Grands troupeaux : s’approprier d’autres repères

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On ne gère pas 100 à 150 vaches comme on en gère 50 ! Il faut souvent réadapter toute son exploitation : bâtiment, chaîne d’alimentation, assolement et revoir l’ensemble des tâches, traite en particulier. Cela s’anticipe…

En une décennie, le quota moyen français a fait un bon de 73 % pour atteindre 343 000 L*. En Bretagne, le nombre de troupeaux de plus de 80 vaches a plus que doublé ces cinq dernières années. Dans les études de groupe CerFrance Bretagne, les exploitations spécialisées sont passées en 5 ans de 332 000 à 393 000 L vendus (+ 18 %). Le litrage progresse deux fois plus vite que la surface agricole utile, et quatre fois plus que la main d’œuvre. En Ille-et-Vilaine par exemple, 4 % des adhérents CerFrance ont un élevage spécialisé de plus de 90 vaches laitières.

Davantage de fourrages conservés et de concentrés

Le contexte est porteur. L’échéance de la fin des quotas approche. Certaines laiteries, notamment les coopératives, se disent prêtes à suivre les producteurs laitiers dans leur projet de développement. Si les opportunités existent, le changement de dimension doit être réfléchi et anticipé. Au-delà de l’aspect purement technique et règlementaire, une nouvelle organisation est souvent à construire : volume de travail et répartition des tâches, investissement, assolement cultural en lien avec l’alimentation… Elle doit répondre aux aspirations du ou des chefs d’exploitation et/ou être partagée par les associés. Les exploitations spécialisées de plus de 90 vaches, en Ille-et-Vilaine, disposent de 125 ha de SAU. Le système est généralement plus intensif : 273 000 L vendus/UTH et 6 000 L/ha SAU.

Même si le pâturage reste généralement la priorité afin de maîtriser les coûts fourragers, la proportion de maïs est nettement plus forte que la moyenne (41 % de la SFP). Les surfaces accessibles pour les vaches s’avèrent souvent plus faibles. En cas de robotisation de la traite, des difficultés apparaissent lorsque les distances s’allongent. Cette intensification résulte donc d’un système d’alimentation utilisant davantage de fourrage conservés et de concentrés (190 g/L). Ainsi, le coût alimentaire est plus élevé chez les grands troupeaux 102 €/1 000 L, contre 94 € en moyenne.

Des spécificités apparaissent aussi dans la gestion du cheptel

L’élevage des génisses est souvent plus optimisé pour répondre au plus juste aux besoins de renouvellement. Les vaches sont réparties en 2 ou 3 lots. Les vêlages et la production laitière s’en trouvent, si non étalés, au moins écrêtés. D’une manière générale, le pilotage des grands troupeaux repose davantage sur une conduite régulière et calée sur des objectifs de production prédéfinis. Le rapport à la conjoncture et aux opportunités de marché à court terme sont moindres. La mise en place de ces grands troupeaux s’accompagne quasi systématiquement d’investissements importants. Le capital d’exploitation est supérieur à la moyenne de 30 €/1 000 L. Les annuités sont supérieures de 14 €/1 000 L et représentent 8 points d’EBE en plus. Il sera intéressant de suivre cette évolution en rythme de croisière.

Productivité de la main d’œuvre plus élevée

Côté charges opérationnelles, les grands troupeaux sont donc nettement plus coûteux en coût alimentaire et très légèrement en frais véto, frais d’élevage et reproduction. Ils sont aussi plus économes sur le poste paille, moins souvent utilisée dans ces élevages. Leurs coproduits viande sont aussi inférieurs, limitant les ventes aux seuls réformes et veaux. En revanche, la part des céréales et surtout les marges/ha des cultures sont supérieures.

Côté structure, les charges fixes, hors amortissement et frais financiers, sont inférieures de 6 €/1 000 L dans les grands troupeaux. Cet avantage est cependant consommé par les annuités plus lourdes de 14 € et des DPU moindres de 2 €/ 1 000 L. Au global, on compte donc des dépenses plus élevées de 16 €/1 000 L et des coproduits plus faibles de 4 €/1 000 L. Toutes ces observations incitent à la prudence. La performance économique aux 1 000 L produits est sensiblement inférieure chez les grands troupeaux. Mais, nombre d’entre eux ont évolué et investi, récemment. Une analyse en rythme de croisière devrait atténuer ce constat.

Par ailleurs, le gain sur la productivité de la main-d’œuvre est tel que chez ces derniers, le prix d’équilibre global est meilleur de 2 à 3 €/1 000L. Le résultat courant est aussi de plus de 3 000 €/UTH supérieur. La gestion d’un grand troupeau demande donc une approche économique globale avec des repères très différents. Les investissements, plus coûteux, doivent être dimensionnés au potentiel de l’exploitation et la conduite ne souffre aucun dérapage. Luc Mangelinck / CerFrance Ille-et-Vilaine

* Campagne 2012/2013


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