Bien sûr qu’il y a un avenir. D’un présent surgit toujours un avenir. Différent. Les agriculteurs ne manquent pas d’idées pour projeter l’économie agricole dans un futur prospère.
La volonté des hommes soulèverait des montagnes, mais un gravillon dans une chaussure arrête la plus dynamique des marches. Ces grains de sable quotidiens qui contrarient la fluidité des activités, et que l’on a peine à imaginer, sont nombreux. « Nos exportations de plant de pomme de terre bretonne vers le Maghreb se font du Havre. Le port de Brest n’est plus équipé. Demain, les expéditions se feront peut-être de Rotterdam ». Jeudi dernier, au Roudourou, à Guingamp, les propos de Dominique Morvan, agriculteur et président de Bretagne Plants, déclenchent des vagues de surprises, lors du débat « Avec les agris pour une Bretagne conquérante », organisé par la Caisse de Bretagne de crédit mutuel agricole.
Favoriser les investissements « structurants »
Acheminer de la pomme de terre bretonne par camion aux Pays-Bas pour la redescendre vers le sud paraît un non-sens pour une Bretagne qui a le nez face à la mer. Et pourtant. « Dans le choix des circuits il y a deux choses : le prix et l’assurance d’une livraison dans les délais. Aujourd’hui, c’est le camion le plus compétitif. Le camion arrive à l’heure. Pour atteindre le Maghreb, il nous arrive aussi d’expédier par route jusqu’à Marseille où les pommes de terre prennent le bateau », poursuit le producteur de Guipavas (29). Illustration que les investissements structurants restent une clé de voûte du dynamisme économique d’une région.
Et parfois, ces investissements « structurants » ne coûtent pas cher, comme l’explique Philippe Bizien, président du CRP. « C’est la première fois que le nombre de charcutiers baisse en Bretagne. C’est dû à la mise sous cloche réglementaire de l’élevage », s’élève-t-il, en constatant, qu’il y a 10 ans, la Bretagne porcine était techniquement la meilleure d’Europe. « Aujourd’hui, il y a un manque manifeste de rentabilité. Les résultats sur 5 ans sont proches de zéro ». Avant de rebondir sur les atouts indéniables que possède la Bretagne : « La profession est très bien structurée : nous avons les groupements, le marché du porc, etc. Sans oublier « les hommes bien formés. Et n’oublions pas, ce qui fait la différence, ce sont les hommes ».
En quête d’excellence
Christophe Chrétien, directeur régional de Sanders Bretagne, acquiesce : l’humain pèse lourd dans place occupée par un secteur d’activité. « En volaille, la recherche et le développement sont la clé de la compétitivité ». Et de citer la génétique qui contribue aujourd’hui à faire 1 kg de poulet avec 1,7 kg d’aliment. « Tous les ans, on améliore de 2 à 2,5 % le potentiel des volailles grâce à la génétique ». Président de la coopérative Sodiaal qui collecte 20 % du lait français, Damien Lacombe compte aussi beaucoup sur les hommes pour conforter la production dans les territoires. « L’enjeu, c’est d’aider les jeunes à s’installer pour assurer la pérennité de la production dans les territoires. La dynamique laitière des petites régions : c’est cela qui fera la différence demain ». Et d’expliquer que si la coopérative Sodiaal va chercher des marchés à l’international, elle le fait faire de façon structurée pour que les producteurs aient les retours.
Une qualité négociée et négociable
Cette opportunité d’aller à la conquête des marchés extérieurs est d’autant plus accessible aux Bretons qu’ils sont unanimement reconnus pour « leur capacité à sécuriser la qualité ». Ce qui est vrai pour le lait l’est aussi pour les autres productions. Et ce qui pouvait par le passé être perçu comme une sanction – Exemple : les pénalités sur les lait ne répondant pas aux critères de qualité – est aujourd’hui un atout indéniable pour la compétitivité hors prix. Demain, l’environnement pourra peut-être être négocié sur les marchés. « Nous sommes les meilleurs en Europe sur le plan environnemental », se félicite Philippe Bizien. Un bon point qui n’est pas rémunéré au travers des produits agricoles. Pourtant, l’excellence environnementale a un prix. Didier Le Du
L’avis de Christian Péron, Président CBCMA
Je suis résolument optimiste pour l’avenir de l’agriculture et des agriculteurs en Bretagne, à la condition toutefois de prendre en main notre destin, de nous serrer les coudes et de nous préparer aux changements qui nous attendent. Il me semble que le véritable grand défi de demain sera avant tout de nourrir convenablement la population sans cesse croissante de notre planète. Les enjeux sont importants pour les agriculteurs. Mais si les paysans sont partants pour produire, il faut qu’ils puissent le faire en tirant un revenu décent de leur activité. Notre groupe dispose de moyens humains et financiers qu’il entend mettre au service de la prospérité économique de notre région et de ses habitants, conformément à sa vocation de banque.