L’éventail des matériels pour distribuer les fourrages est large. Très large. Du godet simple à la mélangeuse tout équipée, en passant par l’automoteur, la désileuse cube, la désileuse-pailleuse, etc., les éleveurs ont le choix des armes. Sans oublier l’arrivée en force des robots d’alimentation qui s’apprêtent à changer le paysage de la distribution dans les années à venir. Les constructeurs ne s’y trompent pas : ils sont une bonne dizaine à s’intéresser à ce marché naissant.
Reste qu’il n’y a pas une solution meilleure qu’une autre. Par contre, il y a des solutions qui correspondent mieux aux attentes particulières des éleveurs. Quand certains misent sur la précision des rations, d’autres privilégient la simplicité, la polyvalence du matériel ou encore le temps consacré à cette tâche. Enfin, il y a le coût. Incontournable. Ou plutôt le retour sur investissement. Sur ce sujet, il y a comme une unanimité. Didier Le Du[nextpage title= »Choisir son matériel »]
Le matériel qui va à l’un ne va pas forcément à l’autre. Cette évidence joue pleinement pour le choix d’une désileuse.
Pour des raisons pratiques, comme la configuration des bâtiments ; pour des raisons économiques évidentes liées au prix d’achat et au coût d’utilisation de la machine ; pour des raisons de conviction personnelle aussi : certains éleveurs ne jurent que par la ration mélangée alors que d’autres restent fidèles à la ration brute. Etc. Pour toutes ces raisons, il existe presque autant de modèles de distribution que d’élevages. Mais le matériel à lui-seul ne fait pas la performance du système. L’utilisation qui est faite du matériel présent sur l’exploitation, la conduite du troupeau, la gestion globale de l’élevage sont au moins aussi déterminants que le matériel choisi.
Six étapes pour choisir
1 – Le coût de revient
Plus que le prix d’achat de la machine, ce qui compte c’est le prix de revient ramené aux 1 000 litres ou à l’UGB pour les bovins viande. Les prix de revient constatés varient de 5 € à plus de 25 €/1 000 L, observent les récentes études sur le sujet. Dans sa réflexion, l’éleveur doit aussi tenir compte d’un gain potentiel sur le coût alimentaire, notamment grâce à une possible meilleure valorisation de la ration que l’on peut mesurer au travers d’une meilleure efficacité alimentaire. Avec à la clé, une augmentation de la production par unité fourragère distribuée. L’éleveur peut aussi espérer une amélioration de la santé (baisse des frais vétérinaires), une amélioration des résultats de reproduction, etc. Et donc une diminution du temps consacré à la surveillance et aux soins des animaux. Au-delà du prix d’achat, il convient aussi d’être attentif aux frais de fonctionnement : consommation d’énergie, usure plus ou moins rapide du matériel due entre autres à l’acidité des fourrages distribués, casse occasionnée par des pierres (betteraves), etc. L’entretien varie de 0,5 à 2 €/h d’utilisation selon les matériels.
2 – Main-d’œuvre
Les différentes enquêtes menées sur le terrain montrent des écarts de 1 à 5 pour le temps consacré à l’alimentation des bovins. L’emploi de mélangeuse tend à allonger la durée consacrée à l’alimentation des troupeaux. Ce critère est à prendre en compte, car il s’agit d’une astreinte quotidienne (et dans ce cas, ce peut être l’éleveur qui s’use) ; ce temps de travail supplémentaire peut engendrer des coûts supplémentaires si la tâche est réalisée par de la main-d’œuvre salariée.
Au pays des robots
Les robots d’alimentation font leur entrée dans les élevages bretons. Plus d’une dizaine de marques commercialisent aujourd’hui ce type de produit. La plupart de ces appareils (mais il y a des exceptions), qui fonctionnent en toute autonomie, désilent mais n’assurent pas leur propre approvisionnement en fourrage. Ils sont associés à une cuisine, une table doseuse, un convoyeur, un silo-tour, etc., même si, de plus en plus, on voit apparaître des automates qui désilent en totale autonomie au silo.
Le premier avantage de la robotisation est l’économie de main-d’œuvre. Les constructeurs mettent également en avant l’argument de la distribution fractionnée en petites quantités pour limiter les refus et aboutir à une meilleure digestibilité. Autre avantage mis en avant par les constructeurs : la diminution de la surface consacrée au couloir d’alimentation et l’économie d’énergie. Reste l’investissement : facilement 100 000 €, parfois plus de 200 000 €. En sachant que, pour 100 ou 200 vaches, l’investissement est quasi identique.
3 – Volume du matériel
Le choix du matériel doit être cohérent avec la taille des lots, le nombre des lots et la distance à parcourir entre le silo et l’auge. Le cas échant, tenir compte également de la réglementation concernant la circulation de l’engin sur la route.
