des porcs bretons. En la faisant évoluer vers le haut, pour ne pas pénaliser les porcs plus lourds. Les éleveurs y ont intérêt et les abatteurs aussi compte tenu de la baisse de production globale. L’opération doit se faire à périmètre constant ; la plus-value doit simplement être répartie différemment. Une réunion entre éleveurs et abatteurs est prévue prochainement à Loudéac. Je souhaite également que le millier d’éleveurs qui vendent au MPB (marché du porc breton) aient une reconnaissance financière. Ils prennent les risques et font profiter du prix de base ceux qui vont dans les « niches à centimes ». Ils vendent aux plus offrants et pas aux plus séduisants. Il pourrait s’agir d’une petite cotisation de confort.