Consommation de volaille en recul, perte de marchés suite à l’embargo russe et réorganisation de la filière pour pallier aux baisses des volumes en poulet export, le programme de rentrée est particulièrement chargé.
« Pour le moment, il y a un cruel manque de visibilité sur l’avenir de la filière avicole pour que des jeunes s’installent », livrent Gilles Le Pottier et Patrick Pageard, respectivement délégué général et président du Comité interprofessionnel de la dinde française (Cidef) lors d’une rencontre au Space à Rennes. L’état de la filière export contribue à cette incertitude sur l’avenir. Après l’annonce de Tilly, officiellement déclaré en cessation de paiement auprès du tribunal de commerce de Brest, son PDG Daniel Sauvaget affirme : « L’activité export ne peut pas être maintenue sans soutien financier. » Dans le même temps, le groupe Doux certifie qu’aujourd’hui l’activité poulet export est rentable – même sans restitutions – du fait de la baisse du prix de l’aliment et de la diminution de l’euro par rapport au dollar. « On ne sait pas qui il faut croire lorsque l’on parle de poulet export », livre un aviculteur.
Le marché russe représente 20 000 t pour la France
L’embargo russe s’ajoute à une situation déjà difficile. « Pour la seule filière avicole, le marché russe représente quelque 20 000 tonnes de produits et un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros. Ce sont essentiellement des produits industriels élaborés, comme la viande séparée mécaniquement (VSM), indispensables à l’équilibre matières dans nos filières. Ce volume important commercialisé par nos entreprises représente le quart des exportations européennes vers cette destination », annonce Gilles Le Pottier. Le marché national est déjà en phase d’adaptation et de réorganisation, suite à la baisse des volumes en poulet export. L’embargo décrété par la Russie tombe au plus mauvais moment. « Surtout que la filière volaille française se trouve déjà soumise à une concurrence forte des grands pays producteurs et exportateurs (Brésil, Thaïlande) sur la partie noble du poulet ou de la dinde (la poitrine).
La filière va non seulement être victime d’un manque à gagner, mais redoute aussi l’effet domino sur le prix des catégories de produits élaborés (VSM), ce qui pénalisera encore davantage la compétitivité de nos productions. » La solution pourrait être d’orienter ces produits vers d’autres pays acheteurs, « mais la décision russe affecte d’autres exportateurs (USA, Canada, Australie…) qui sont aussi à la recherche de nouveaux débouchés. Dans ce contexte, les États membres de l’UE doivent prendre des mesures spécifiques pour éviter que le surplus de marchandises ne perturbe le marché intérieur européen. »
Chiffre aussi inquiétant, la consommation de viande volaille est en recul de 1,3 % depuis le début de l’année. Selon le président du Cidef, la météo estivale n’a pas incité le consommateur à consommer les gammes « été ». Autre raison invoquée, un report vers la viande de porc dont les volumes ont été impactés par la fermeture du marché russe et réorientés vers le marché intérieur perturbant ainsi la commercialisation de la volaille et sans doute du bœuf. « Face à ces aléas complètement extérieurs à nos filières, l’appel au civisme devra être entendu, notamment en restauration collective, pour privilégier les produits français et éviter la « double peine » sur les prix. »
Recherche de compétitivité
La recherche de l’efficience économique est à la fois impérative et porteuse de progrès. La mise en place du plan « Néo-Dinde » soutenu par la filière, étudie de nouveaux itinéraires techniques. Il y a une réelle tendance à l’amélioration du parc de bâtiments depuis 5 ans grâce à l’effort de rénovation entrepris par les éleveurs. La dynamique des constructions neuves s’avère en revanche faible (1,8%). « Derrière ce constat, il faut tirer la sonnette d’alarme sur la compétitivité de la filière avicole face aux autres opérateurs européens qui viennent sur notre marché. »
Pour répondre aux enjeux économiques, la professionnalisation des intervenants, l’automatisation et la mécanisation de certaines tâches sont incontournables. « Le faible niveau de spécialisation des élevages en France (moins de 2 bâtiments par exploitation) laisse à penser que l’on pourrait accroître la taille des ateliers, avec à la clé, une meilleure compétitivité », conclut Patrick Pageard. Nicolas Goualan