4 – Bâtiments adaptés
Qui dit matériel volumineux, dit aussi encombrement latéral et vertical : les tôles rabotées dans les exploitations en sont des témoins visibles… Même précaution à prendre pour l’accès au silo. Il convient donc de vérifier les dégagements pour les manœuvres, surtout dans les bâtiments anciens pas toujours conçus pour cet usage.
5 – Aliments distribués
Le matériel ne sera pas le même pour des rations simples ou complexes. Il faut aussi penser à vérifier que la ration proposée peut-être travaillée par la machine choisie (ration fibreuse difficile à hacher). Enfin, penser au changement de ration hiver/été : polyvalence du matériel.
6 – Traction
Certains matériels nécessitent un seul tracteur alors que d’autres ont besoin d’un chargeur en plus. Ne pas oublier non plus qu’atteler et dételer peut vite devenir une corvée.
Enfin, les tracteurs doivent être adaptés à la désileuse : puissance, circuit d’huile, etc. Didier Le Du[nextpage title= »Pas à pas sur le chemin de l’efficacité alimentaire »]
La mélangeuse est l’outil de la ration qui convient bien à José Jaglin, installé avec ses parents Claudine et Jean-Pierre. Grâce à la pesée embarquée notamment, il surveille de près la valorisation de l’alimentation par les animaux.
« En passant en trois ans d’une efficacité de 1,2 à 1,5 litre de lait produit par kilo de matière sèche ingérée, c’est 110 tonnes de matière sèche de fourrage économisées par an », calcule José Jaglin, éleveur à Saint-Gilles-Vieux-Marché (22). Ce rapport, c’est un peu son dada : chaque vendredi soir, il divise la production hebdomadaire du troupeau qu’il relève parmi les données accumulées du logiciel du robot de traite par la quantité de ration mélangée distribuée pesée par la mélangeuse… Depuis son installation, il y a quatre ans et demi, l’élevage a fait beaucoup de progrès en valorisation de l’alimentation. Il explique : « À mon arrivée, le troupeau a augmenté de 25 têtes et l’outil de 14 m3 ne suffisait plus. Nous sommes repartis avec une machine à pales, mais cette fois-ci une 17 m3 avec l’option “balle entière” pour pouvoir avaler des bottes d’enrubanné ou de paille. » Ses parents utilisaient leur mélangeuse pour associer le maïs ensilage aux concentrés et un peu de paille ou d’enrubanné. « Mais je connaissais les possibilités de la machine pour les avoir observées sur le terrain, raconte le JA, ancien conseiller d’élevage au BCEL Ouest. Et je voulais les exploiter à fond, des veaux jusqu’aux laitières, en optant pour le conseil en nutrition de Keenan. » Cet œil extérieur a permis de revoir l’alimentation et de gagner peu à peu en efficacité alimentaire.
[caption id= »attachment_7077″ align= »aligncenter » width= »300″] La ration est repoussée trois ou quatre fois par jour à l’aide d’une lame devant le quad. « Cela stimule les vaches. A chaque fois, elles viennent à la table d’alimentation, ce qui favorise l’ingestion. »[/caption]
Le maïs incorporé en dernier est à peine brassé
Désormais, le mélange hivernal, préparé par Jean-Pierre en 40 minutes, comprend (en MS/VL) dans l’ordre d’incorporation : 3,5 kg de betteraves, 1,5 kg de paille, 4 à 5 kg d’enrubanné puis du lithothamne et 20 g de levures vivantes… À l’aide d’un godet griffe sur le télescopique, « les 8 kg de maïs ensilage sont apportés en dernier et ne sont mélangés que 2 minutes, le temps de 8 à 10 tours de rotor. » Cette ration à l’auge est complétée par 2,5 à 4 kg de correcteurs azotés (un 70 % soja / 30 % colza et un soja tanné) au robot. « Les betteraves introduites il y a trois ans apportent de l’énergie, ce qui a permis de supprimer la VL. Plus généralement, ce mélange associant trois ou quatre fourrages a amélioré la santé des animaux. L’hiver, ça va comme sur des roulettes : finis les hépatos et autre cure de vitamine C. Il n’y a quasiment plus de symptômes de grippe, plus de passage où tout le troupeau baisse en production. »
Le nouveau maïs fait la différence
Heureusement, depuis l’ouverture du silo du « nouveau » maïs, les performances s’améliorent encore. L’efficacité a même culminé à 1,68 pendant un mois l’hiver dernier. Aujourd’hui, à l’herbe, elle se situe plutôt à 1,4. Et l’éleveur de conclure : « Globalement, le coût alimentaire est meilleur en hiver que le reste de l’année grâce à la betterave et l’introduction de plus en plus d’enrubanné riche en trèfle et luzerne qui limite le recours aux tourteaux. »
Les dominées n’ont pas leur part si l’auge est vide
