De nombreuses décisions concernant les agriculteurs sont prises à Bruxelles. D’où l’importance pour eux d’aller voter dimanche, mais aussi de créer des liens plus étroits avec les responsables européens.
Dimanche prochain 25 mai, les Français vont élire les 74 eurodéputés qui représenteront la France au sein du Parlement européen comptant 751 sièges. C’est le seul organe européen élu par le peuple, tous les 5 ans. Et pour la première fois, ce vote va compter pour la désignation du président de la Commission européenne (CE), l’organe exécutif de l’Union. « Le traité de Lisbonne, en vigueur depuis 2009, a en effet prévu que le Conseil européen doive tenir compte des résultats des élections pour choisir le candidat à la présidence de la CE », a expliqué Marilyne Huchet Bourdon, économiste à l’Agrocampus, lors d’une soirée-débat organisée le 16 mai à Rennes par le Conseil agricole départemental 35. Le Parlement européen participe notamment à l’adoption des actes juridiques et à l’établissement du budget annuel de l’Union aux côtés du Conseil des ministres. Le parlement dispose aussi de moyens de contrôle, peut censurer la Commission qui doit alors démissionner, et le choix des membres de la Commission est soumis à son approbation.
La Pac, autour de 37 % du budget en 2020
On le sait, les agriculteurs vivent la Pac (politique agricole commune) au quotidien. Elle leur impose des normes, mais dans le même temps, leur apporte des aides conséquentes. Seule politique communautaire intégrée, la Pac pèse de ce fait 40 % du budget de l’Union (autour de 37 % en 2020), la politique de cohésion représentant le 2e grand fonds européen. Les « aides Pac ». Un terme que Franck Merel, producteur en lait et chèvres à Châteaugiron (35), n’apprécie pas trop. « Je les divise en deux. Il y a l’appui à l’investissement, l’innovation, facteur de dynamisme et de progrès social, qui doit augmenter. Et d’un autre côté, les aides du premier pilier sont en fait une compensation de revenu que les agriculteurs n’obtiennent pas avec les prix. » Dans ce sens, il est appuyé par Yves Madre, membre du Cabinet de Dacian Ciolos, le Commissaire européen actuel pour l’Agriculture et le Développement rural. « La nouvelle Pac est pragmatique, elle dit que l’agriculture est faite pour produire, que les agriculteurs doivent continuer à investir et qu’ils sont aussi les gestionnaires des ressources naturelles. Les agriculteurs doivent juste être honorés de recevoir des compensations pour leurs différentes fonctions. »
Dans une économie devenue très volatile depuis 2007, le fonctionnaire reconnaît que les filets de sécurité actés dans la nouvelle Pac sont trop minces. « Il faut aller plus loin sur la gestion des marchés. » Aux « eurosceptiques », il rappelle que la Pac est une réussite. « Pour la France, le retour économique est largement bénéficiaire. La gouvernance à 28 Etats-membres fonctionne. Être plus nombreux permet de créer des alliances et de peser. » Aucun des syndicats agricoles français n’envisage d’ailleurs de sortir de l’Europe, même si la Coordination rurale comme la Confédération paysanne critiquent les orientations prises.
9 eurodéputés de l’Ouest
Lors des élections européennes, le territoire français est découpé en 8 circonscriptions interrégionales. La circonscription Ouest comprend trois régions : la Bretagne, les Pays de la Loire et le Poitou-Charentes. Elle compte près de 9 millions d’habitants qui vont élire 9 eurodéputés en un seul tour.
Aller vers plus d’Europe ?
S’agissant des distorsions sociales intraeuropéennes, souci majeur aux yeux des Bretons, Yves Madre précise que l’Europe n’a pas cette compétence pour le moment. « Les Etats-membres ont refusé de la mettre dans le pot commun. Alors que faire ? Veut-on se lancer vers plus d’Europe. Economiquement et socialement, on aurait tout à y gagner. » Pour Alain Even, ex-président du Ceser Bretagne, l’intérêt de l’Europe ne devrait plus être à démontrer. « Sans son concours, la LGV ou encore de nombreux projets éducatifs et de recherche n’auraient pas vu le jour. Par ailleurs, la Conférence des régions périphériques est active à Bruxelles pour obtenir des mesures compensatrices. » Selon lui, les enjeux pour les 10-15 ans à venir doivent être définis clairement. « Veut-on une indépendance énergétique ? Va-t-on vers une Europe sociale, de la défense… ? »
Martin Schulz, candidat du Parti socialiste européen à la présidence de la CE, qui a rencontré d’anciens salariés de Gad à Lampaul-Guimiliau (29) le 13 mai, déclarait au sujet du dumping social : « Si l’Europe va mal, il faut changer l’Europe. Le repli sur soi n’est pas une solution. » Pour Xavier Beulin, président de la FNSEA, « voter pour l’Europe, c’est avant tout voter pour la paix. » Marilyne Huchet Bourdon, rappelle de son côté les avantages de l’euro « qui, lors de la crise bancaire et financière, a servi de bouclier protégeant les devises européennes contre le risque de dévaluation compétitive. La Banque centrale européenne assure par ailleurs une mission de stabilité des prix. » Autant d’arguments qui mettent objectivement à mal certains candidats souhaitant déconstruire l’Europe, et pourtant annoncés en tête dans une élection de députés européens… Cherchez l’erreur. Agnès Cussonneau
L’avis de Yves Madre, Membre du Cabinet de Dacian Ciolos
La Pac va continuer à évoluer, elle évoluera toujours. Dans quelques mois, l’après 2020 va commencer à être discuté. Les Bretons peuvent être attentistes ou proactifs. Pour obtenir la Pac qu’ils souhaitent, je leur conseille plutôt de se faire entendre, notamment auprès de leurs députés dans leur circonscription Ouest. Les personnes qui prennent les décisions ont besoin d’être nourries. Faire du lobbying, c’est plutôt noble quand il s’agit de présenter une vision commune et se projeter vers l’avenir. De Bruxelles, on attend que la Bretagne écrive sa nouvelle page, donne sa vision. Les filières porcine et volaille n’avaient sans doute pas suffisamment anticipé, préparé leur avenir. Que fera la filière laitière ?