Bleues, vertes, rouges, roses, oranges ou blanches, les 150 variétés anciennes de tomates colorent les serres de Valérie Hercouët, à Languidic (56) et les étals des marchés voisins.
Leurs couleurs bigarrées et leurs formes improbables suscitent l’intérêt des passants, sur le marché d’Hennebont (56). Quel goût ont-elles ? Quelles sont leurs origines ? Sont-elles adaptées à la région ? Autant de questions que l’on peut entendre devant les étals où Valérie Hercouët présente ses légumes depuis deux ans. En été seulement, car les plants des 150 variétés anciennes qui se côtoient, sous les serres de Languidic, prennent le temps de produire. « Le rendement n’est pas ma priorité », justifie la maraîchère. « Elles donnent toutes suffisamment ».
La sélection s’opère en fonction de la facilité de taille, de la résistance du plant et de la saveur, bien sûr. « En fait, mon activité principale, c’est la vente de plants, au printemps. Je goûte les fruits des nouvelles variétés, dont je me suis procuré des graines, directement dans la serre ou, éventuellement, cuisinées ou en soupe. C’est important pour pouvoir conseiller le client sur les marchés, au printemps suivant, avant les plantations ». Les apparences sont parfois trompeuses. Elle se souvient d’une jolie petite tomate rouge, immangeable d’amertume. Ses graines n’ont pas été conservées.
[caption id= »attachment_6572″ align= »aligncenter » width= »300″] Valérie Hercouët dans sa serre de Languidic présente une petite nouvelle : l’indigo rose, originaire des États-Unis.[/caption]
Echanges de graines ou de plants
« C’est en effectuant un stage préparatoire à mon installation, en 2010, chez une maraîchère proche de la retraite, que l’idée a germé », poursuit l’ancienne laborantine. « Elle cultivait des variétés anciennes de légumes et m’a légué des graines à mon installation ». La gamme a été étoffée par des achats sur catalogue, chez des collectionneurs et par des échanges avec des collègues lors de foires aux plantes. Aujourd’hui, les Jardins de Kerhan, à Languidic, abritent l’une des plus belles collections de variétés de tomates non hybrides en Bretagne. Qu’elles soient originaires des pays de l’Est comme la Noire de Crimée, d’Amérique comme la Joie de la table ou la Giola della Mensa, elles ont toutes leur nom affiché sur une étiquette collée sur leur pied. Et même la Money Maker, originaire – cela ne s’invente pas – des États-Unis. Une forte productrice…. L’Olirose de Saint-Domingue est sa préférée, sucrée, parfumée et de couleur rose mat.
Classées par couleur sur l’étal
Au printemps, Valérie propose ses plants sur quatre marchés de la région de Lorient et sur les foires aux plantes comme celle, réputée, de Josselin. « Je vend aussi en direct, à la serre, de 17 à 19 heures, en semaine, pendant deux mois ». Toutes les variétés sont au même prix. « Elles me demandent toutes le même travail ». Pour les tomates, il faut attendre le mois de juillet, sur le marché d’Hennebont. Là encore, le prix ne dépend pas de la variété. « Elles sont toutes à 4 €/kg ». Cueillies à maturité, tous les mercredis, veille du marché, elles sont classées par couleur sur l’étal. Interdiction d’apposer la mention « variété ancienne » sur les cagettes. « Pour les plants, c’est autorisé », s’amuse-t-elle. Les légumes ne sont pas vendus en direct, à la ferme. « Le site est trop excentré, entre Lorient et Auray. Les clients ne se déplaceront pas pour acheter un kilo de tomates ».
Longtemps considérées comme vénéneuses en Europe
En 1519, Hermann Cortès découvre la tomate dans le Golfe du Mexique. Consommée depuis fort longtemps par les Aztèques, elle pousse alors à l’état sauvage. De nos jours, il existe encore 9 variétés de tomates sauvages, dont la tomate « groseille », proche de notre tomate cerise. Son nom indien « tomatl » est immédiatement adopté par les conquistadors.
Au XVIIe siècle, les tomates sont cultivées et consommées en Europe par les Espagnols et les Italiens uniquement. Ces derniers les surnomment « pommes d’or ». Vers 1750, les tomates débarquent enfin en Provence, mais ce n’est qu’en 1775 que les parisiens les découvrent sur les étals des primeurs. Longtemps considérées comme vénéneuses, elles sont utilisées comme plantes d’ornement. Se rendant compte de leur erreur, les français la qualifient alors de « pommes d’amour » ! A la fin du XIXe siècle, ce sont les Européens qui introduisent les premières espèces améliorées de tomates en Amérique du Nord.
Aubergines blanches et rouges
Les 900 m2 de serres abritent aussi des variétés de poivrons, de piments et d’aubergines. Toutes aussi anciennes. Blanches et rouges pour les aubergines, de Turquie ou d’ailleurs. « Si la variété a du goût, qu’elle est facile à cuisiner, je vends les plants l’année suivante, comme pour les tomates ». La maraîchère produit aussi des plantes aromatiques et des fruits rouges : fraises, framboises, cassis, mirabelles… sur les sept hectares de la ferme. Elle gère, en parallèle, des gîtes ruraux : les Gîtes de Kerhan, d’anciens bâtiments des XVIIe et XVIIIe siècles, restaurés dans le respect de l’habitat et de l’environnement. Bernard Laurent