La mise à l’herbe intervient vers la mi-mars pour une rentrée à l’étable fin octobre. Au pâturage, la ration mélangée évolue. Une portion individuelle est constituée d’1 kg de paille, 3,5 kg d’enrubanné, 7 kg de maïs et 1,2 kg de blé. « Je varie le nombre de portions préparées en fonction de la qualité du pâturage et des refus à l’auge. Je ne cherche pas le zéro refus. Surtout en hiver où il doit rester 5 à 10 % du distribué. Si l’auge est vide, les jeunes et les dominées n’ont pas eu leur part… », explique José qui utilise également une technologie proposée par Lely pour évaluer sa ration. « Je surveille beaucoup la rumination enregistrée par les colliers des vaches. Le système comptabilise le nombre de mastication par jour. Objectif : 480 minutes par 24 heures. Au printemps, cela descend à 430 car l’alimentation à la prairie est plus digestible. Si ça baisse trop, j’ajoute un peu de paille dans la mélangeuse, jusqu’à 2 kg maximum en hiver. »
Grâce à ces petits détails, l’efficacité alimentaire sur la campagne 2013-2014 a atteint 1,5 L / kg de MS « avec un mauvais ensilage de maïs qui fait baisser le niveau d’étable de 400 L et le TP d’un point au moins. Il avait fallu distribuer un complément de blé. Pour un total de 1 500 kg de concentrés par vache sur l’année et un niveau de production de 9 200 kg. » Sur cette période, avec un prix élevé du soja et un mauvais maïs, le coût alimentaire se situait à 96 € / 1000 L, tout compris (aliments, minéraux dans l’eau de boisson, levures, propylène-glycol au robot en début de lactation…), « bien au-dessus des 45 € / 1 000 L des simulations de mon projet d’installation quand le soja était à 270 € / t », sourit José. Toma Dagorn[nextpage title= »Le mash veau booste les croissances »]
Les génisses sont inséminées en moyenne à 13 mois grâce à des croissances améliorées depuis l’introduction de la ration sèche.
Depuis 3,5 ans, les associés du Gaec Jaglin se servent de la mélangeuse pour préparer un « mash veau ». Dans la machine, ils glissent 350 kg de paille, 170 kg de mélasse, 450 kg de blé en granulés, 230 kg du correcteur azoté (70 % de tourteau de soja, 30 % de tourteau de colza) des vaches et 25 kg de minéraux (5-25-5). Au total, il faut 70 minutes pour préparer 1,2 t de mélange pour 15 jours, l’ensemble étant déchargé le long de l’auge, disponible à volonté. « Pour gagner du temps, nous envisageons de presser des big ballers de paille passée au rotocut. Il y a 20 à 25 minutes à économiser par rapport à la paille brin entier que la mélangeuse doit recouper. »
Enrubanné
Depuis 6 ans, le Gaec exploite des surfaces en trèfle pur ou trèfle + RGH. En 2013, une association luzerne – trèfle a également été semée. Ces parcelles sont récoltées en enrubanné. Les associés misent aussi de plus en plus, 25 ha cette année, sur des dérobées trèfle incarnat – RGI enrubannées en avril avant semis de maïs. « Les trèfles purs atteignent 22 % de MAT récolté : 2 kg distribué, c’est 1 kg de soja en moins… Les dérobées se situaient à 22 % avant fauche, j’espère qu’elles titreront au moins 18 % une fois enrubannées. »
L’âge au premier vêlage a progressé de 3,5 mois
Jusqu’à récemment, les génisses profitaient de ce mash de 2 à 7 mois d’âge, avant de basculer vers le « mélange génisses et bœufs », jusqu’au vêlage (paille, enrubanné, maïs ensilage et correcteur azoté). Grâce à cette alimentation sèche et appétente, les croissances ont fait un bond : « Avec cette ration, les femelles sevrées ont gagné 3,5 mois sur l’âge au premier vêlage, passant de 30 mois à moins de 27 mois, témoigne José Jaglin. Certaines génisses sont même inséminées pour la première fois à 13 mois. En race Pie Rouge où les croissances sont plus lentes qu’en Prim’Holstein, c’est quand même très satisfaisant. »
[caption id= »attachment_7078″ align= »aligncenter » width= »300″] Les associés préparent un mash veau tous les 15 jours. Les génisses y ont accès à volonté jusqu’à l’âge de 7 mois.[/caption]
Mieux, depuis quelques mois, le jeune éleveur teste la distribution de ce mash fibreux dès 10 jours après la naissance. Et le bénéfice zootechnique n’a pas tardé à se concrétiser : « Je viens de rapprocher deux lots de veaux. Les premiers âgés de 5 mois n’ont reçu le mash qu’à partir du sevrage, les autres âgés de 3 mois dès 10 jours de vie. Et les gabarits sont comparables… » Quand on sait que le potentiel laitier d’une vache est déterminée très tôt par sa croissance générale et le développement des tissus mammaires, cet essai est une bonne pioche. « Je pense même que nous allons encore baisser d’un mois l’âge à la première IA », anticipe José. Toma Dagorn[nextpage title= »Un seul tracteur pour les bovins »]
Yves et Pascal Durand apprécient la polyvalence et le débit de leur désileuse-pailleuse. En ration complète mélangée par recyclage, ils obtiennent une moyenne d’étable de 8 300 L, avec un coût alimentaire de 78 €/1 000 L.
