Les grands enjeux de l’évolution agricole

pierre-bihan-poudec-producteur-legume-evolution-agricole - Illustration Les grands enjeux de l’évolution agricole

Son métier de producteur de légumes et son parcours d’élu local et de responsable professionnel, en tant qu’ancien président de la Sica de Saint-Pol-de-Léon (29), a permis à Pierre Bihan-Poudec  de cerner et de décrypter l’économie par l’agriculture. Le 13 juin, il a présenté sa vision de l’avenir lors de l’assemblée générale de Terre de Saint-Malo.

Selon vous, trois lignes vont influencer l’agriculture de demain. Et ces données seront dictées par des décisions mondiales…

Pierre Bihan-Poudec : L’agriculture de demain devra en effet s’adapter aux exigences mondiales. La démographie, tout d’abord. Avec 232 000  habitants de plus par jour — soit l’équivalent de la ville de Rennes ou du département du Finistère en trois jours —  le monde pourra t-il demain continuer à nourrir la planète alors que les stocks mondiaux de blé de report sont à leur plus bas niveau, nous mettant à la merci des aléas climatiques ? Ensuite, vient le débat des OGM. Ils seront l’arme de demain, pour assurer la sécurité d’approvisionnement alimentaire. Ils sont produits sur 175 millions ha dans le monde, dont 175 000  ha en Europe. Et en France ? C’est une question qui inquiète beaucoup mais notre défi, ne n’oublions pas, est de garder notre potentiel de production. Dernier point : l’énergie. L’augmentation du prix brut du pétrole assure toujours la rentabilité de l’exploitation des gisements. Mais on sent se redessiner une nouvelle croissance dans le monde. Les tensions sur l’énergie vont donc renaître. Il faut se préparer à aller vers de nouvelles énergies. L’agro-carburant peut être une issue intéressante pour nos filières, marquant un changement total de l’échiquier agricole.

Mais dans le quotidien agricole, on se place plus à l’échelle de l’Europe que vous qualifiez de mi-ange, mi-démon. Pouvez-vous en dire plus ?

Pierre Bihan-Poudec : On ne peut regarder le développement qu’a connu la Bretagne durant des années 60 à 90 qu’au travers de l’Europe. La seule politique commune mise en place est la Pac, en 92. Tant qu’il n’y a pas eu de monnaie commune, l’Europe a perdu de la compétitivité, en traversant des années de crise et de nombreuses dévaluations. L’euro est indiscutablement pour moi la plus belle réalisation de l’Europe. Il n’y avait plus de surprise du taux de change quand on exportait la marchandise bretonne. C’est le côté ange. Mais tant que tous les pays n’auront pas adhéré à la monnaie commune, l’achèvement de l’Europe ne sera pas terminé… Aujourd’hui, on est confronté en plus à deux menaces : le dumping social et le défaut d’harmonisation en matière réglementaire. L’Europe impose une règle commune mais chaque État membre est libre de l’appliquer comme il l’entend. À cela s’ajoute le zèle français  qui nous rend victime. C’est pour moi le côté démon. Ces deux points sont à résoudre rapidement pour maintenir la production agricole bretonne et française.

L’Europe peut sembler loin pour ceux qui ne sont pas allés à Bruxelles autant de fois que vous. Quelle y est la place de la Bretagne ?

Pierre Bihan-Poudec : Certes, mais les choses ont évolué. Auparavant, le pouvoir important de la Commission européenne, où les membres sont nommés à vie, et même parfois au-delà, des ombres planent toujours dans les couloirs, était difficile à combattre… Ce pouvoir est aujourd’hui compensé par la co-décision avec le Parlement dont les députés, élus tous les cinq ans, sont plus ouverts pour nous rencontrer. Si la Bretagne est éloignée de Bruxelles, la structuration doit se faire au niveau européen. Depuis 30 ans, le lobbying s’est mis en place et la Bretagne y est représentée avec Breiz Europe. Une nécessité et un gage redoutable d’efficacité : la prise de rendez-vous est devenue plus facile. L’Europe va dans le sens de l’Histoire, mais elle doit en prendre le bon sens. Pour un meilleur fonctionnement, tous les pays fédérés devraient avoir les mêmes règles, les États membres devraient abandonner leur souveraineté. Mais les États-Unis ne se sont pas créés en un jour. Alors, à nous de lever les freins qui nous empêchent d’avancer. Propos recueillis par Carole David


Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article