Crainte de manquer de lait bio

lait-bio-volume - Illustration Crainte de manquer de lait bio

Trop peu de conversions, enjeu des transmissions des élevages laitiers bio… Les acteurs appréhendent un manque de volumes, alors que les produits laitiers bio attirent de plus en plus les consommateurs.

Si les volumes en lait conventionnel semblent vouloir sur cette fin d’année dépasser la demande, en production biologique, la crainte actuelle est plutôt de manquer. Proche des 500 millions de litres, la collecte bio ne représente que 2 % des volumes nationaux de lait. Mais le marché français des produits laitiers bio est en croissance constante, de 7 à 8 % par an depuis 2006-2007.

En 2012, la production avait été freinée

En 2009 et 2010, la Bretagne avait connu un boom des conversions dû à la crise du lait en conventionnel, avec en parallèle des prix élevés en bio, des aides à la conversion incitatives, ainsi qu’un cahier des charges bio européen plus souple (notamment sur la part d’ensilage, le nombre de traitements vétérinaires et la possibilité de conserver un atelier non-bio sur la même exploitation). Des volumes conséquents sont donc arrivés sur le marché autour de 2012 (après les deux ans de conversion). « Tous les acteurs se sont alors entendus pour freiner un peu la production, pour que le marché puisse digérer le surplus », notent des adhérents du groupement de producteurs Biolait qui concentre la collecte de 135 millions de  litres en 2014, livrés à une soixantaine de transformateurs.

Mais aujourd’hui, le discours change. « Certains producteurs arrêtent et le nombre de conversions n’est plus suffisant. Sans compter que 15 % des exploitations en bio vont être cédées sur 5 ans », souligne Pierre-Yves Orain, président d’Agrobio 35. Première question : ces exploitations seront-elles reprises ? Deuxième point : est-ce que ce sera en bio ? « Et la fin des quotas n’y changera rien, car les élevages laitiers bio sont dans des logiques d’autonomie », ajoute David Roy, technicien d’Agrobio 35. « On commence toutefois à sentir un frémissement de conversions », nuance-t-il. « La filière lait bio offre des perspectives aux producteurs. Il y aura des besoins élevés demain », précise Jean-Marie Poilvet, animateur développement de Biolait. « Alors qu’ils stagnent en conventionnel, les produits ultra-frais bio par exemple se développent. Nous affichons clairement l’objectif d’augmenter la production de lait bio sur 10 ans », note Bruno Pinel, producteur à Héric (44) et administrateur à Eurial qui traite 52 millions de  litres de lait bio produit sur 170 exploitations en Bretagne et Pays-de-la-Loire.

Un marché surtout français

Le marché du lait bio français, c’est principalement la France. Pour pallier la difficulté de la saisonnalité, encore plus marquée en bio du fait de la prédominance du pâturage, le groupe Eurial travaille actuellement sur la fabrication de poudre de lait bio, qui irait plutôt à l’export. Les signaux sont au vert, avec des cours moins volatils qu’en conventionnel, mais passer en bio n’est évidemment pas si simple. Surtout quand « l’éducation maïs » s’est ancrée dès les bancs de l’école. Mais c’est possible.

Jean-François Orain, éleveur à Saint-Malo-des-Trois-Fontaines (56), faisait partie de ces producteurs « intensifs » ; il cultivait dans les années 97-98, 40 ha de maïs, céréales et colza sur une SAU de 74 ha. Il s’est pourtant décidé à passer en bio en 2009, quand « les matières premières ne valaient plus rien et que le prix du lait s’est effondré. L’utilisation des produits phytosanitaires me posait aussi de plus en plus question, par rapport à la santé humaine et l’impact sur l’environnement. » « J’ai adhéré à un groupe Civam et 22 ha de prairies supplémentaires ont été semés. Je ne savais pas que j’avais de l’or dans les mains », sourit le producteur qui dispose de 65 ha accessibles pour ses désormais 50 VL. Le coût alimentaire est passé de 115 € à 40 €/1 000 L vendus, avec arrêt du maïs, et les frais vétérinaires ont été abaissés en dessous de 20 €/UGB lait. Aucun regret donc pour l’éleveur qui affiche un EBE lait de 95 000 € sur sa troisième année en bio.

Un travail différent

« On ne gagne pas forcément en temps de travail, mais il est différent, avec plus de suivi du troupeau, du pâturage et des cultures », précisent les producteurs d’un groupe bio SemAgri du Morbihan. Une des craintes des éleveurs vis-à-vis du bio est la gestion sanitaire. « Ce n’est finalement pas une contrainte. Trois phases de traitements sont possibles/VL/an, avec des délais d’attente doubles. Mais surtout, les animaux étant moins poussés tombent moins malades. » L’autonomie est par contre à viser pour atteindre une rentabilité – les correcteurs coûtant entre 800 et 1 000 €/t -, ce qui peut entraîner de fortes modifications du système. Il est plus simple de passer en bio quand le parcellaire est groupé et déjà bien herbager… Autre gage de réussite pour une conversion : « Le groupe autour qui rassure, montre que c’est possible. » Agnès Cussonneau

L’avis de Guillaume Michel, Animateur technique productions animales au Gab d’Armor

Les conversions en bio renforcent la plupart du temps l’efficacité économique via une meilleure valorisation du lait et des économies sur les coûts, alimentaires notamment. Toutefois, la conversion n’améliore pas des situations économiques tendues. Les deux années de conversion peuvent être difficiles, du fait de modifications de systèmes, de pratiques, avec des baisses de rendements sans valorisation supplémentaire… La conversion se prépare techniquement, mais aussi économiquement. Le passage d’un système très intensif à un système autonome et économe est possible, mais risqué ; l’accompagnement via d’autres agriculteurs bio, des conseillers spécialisés est indispensable.


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