« Nous avons investi dans une première désileuse-recycleuse-pailleuse Lucas G au début des années 2000. Nous en sommes à notre 3e, achetée début 2014. La précédente est restée 8 ans sur l’exploitation », explique Yves Durand, installé en Gaec avec son frère Pascal à Pléneuf-Val-André (22). 470 000 L de lait (quotas plus rallonges) sont réalisés avec environ 57 VL Prim’Holstein sur l’exploitation qui produit aussi 42 taurillons par an, vendus à 23 mois et 405 kg de carcasse en moyenne.
Ergonomie
« Ce type de matériel nous permet d’avoir un seul tracteur pour la distribution et le paillage de tous les animaux (environ 210). Et la visibilité de la cabine du tracteur est très bonne. » Le coût de la Castormix 80 (8 m3), présente sur l’exploitation, est de 33 800 € HT. « Elle fonctionne bien sur notre tracteur de 100 CV, également équipé d’un chargeur frontal. Chaque année, elle passe environ 1 000 bottes de paille, 42 ha de maïs et 100 à 120 bottes d’enrubannage. » Côté qualité de mélange et de distribution, les éleveurs sont également satisfaits. Avec une bonne part de pâturage et une ration complète toute l’année, la moyenne d’étable est de 8 300 L, pour un TP de 31,5 et un TB de 40. Le coût alimentaire est maîtrisé à 78 €/1 000 L.
13 ha en full-grass
Créé en 1993, le Gaec des Rabais compte 2 UTH, Yves et Pascal Durand. Sur la SAU de 106 ha, sont cultivés 30 ha d’herbe, 38 ha de maïs ensilage et 38 ha de blé. 13 ha de pâturage (RGA-trèfles) sont accessibles aux vaches laitières en full-grass, et 6 ha un peu plus éloignés sont dédiés aux génisses et aux vaches taries. 7 ha de petites parcelles sont en fétuque, le reste en RGA. Ces surfaces sont fauchées pour être conservées en enrubannage ou foin. Les deux silos peuvent stocker jusqu’à 45 ha de maïs. Côté organisation, les deux frères alternent une semaine sur deux la traite et l’alimentation/paillage, « pour rester polyvalents. »
Ensilage en brins courts
Bien organisés sur l’exploitation, l’alimentation et le paillage demandent un peu plus d’1h30 par jour, à une personne, pour l’ensemble des bovins. Le remplissage de la désileuse commence avec l’enrubannage, chargé à la fourche. « Nous déléguons la confection des roundballers. Passé au rotocut, l’ensilage est conservé en brins courts de 7 à 10 cm. C’est plus facile à reprendre à la main et la machine le mélange plus facilement par recyclage. » Les minéraux, bicarbonate, correcteur, orge pressuré… sont placés sur l’enrubannage, puis le tracteur est amené près du silo de maïs. Grâce à la griffe de désilage, le fourrage est facilement prélevé. « Les deux tours de recyclage se font au pied du silo. La machine est équipée de 2 gros démêleurs avec des sections papillons et droites. Nous n’avons pas choisi de système de pesée », précisent les producteurs qui quantifient les proportions avec des repères visuels sur le silo, des seaux…
En hiver, trois rations différentes sont distribuées (vaches laitières, génisses, taurillons), repoussées si besoin le soir. « La désileuse permet un paillage de précision avec un bon débit. Il n’y a pas de paille dans le couloir. En hiver, trois bottes de paille sont répandues chaque jour dans les bâtiments. » Dans leur mode de distribution et paillage, les éleveurs apprécient également la maîtrise de la consommation énergétique : seulement 10 L de gasoil par jour. Et si besoin, la machine se détèle facilement. Ils émettent juste un petit bémol sur les chaînes du tapis qui demandent un entretien régulier. Agnès Cussonneau[nextpage title= »Le robot nourrit les bovins dans trois bâtiments »]
La station de mélange peut traiter l’ensemble des fourrages et faire autant de types de rations que le producteur le souhaite. L’appétence et la faible consommation d’énergie sont des plus.
