Les producteurs légumiers sont touchés de plein fouet par un climat morose. La pénibilité du travail, bien souvent non rémunérée, exaspère et use les bras dans les champs. La Bretagne regorge cependant de solutions pour valoriser ce savoir-faire. Souvent à la pointe de l’innovation, avide de nouveautés, le Breton est têtu et ne baisse pas les bras. Les contraintes techniques, économiques, environnementales et même sociétales sont digérées par la filière, et fréquemment anticipées. C’est en avançant de la sorte que le producteur arrivera à vivre décemment de son labeur et attirera les jeunes en quête d’un métier plaisant et valorisant. Tout le monde sait que les agriculteurs de demain naissent dans les choux, c’est pourquoi la Bretagne à besoin de ses cultivateurs. Ce dossier illustre cette volonté de voir plus loin, avec des témoignages simples pour des solutions simples. Il est parfois difficile d’accepter que c’est le consommateur qui tire en partie les ficelles de ce climat difficile, mais après la pluie vient le beau temps. Fanch paranthoën[nextpage title= »Une mission de conseil envers nos clients »]
Au Gaec de Kerjosselin à Erdeven (56), la vente de la production légumière se fait en circuit court depuis plusieurs générations.
Il y a 100 ans, les aïeux de Thérèse et Hervé Belz troquaient l’oignon d’Erdeven dans cette station balnéaire du Sud-Morbihan. Quelques décennies plus tard, ces producteurs de légumes perpétuent toujours la vente locale, mais cette fois de façon sonnante et trébuchante. « Je me suis installé en 1978 en tant que producteur de tomates de plein champ. Ma production partait à la Sica de Plouhinec (56). Malheureusement, cette coopérative a fait faillite. Je me suis donc tourné vers la vente directe », raconte le producteur.
[caption id= »attachment_5025″ align= »aligncenter » width= »300″] Hervé et Thérèse Belz ont fait le choix de la vente directe depuis toujours.[/caption]
Profiter de l’été
La première difficulté rencontrée par Hervé, c’est l’approvisionnement de son étal. « Mes tomates arrivaient après la saison touristique. C’est pourquoi j’ai choisi de produire sous serre. Je trouve également un débouché chez Intermarché et chez Pomona. Ma clientèle particulière s’est ensuite développée, avec des pics de fréquentation lors de la saison estivale. Je pratique une lutte intégrée dans les serres, et je ne m’interdis pas l’utilisation de solutions chimiques, mais toujours de façon raisonnée. » Les clients sont d’ailleurs attentifs à ce mode de fonctionnement si on trouve les bons mots pour expliquer son travail.
Deux métiers en un
Accueillir les consommateurs sur son exploitation ne s’improvise pas. « Il faut apprécier le contact humain, savoir recevoir les gens. C’est une activité valorisante mais épuisante. Le client demande aussi une large gamme de produits, et sur les 37 références proposées tout au long de l’année, seuls les navets et les rutabagas ne sont pas produits ici. Il faut avoir une palette de légumes conséquente, ce qui demande une bonne gestion de la conservation ». Le Gaec est également sous contrat avec une grande surface pour l’approvisionnement en légumes frais, à hauteur de 50 % de volumes produits. « Même si les relations sont très bonnes, j’ai une préférence pour le débouché en vente directe. Nous avons avec nos clients une mission de conseil, sur la conservation des légumes, mais aussi sur les façons de les cuisiner. Le magasin de la ferme est un lieu d’échange, car les gens viennent ici pour avoir des produits de qualité et pour manger moins cher », résume la productrice.
[caption id= »attachment_5026″ align= »aligncenter » width= »300″] L’oignon d’Erdeven, la star de l’exploitation.[/caption]
Utiliser son terroir
Une certaine fierté se dégage des légumes du Gaec de Kerjosselin. « En vente directe, il est important d’utiliser les productions du terroir, le consommateur y est très attentif. Ainsi, nous produisons des choux de Lorient ou des oignons d’Erdeven. Chaque région a ses particularités, il faut savoir les utiliser. Nous travaillons ici dans un environnement particulier, très fréquenté l’été, avec un camping à côté de l’exploitation. Durant cette période, l’accueil est réalisé tous les jours, sauf le dimanche. Notre zone de chalandise est proche de la ferme : les acheteurs sont en moyenne à moins de 10 km. Il faut savoir travailler avec une clientèle fidèle, en étant physionomiste. Au niveau tarif, nos prix n’ont pas changé depuis le passage à l’euro », aime le rappeler Thérèse Belz. Sûr que les gourmands trouvent du plaisir à venir acheter les produits frais de la ferme, et le sympathique couple choie ses fidèles avec en prime un bouquet de persil offert à chaque client. Fanch Paranthoën[nextpage title= »Le Cardinal est au point « ]
Vincent Le Quellec cultive une nouvelle variété d’artichaut à Pleumeur-Gautier (22). Une nouveauté qui permettra de diversifier l’offre sur les marchés.
Après Camus et Castel, voici Cardinal. Le dernier né de l’OBS (Organisation bretonne de sélection) se cultive en Bretagne depuis cette année. 24 hectares sont répartis sur le Finistère et les Côtes d’Armor. Vincent Le Quellec, producteur de légumes à Pleumeur-Gautier (22), fait partie des pionniers de la variété. « Le Cardinal se remarque tout de suite dans les champs avec sa robe violette. Je lui trouve un goût plus sucré que les autres variétés, avec une taille identique à celle du Camus, mais avec un cœur plus important », note le jeune légumier. Cette production marginale aide la filière légume à visualiser le comportement de l’astéracée dans les champs.
