Traire les vaches au champ : néo ou rétro ? C’est ce que va essayer de mesurer la ferme expérimentale de Trévarez qui vient d’installer le premier robot de traite français aux champs.
Un robot de traite planté au milieu des champs. Le pari est osé. Techniquement d’abord car il s’agit d’une première en France et tout – ou presque – est à inventer. Politiquement ensuite quand on sait que la ferme de Trévarez a traîné pendant 15 ans une image biaisée du tout herbe.
Simplification du travail…
En présentant le robot de traite installé sur les montagnes de Laz, André Sergent, président de la Chambre d’agriculture du Finistère, prend d’ailleurs toutes les précautions : « Il n’y a pas un modèle, mais des modèles ». Autrement dit, traire les vaches au champ n’a rien à voir avec l’image passéiste de la fermière assise sur un trépied, le seau serré entre les jambes. « Il faut que cette recherche sur robot et pâturage soit transposable dans les exploitations », poursuit Alain Hindré, président du pôle herbivore, qui ne perd pas de vue deux axes de travail tracés par la Chambre régionale : « revenu et travail. Et nous nous engageons à donner les chiffres ».
… et revenu
Des chiffres justement, il y en a déjà quelques-uns. Le premier, c’est le montant supplémentaire de l’investissement : + 95 000 € pour ce robot de traite monté sur remorque par rapport à ce qu’aurait coûté son installation dans un bâtiment existant. « Il faut compter entre 30 et 40 % de plus », calibrent les ingénieurs Chambre qui, dans l’autre côté de la balance, mettent le coût alimentaire de 25 €/1 000 L permis pendant 5 mois par une ration d’herbe en plat unique.
« Il faut aussi tenir compte des capacités de stockage en moins que nécessite ce système fourrager », complète Rémy Espinasse, responsable du pôle herbivore. Compter aussi le travail en moins pour l’alimentation du troupeau, le curage de la stabulation, etc. Enfin, prendre en compte un élément moins chiffrable que d’aucuns verront comme positif et d’autres négatif : travailler en plein air peut être perçu comme une bénédiction du ciel ou comme une punition divine quand les nuages déversent tout leur saoul sur les hauteurs des Montagnes Noires qui boivent 1 300 mm (an) de pluie.
22 à 25 kg de lait
Les 60 vaches sont arrivées dans les « estives » le 13 mai. Elles y resteront 5 mois. Le troupeau en conversion bio a accès à 21,5 ha de pâturage, avec un système de paddock jour-nuit et fil avant. Pour passer d’un bloc de parcelles à l’autre, les vaches sont obligées de passer par la case robot de traite. La distribution de 1 kg de céréale attire les vaches vers la stalle, sans compter que leur nature grégaire les conduit à suivre les meneuses. La distance maximale à parcourir est de 800 m (des expériences danoises ont montré qu’avec une distance de 1,2 km, les vaches revenaient 2 fois par jour). Les premiers jours, les vaches passaient en moyenne 1,5 fois au robot de traite. Au 5 juin, le rythme était de 1,9 passage/jour. Les premières observations montrent qu’entre minuit et 4 h du matin, peu de vaches se font traire. Le soir, les premières arrivent vers 17 h.
Faire de l’herbe un atout
Tous ces aspects seront finement étudiés. « L’objectif est de proposer des itinéraires techniques en favorisant le pâturage », résume Pascal Le Cœur, ingénieur responsable de la station de Trévarez. Et de citer le rapport du coût alimentaire bien connu : 1/4/15. À savoir quand un kg d’herbe pâturée coûte 1 €, le fourrage conservé coûte 4 € et le concentré 15 €. Ce rapport était de 1/3/8, il y a quelques années. Avec son climat favorable à l’herbe, la Bretagne – surtout à l’ouest – a donc une belle carte économique à jouer avec le pâturage. C’est le juste retour des arrosages réguliers d’une région qui ne veut pas – ne doit pas – oublier sa vocation herbagère. Didier Le Du