Sans faire beaucoup de bruit, il avance paisiblement, avec fluidité. Le robot de distribution suit les sillons gravés sur l’aire bétonnée. En le voyant arriver, les génisses se précipitent vers la table d’alimentation, salivant d’avance à la pensée de la ration fraîche qui va leur être distribuée. « C’est un des intérêts de ce robot. Il nous permet de nourrir les animaux avec une ration toujours appétente et adaptée. Nous pouvons faire autant de lots, de préparations, de distributions que nous le souhaitons », remarque Cédric Nizan, installé avec ses deux parents à Mordelles (35).
Depuis 2010, les éleveurs testent le concept Automatic feeding développé par la société Jeantil, qui entre aujourd’hui en phase de commercialisation. Auparavant, le Gaec fonctionnait avec un tracteur et bol mélangeur attelé. « Le nombre de rations et passages était plus restreint. Aujourd’hui, la distribution se fait trois fois par jour pour les VL en hiver, et le matin et le soir pendant le pâturage. Dans la journée, l’auge est propre, les oiseaux viennent moins. Les deux lots de taurillons ont aujourd’hui deux rations distinctes et les génisses sont conduites en 2-3 lots. »
En cuisine
Dans la station de préparation des mélanges, les fourrages sont stockés dans trois cellules : ensilage de maïs, enrubannage ou ensilage d’herbe, foin ou paille entière. Ils sont pesés puis arrivent par tapis convoyeur dans le bol mélangeur. Stockés dans des trémies ou en silos, les autres ingrédients (minéraux, bicarbonate, tourteaux de colza…) sont amenés par vis dans une trémie peseuse, avant de rejoindre le bol mélangeur. Le mélange est ensuite transféré par convoyeur vers le robot de distribution d’un volume de 4 m3. Fonctionnant sur batterie, le chariot se recharge automatiquement.
« Pouvant traiter l’ensemble des fourrages et aliments, les équipements peuvent être adaptés à chaque exploitation. Le coût moyen est de 190 – 200 000 €. Parfaitement entretenus, leur durée de vie prévue est de plus de 15 ans, le coût est à comparer au gain de main d’œuvre engendré et à la précision des quantités distribuées », souligne Philippe Jeantil, dirigeant de la société du même nom. « Cette innovation résulte de l’automatisation de notre savoir-faire de plus de 25 ans dans la distribution de tous les fourrages. »
Une ½ heure par jour pour l’alimentation
Alors qu’il faudrait plus de deux heures pour réaliser ces mélanges au bol, les producteurs ne consacrent plus qu’une demi-heure par jour à l’alimentation. « Nous devons juste charger quotidiennement la cellule d’ensilage de maïs, les silos étant juste à côté. La cellule de foin est remplie tous les 2-3 j en hiver, les minéraux, 1 fois par semaine… Et la pénibilité du travail est réduite. »
Dans le poste de commande, la programmation des circuits et rations se fait sur un ordinateur. Le robot de distribution se déplace dans les trois bâtiments de l’élevage, et peut aussi racler, lors de la distribution ou indépendamment. « À condition que les surfaces soient bétonnées et planes, il peut aller partout, franchir des pentes jusqu’à 10° », souligne Julien Squeville, ingénieur d’études sur le projet. La distribution est homogène et précise grâce à la stabilité du système de pesage.
Plus précis et régulier
« Cet automate est plus précis et plus régulier que nous », ajoute Cédric Nizan. Sur l’élevage, la performance est au rendez-vous avec une moyenne d’étable à 10 000 kg. « Nous ajoutons du complément individuel à l’auge en début de lactation. » Les IA commencent autour de 15 mois sur les génisses de 400 kg (mesures au ruban). Le vêlage moyen se fait à 26 mois. Dans l’automatisation, l’éleveur apprécie le fait de n’avoir qu’un tracteur dans la cour. Le coût de fonctionnement (électricité) a également été fortement réduit, notamment grâce à une optimisation de la motorisation. Agnès Cussonneau[nextpage title= »Charge de travail diminuée avec l’automotrice en Cuma »]
Allégement de la charge de travail, baisse du coût de la distribution, maîtrise de la ration et utilisation des produits de l’exploitation font partie des avantages cités par les adhérents d’une Cuma utilisatrice d’une désileuse automotrice avec chauffeur.
« Sur l’exploitation, on utilisait une désileuse traditionnelle attelée sur le tracteur. Ce matériel, commençant à être vieillissant, demandait à être renouvelé. En échangeant avec quelques voisins, on s’est rendu compte que l’on était plusieurs dans la même situation. On a pris contact avec des éleveurs du département utilisant une désileuse automotrice en Cuma pour avoir leur ressenti et leurs références. On a ensuite choisi cette option en 2002 », raconte Jean-Paul Ronsin, le président de la Cuma. L’éleveur de Bédée (35) admet tout de même que c’était un sacré pari au départ de créer la Cuma de la dynamique spécifiquement pour l’automotrice et en plus d’embaucher un salarié à plein temps.
