En Côtes d’Armor, les accidents de la route impliquant des tracteurs ou des engins agricoles ont fait, entre 2004 et 2012, 56 victimes dont 9 morts. Une réalité statistique qui a décidé les services préfectoraux du département et Groupama Loire Bretagne à s’associer pour mettre en œuvre une vaste opération de sensibilisation à cette accidentologie spécifique.
« Le témoignage de Jean Louis Hervé (lire ci-contre) est édifiant, affirme Christophe Hirrien, conseiller Prévention chez Groupama. Même en prenant les précautions d’usage, il suffit de très peu de chose pour provoquer un accident aux conséquences parfois dramatiques. C’est pourquoi, en partenariat avec la préfecture des Côtes d’Armor, Groupama Loire Bretagne va déployer plusieurs actions au cours de l’année afin d’alerter le grand public et les agriculteurs sur les dangers liés à la circulation des tracteurs et du matériel agricole sur le réseau routier ».
Deux axes principaux ont été retenus par la préfecture et l’assureur pour mener ces actions à bien : d’une part un plan de communication et, de l’autre, le renforcement des opérations préventives sur le terrain. « Bien entendu, poursuit Christophe Hirrien, nous maintenons l’organisation de l’opération – 10 de conduite rurale – dans les lycées agricoles avec nos partenaires habituels (Total, le constructeur Class et la Police Nationale). Depuis quarante ans, « 10 de conduite rurale » nous permet, tout en conciliant théorie et pratique, de toucher des jeunes en formation et de les aider à mieux appréhender la conduite de ces engins sur route ainsi que la législation à respecter.
Dans le même ordre d’idée, nous avons proposé pendant les Terralies de Saint-Brieuc (23,24 et 25 mai 2014) la mise en scène de situations dangereuses comme le « Tourner à gauche ». Sur le plan de la communication, des questionnaires sont adressés aux Cuma pour mieux comprendre comment elles prennent en compte l’aspect sécurité routière dans la gestion de leur personnel ou de leur matériel. Enfin, nous recueillons des témoignages comme celui de Jean-Louis Hervé pour rappeler que ce type d’accident, même si l’on est prudent, n’arrive pas qu’aux autres ! »
Objectifs affichés de ces actions : sensibiliser à la fois les professionnels du monde agricole, mais également les automobilistes aux multiples facteurs de risques qui, en se cumulant, finissent par provoquer ces accidents. « Commençons par quelques conseils de prudence à l’attention du grand public. Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, il convient d’insister sur deux points : la vitesse et la signalisation. Un engin agricole se déplace entre 25 et 40 km/h quand un véhicule de tourisme roule à 90 km/h. Avec un tel écart, la règle d’or, c’est l’anticipation. On doit ralentir pour mieux envisager le dépassement d’un tracteur, mais aussi se donner les moyens de s’arrêter en cas de nécessité. Rappelons que les engins comme les convois agricoles disposent d’une signalisation spécifique pour être bien vus. Encore faut-il y être attentif ! Soyez donc très vigilants : les trois quarts des victimes graves (tuées ou hospitalisées) dans un accident impliquant un engin agricole se trouvent être le conducteur ou les passagers du véhicule particulier ou du deux roues ! »
Du côté des agriculteurs, la vigilance reste également de mise. « Pour être efficace, la signalisation de l’engin doit non seulement être en bon état, mais propre et bien entretenue. Un branchement défectueux, un peu de boue séchée, l’absence de feux reportés sur une rampe d’épandage sont autant de défauts à corriger avant de prendre la route. Le nettoyage réguliers des ces équipements et une vérification de leur bon fonctionnement sont recommandés. La qualité et la présence des systèmes de signalisation, notamment sur les équipements tractés, doit également faire l’objet de toutes les attentions lors de l’achat. Il n’est pas rare qu’une fois équipée de bras épandeurs, les feux de la tonne à lisier puissent se retrouver masqués.
Autre point important : ne pas se laisser piéger par l’habitude et rester prudent. Aux intersections ou lors d’un changement de direction, l’usage des rétroviseurs est primordial, sans oublier un contrôle direct des angles morts ! », conclut Christophe Hirrien. Texte et photos : Pierre-Yves Jouyaux pour Groupama
« Je n’ai rien vu venir »
Éleveur porcin à Ploëzal dans les Côtes d’armor, Jean-Louis Hervé a été victime d’un accident encore trop fréquent sur les routes de campagnes : une collision entre tracteur et véhicule particulier liée à un « tourner à gauche ». Son témoignage rappelle la nécessité d’être particulièrement vigilant à l’égard d’un ensemble agricole quand il se déplace sur la route.
Jean-Louis Hervé, 56 ans, se souviendra longtemps de ce matin d’avril 2012 : « Je n’ai rien vu venir dans mon rétroviseur et comme il n’y avait personne à venir en face, je me suis engagé pour traverser la départementale. C’est à ce moment là que la voiture s’est encastrée dans l’avant du tracteur… ». Un grand classique ! Trop grande différence de vitesse, manque de vigilance ou fatigue de l’automobiliste, habitude de l’exploitant qui chaque jour emprunte la même route à proximité de son exploitation, mauvaise visibilité, signalisation défectueuse… Un accident résulte le plus souvent d’une accumulation de causes qui, en s’additionnant, ne permettent plus à l’un des conducteurs impliqués (ou aux deux) d’accepter un fait extérieur supplémentaire. En l’occurrence et dans ce cas précis : le tracteur qui s’est déporté sur la gauche pour tourner. Comme si l’une des raisons de cet accident résidait dans l’excès de confiance accordée par l’automobiliste au conducteur du tracteur…
[caption id= »attachment_6031″ align= »aligncenter » width= »300″] Rencontre entre Jean Louis Hervé et Christophe Hirrien, conseiller Prévention Groupama. Depuis son accident en avril 2012, l’agriculteur le reconnaît : « je suis encore plus vigilant sur la propreté de mes feux et je regarde mes rétroviseurs deux fois plutôt qu’une avant de tourner à gauche ! »[/caption]
Ce jour là, Jean-Louis Hervé vient d’épandre du lisier sur une de ses parcelles. Problème : pour y accéder, il doit emprunter la Départementale 787 sur une distance d’environ 300 m. « Je revenais à vide. Avant de m’engager sur la départementale, j’ai pu constater qu’aucun véhicule n’arrivait sur ma gauche. J’ai remonté 300 m de côte et, avant de tourner à gauche, j’ai bien vérifié mon rétro, puis j’ai mis mon clignotant pour commencer à me déporter et prendre le chemin communal qui mène à la ferme. Je n’ai rien vu venir, c’est vous dire si la voiture devait arriver vite ! Le choc a été violent, replaçant le tracteur dans l’axe de la route. La voiture, elle, s’est soulevée, puis elle est retombée sur son côté gauche. C’était une grosse berline équipée d’airbags; heureusement pour son conducteur, sans quoi je ne sais pas s’il s’en était sorti indemne ! Il était choqué, j’ai dû l’aider à sortir de son véhicule. Sa voiture était fichue et le bloc moteur de mon tracteur, coupé en deux… Les masses de contre poids situées à l’avant ont même été projetées sur la route. Heureusement qu’il n’y avait personne à venir en face ! »