Avantages de la désileuse automotrice
- Déléguer la distribution de la ration/allégement de la charge de travail.
- Coût de distribution entre 14 et 16 €/1000 litres de lait.
- Utilisation d’un maximum de produits de l’exploitation (enrubannage, luzerne, céréales, betteraves…).
- Maîtrise de la ration et de son coût.
- Front d’attaque propre, pas d’échauffement du tas, meilleure qualité de fourrage distribué.
De 7 adhérents au démarrage, la Cuma est passée à 10 en l’espace d’un an et demi, et la tournée de 2 millions à 3,5 millions de litres de lait. « En gros, il faut 100 000 L/km ce qui sert de base de calcul au départ. L’automotrice parcourt 35 km par jour, l’objectif que l’on s’était fixé a donc été atteint en moins de 2 ans. » Après peu plus de 10 ans d’utilisation, la Cuma compte 9 adhérents pour 6 millions de litres de lait. Ces chiffres mettent en lumière l’évolution des exploitations en quelques années. « Le salarié fait à peu près 1 100 h/an sur la désileuse et il complète son temps plein en faisant de la prestation de services chez 2 adhérents. »
[caption id= »attachment_7083″ align= »aligncenter » width= »300″] La désileuse automotrice d’une capacité de 14 m3 brasse la ration du bas vers le haut, assurant un mélange homogène.[/caption]
Une ration mélangée homogène et précise
Les motivations sont les mêmes pour tous les éleveurs, l’obligation d’investir dans du matériel pour distribuer la ration aux vaches. L’opportunité d’acheter une automotrice en commun permet de déléguer ce travail, permettant de se concentrer sur d’autres tâches. Autre avantage non négligeable, une amélioration de la qualité de la ration distribuée aux animaux. « L’automotrice nous permet de réaliser une ration mélangée homogène, avec une pesée précise, en incorporant de la fibre et offrant la possibilité d’utiliser un maximum de produits de l’exploitation (enrubannage, luzerne, céréales, betteraves…) », énumère Jean-Paul Ronsin. Le but étant d’avoir le plus d’autonomie alimentaire possible sur l’exploitation. L’éleveur apprécie aussi de pouvoir réaliser des rations différentes pour les petites génisses.
L’automotrice renouvelée tous les 3 ans
Les adhérents ont choisi d’investir dans une désileuse automotrice de la marque RMH au moment de la création de la Cuma. Ils ont été séduits par le système de bol qui brasse du bas vers le haut et permet de réaliser un mélange homogène tout en incorporant de la fibre. « C’est notre quatrième désileuse RMH, on a toujours eu cette marque. Mais le plus important pour nous c’est la proximité du service après-vente et sa réactivité. On ne peut pas se permettre d’avoir de longues pannes, ce qui nous pousse à renouveler notre machine tous les 3 ans », explique Jean-Paul. L’automotrice actuelle est un modèle de 14 m3, d’une valeur de 140 000 €. Elle est équipée d’aimants à la base de la vis ce qui permet de récupérer toutes sortes de morceaux de ferrailles qui ne finiront pas dans la ration des animaux.
Un coût de distribution entre 14 et 16 €/1 000 L
Chaque adhérent a sa ration personnalisée qui est enregistrée dans l’ordinateur de l’automotrice. « À son arrivée sur l’exploitation, le chauffeur saisit le nom de l’adhérent et la ration s’affiche automatiquement. L’ordinateur déclenche alors le compteur d’heures qui sert pour la facturation de chacun. Cette structuration pousse les adhérents à tout préparer. Tout le monde est bien organisé et le temps de travail est optimisé. » Si le temps rentre en ligne de compte dans la facturation, c’est à hauteur de 40 % et les 60 % restants sont en fonction du quota de chaque exploitation. Les adhérents estiment le coût de la distribution avec ce système entre 14 et 16 €/1 000 litres de lait. « On sait qu’on est bien en dessous du coût de ceux qui investissent dans leur propre matériel et en plus on n’a pas cette tâche à effectuer. C’est aussi une opportunité pour des exploitations plus petites d’avoir un coût de distribution de la ration très compétitif. » Nicolas Goualan[nextpage title= »10 cubes en libre-service pour 120 vaches »]
Faire simple et efficace. C’est la règle sur l’élevage Baron qui, après le libre-service en silo, est passé au libre-service à l’auge. Un système d’alimentation qui permet de nourrir le troupeau en 2-3 heures par semaine.
En ce mois de juin, les 120 vaches de cette exploitation lait-porc n’ont plus un kilo de maïs. Comme chaque année à cette époque, la désileuse cube est remisée. « En année normale, le silo est fermé du 15 avril au 15-30 juillet et le correcteur arrêté dès la fin mars », indique Jean-Marie Baron, en Gaec avec son père, un oncle et un cousin. Pendant la saison d’herbe, les 30 ares accessibles par vache – grâce à un réseau de chemins spécialement aménagé – permettent d’assurer l’intégralité de la ration. « Actuellement, la production moyenne est de 25 kg de lait, avec seulement 2 kg de céréales comme unique concentré ». Une production permise par l’excellente qualité de l’herbe cette année et par une conduite rigoureuse avec des parcelles jour-nuit et fil avant. « Je ne me vois pas faire du lait sans pâturage », glisse au passage l’éleveur.
[caption id= »attachment_7084″ align= »aligncenter » width= »201″] Sur cet élevage, la désileuse est en vacances pendant 3 mois.[/caption]
Simplicité et rapidité
Depuis l’hiver dernier, une nouvelle désileuse cube est entrée en service. « La précédente ne permettait pas de faire des cubes assez larges. Ils s’écroulaient et le maïs chauffait ». L’actuel matériel, de marque Trioliet, taille des cubes de 1 m de profondeur sur 1,90 m de large ; ils sont nettement plus stables. « Cette désileuse est également plus rapide pour la découpe au silo », observe l’éleveur qui apprécie aussi l’attelage automatique (il n’y a que les flexibles et la prise électrique à brancher manuellement). « Nous l’attelons sur le bras du télescopique. Cela permet d’atteindre facilement le haut du tas d’ensilage ».
Même s’il n’est jamais évident de calibrer le temps de travail, Jean-Marie Baron estime autour de 2-3 h, tout compris, par semaine le temps nécessaire pour alimenter le troupeau en hiver. « À chaque remplissage, je dépose 10 cubes dans l’auge de 45 places ; ce travail me prend une heure. En été, c’est une heure de travail par semaine », calibre-t-il, en faisant remarquer qu’avec cette technique, on s’épargne la corvée de bâche quotidienne.
Travail et coût
La désileuse a coûté quelque 11 000 €. Ramené à l’heure de travail et au volume distribué, son coût d’amortissement et de fonctionnement est plus que raisonnable. « Nous semons 28 ha de maïs. Mais avec une rotation herbe/maïs/céréale, on fait des rendements élevés dans la région », fait observer l’éleveur qui parle de 18 t MS/ha possible après pâture en année favorable. Y compris l’hiver, les vaches sortent en journée dès qu’il y a deux jours sans pluie. « Elles vont sur les parcelles prévues en maïs. Si elles ne trouvent pas grand-chose, c’est bon pour le sanitaire, l’appétit et la reproduction », note l’éleveur qui parle d’une consommation totale d’herbe de 2,8 t/VL sur l’année.
Ce qui n’empêche pas le potentiel de production de s’exprimer : 8 300 litres vendus par vache. « Avec le compteur à lait, on voit rapidement quelles parcelles d’herbe sont à refaire », observe J.-M. Baron qui emploie toujours la même recette pour semer les prairies : « 5-6 kg de trèfle (variété Alice), ¾ de RGA tétraploïde et ¼ de diploïde ». À noter encore que les vaches sont systématiquement parées au tarissement (vêlages étalés toute l’année). « Comme ça on est tranquille pour le reste de l’année. C’est comme si on faisait une remise en état annuelle». Une remise en état qui permet d’éliminer des lésions naissantes, d’enlever les excroissances de corne qui déséquilibreraient un jour ou l’autre le déplacement des animaux.
Pas plus d’acidose
Ce régime plat unique n’est-il pas propice à l’acidose ? « Non », répond Jean-Marie Baron, en expliquant que la désileuse cube ne défibre pas le maïs. Autrement dit, les cartes de la fibrosité de la ration se jouent lors du chantier d’ensilage. « Nous déposons une botte d’enrubannage en bout de table d’alimentation ou un round d’ensilage d’herbe », poursuit l’éleveur, avant de noter que le libre-service ne génère pas davantage de butyriques.
Un peu à contre-courant de la mode actuelle, le Gaec Baron a décidé d’équiper le roto de traite (30 postes) d’alimentateurs pour la distribution du concentré. « Avant nous avions 5 Dac, mais nous étions obligés d’attendre que toutes les vaches aient consommé leur concentré pour conduire le troupeau au pâturage ; et encore toutes ne prenaient pas leur ration ». Aujourd’hui, sitôt la traite terminée, elles peuvent sortir. Sans compter qu’avec le concentré en salle de traite (distribué individuellement grâce à l’identification à puce HDX), les vaches se pressent davantage pour venir se faire traire. « De même, les vaches n’ont pas de maïs avant la traite : comme ça elles traînent moins également. Et pour les trainardes, le Border Collie assure la police dans le couloir de circulation entre les logettes qui fait office aussi de parc d’attente ». Didier Le Du[nextpage title= »De la simplicité avec le godet »]
Eric Ménes et Jean-Pierre Péron ont opté pour le godet désileur, répondant à leurs critères de facilité et de rapidité de distribution.
Eric Ménes et Jean-Pierre Péron, installés en Gaec avec leur épouse, à Bolazec (29), ont testé de nombreux types d’outils pour distribuer l’ensilage de maïs. À la recherche d’un outil simple et facile d’utilisation, maniable par tous les associés et permettant une préparation et une distribution rapide, c’est finalement le godet désileur qui a retenu leur attention.
Divers godets se sont succédé
« Jusqu’en 99, j’ai commencé avec un godet à terre. Mais les manœuvres étaient nombreuses pour accéder aux auges situées à ce moment-là à 50 cm de hauteur », raconte Eric Ménes. Depuis, ces auges ont été détruites en 2002… Et le premier godet à déversement latéral gauche est arrivé. « C’est pour moi un outil facile. Utilisé toute l’année, il permet même de distribuer des petites quantités de 2 à 3 kg de MS d’ensilage de maïs/VL/j, avec un débit de distribution régulier ». Avec ce godet, en bout de bâtiment, il restait toujours 5 à 6 m à distribuer à la main, une pénibilité qui se répétait tous les jours. Aussi, c’est dans un godet Emily -Véga 1,4-, assurant la distribution des deux côtés, sur toute la longueur du bâtiment, que les deux éleveurs du Gaec ont finalement investi. « Cette option me semble indispensable, pour un coût supplémentaire de 1 000 € », confie Eric Ménes. Et de continuer « Cet outil, à déversement bilatéral, est plus évolutif pour tout type de bâtiment, car on ne sait pas quels seront les projets dans quelques années ». « En plus, l’entretien est minime », seul deux à trois graissages dans l’hiver sont nécessaires.
Un outil adapté au bâtiment… et aux pratiques des éleveurs
L’ensilage de maïs est distribué deux fois par jour. « Je défais le front d’attaque du silo avec la lame du godet, pour un volume équivalent à 3 ou 5 godets de 1,4 m3 selon le repas ». Il effectue le mélange au pied du silo, en ajoutant du soja à raison de 1 à 1,5 kg/VL/jour et du rumiluz le matin ou de l’ensilage d’herbe le soir, pour un meilleur mélange et limiter le tri des animaux. « Avec mon godet, je mélange le tout, comme le ferait un maçon », décrit Eric Ménes. La distribution le long de l’auge finit d’assurer ce mélange, à défaut d’un godet mélangeur. D’une largeur de 2,4 m, le godet est plus large que le tracteur. Un point important, par rapport au précédant qui ne mesurait que 2 m, et qui lui « évite de distribuer en marche arrière pour ne pas rouler sur les aliments ».
Montre en main, top chrono : pour soigner ses 70 laitières, le temps de préparation et de distribution lui prend ¼ d’heure, la zone de stockage se trouvant à proximité de la table d’affouragement. « L’utilisation d’un godet avec rotor permettrait sûrement d’avoir un front d’attaque plus net, mais j’ai peur que ça défibre trop le fourrage », avoue-t-il, en repensant à une mauvaise expérience menée il y a trois ans.
Critère d’achat du choix du godet désileur
- Puissance du tracteur.
- Circulation dans le bâtiment.
- Nature de l’aliment distribué.
- Organisation du travail des éleveurs (mélange de la ration…).
Essai non concluant avec une mélangeuse
En effet, suite à une porte-ouverte, ils se sont laissé tenter par les atouts mis en avant sur une mélangeuse, pour le second site en 2012. « On a, en tout et pour tout, travaillé quatre mois avec… », déplore Jean-Pierre Péron. Le temps de travail a été multiplié par trois… La mélangeuse nécessitait trop de tracteurs et de manœuvres, pénalisant l’organisation du travail sur l’exploitation. « Nous n’avons pas dû maîtriser l’outil car l’ensilage était défibré, comme après le passage d’étourneaux sur le front d’attaque », décrit Eric Ménes.
La chute de lait qui a suivi a conduit les éleveurs à revenir à un système plus simple, qu’ils maîtrisaient. « Mais le système était intéressant pour l’alimentation des veaux », avoue Jean-Pierre Péron, qui préparait la ration sèche une seule fois par semaine. Depuis, le godet à terre est toujours utilisé sur ce site, pour les vaches laitières. « On benne l’ensilage au milieu de l’aire d’alimentation. Une attache en V -fabrication maison- repousse l’aliment vers les cornadis », décrit Jean-Pierre Péron. Une pratique que Eric Ménes n’a pas oubliée quand son tracteur de 100 CV, dédié à l’alimentation, est utilisé sur d’autres chantiers. En ce qui concerne les jeunes bovins et les génisses, les éleveurs utilisent une désileuse-pailleuse. « C’est pratique, tout se fait avec le même outil et le même tracteur ». Carole David