[caption id= »attachment_5028″ align= »aligncenter » width= »300″] Vincent Le Quellec innove avec le développement d’un nouvel artichaut globuleux violet : le Cardinal.[/caption]
« Nous avons la volonté de diversifier toujours notre offre. Il faut segmenter la gamme pour ne pas rester sur un seul produit. Après des tests sur le Salambo, globuleux violet du Sud de la France, nous n’avons pas obtenu satisfaction, car un quart de l’artichaut restait vert. Les essais menés avec la variété de l’OBS ont par contre porté leurs fruits. Le Cardinal n’a pas posé de problèmes phytosanitaires, de tenue ou de conservation. 4 producteurs ont essayé cette variété avant de l’étendre sur 24 ha », note Xavier Thépaut, responsable du marché et responsable des produits chou-fleur et artichaut à l’UCPT (Union des coopératives de Paimpol et du Tréguier). Le grand avantage du Cardinal réside donc dans son intérêt visuel et dans l’attrait qu’apporte la nouveauté. Avec une ramification importante et une épaisseur de fond intéressante, le Cardinal séduit. Cette opportunité de développement de nouveaux marchés, les grossistes l’ont bien saisi.
Gros au Nord, petit au Sud
Les habitudes de consommation d’artichauts ne sont pas les mêmes suivant les régions. « Globalement, les populations méditerranéennes préfèrent les petits artichauts, à l’inverse des régions plus septentrionales qui penchent plutôt vers de gros légumes. Le Cardinal a un potentiel certain. Passé la Loire, il y a un potentiel commercial à explorer. Nous l’avons mesuré, avec la forte demande qu’il a suscitée. La prudence était de rigueur toutefois cette année, au vu des faibles volumes de marchandises disponibles. Nous avons communiqué nos surfaces aux négociants, afin d’attirer leur attention sur la pénurie possible du produit », poursuit Xavier Thépaut.
[caption id= »attachment_5027″ align= »aligncenter » width= »300″] Le Cardinal se fait remarquer par sa belle couleur violette.[/caption]
Maîtrise technique
L’itinéraire technique à suivre pour produire le Cardinal est maintenant maîtrisé. « La conduite de la culture est globalement identique aux autres artichauts. Le cardinal semble toutefois plus sensible à l’oïdium. Le pédoncule court, avec une tête mère collé à l’aile, est un défaut à corriger. Le travail de dédrageonnage, délicat cette année, a démarré début août pour se terminer fin septembre. Mais cette vigueur du Cardinal s’explique par des conditions météorologiques particulières, très propices au développement végétatif. Quand on fait le choix de l’innovation, il faut s’attendre à des besoins de main-d’œuvre plus important », résume Vincent Le Quellec.
7 années pour le développement d’une variété
L’OBS cherche, suite à des demandes émanant du terrain, à améliorer constamment le catalogue variétal de légumes. « Les producteurs recherchent toujours des variétés plus tolérantes aux maladies. Notre objectif premier pour la variété Cardinal était de développer des gros capitules avec de bonnes propriétés de conservation et de tolérance. En parallèle, la couleur de l’artichaut petit violet s’estompe suivant les conditions météorologiques et les dates de récolte. Le Cardinal arrive donc à point nommé sur le marché nouveau des globuleux violets en réponse à ces deux critères. Pour créer une nouvelle variété, nous utilisons des ressources génétiques collectées au niveau mondial. En fonction des objectifs définis avec les producteurs, nous choisissons les plantes à exploiter. Nous réalisons naturellement des croisements sexués pour recombiner les caractères génétiques.
La variabilité ainsi créée est exploitée ensuite pour la sélection des plantes adaptées aux conditions de culture et aux attentes du consommateur. Le Cardinal provient d’un croisement réalisé en 2007, les graines obtenues ont été semées l’année suivante. Nous avons choisi les meilleurs pieds. Une évaluation en réseau, chez des producteurs, au Caté et à l’OBS depuis 2010, a confirmé l’intérêt de la nouvelle variété. En parallèle, les drageons ont été multipliés pour aboutir aux premiers débouchés commerciaux en 2014 », précise Véronique Tremellat, directrice de l’OBS.
2015, année décisive
29 000 colis ont été livrés cette année, déclinés en 5 calibres. « Les petits volumes proposés en 2014 étaient dangereux dans la mesure où si nous étions dans l’incapacité pendant deux ou trois jours à livrer nos clients, un report sur le Camus ou le Castel se réalisait. En juin prochain, la mise en culture sera proposée à d’autres producteurs, et nous déciderons alors de la surface allouée. Nous tablons peut-être sur 100 ha de drageons pour vraiment entrer dans le marché. Nous n’avons fait qu’entamer le développement commercial, et la constance de la prochaine production assurera un déploiement à plus grande échelle », pense Xavier Thépaut.
Vincent Le Quellec garde à l’idée que la production passe par l’innovation. Associé dans un Gaec familial de 50 ha, assolé avec 27 hectares d’artichauts et 22 de chou-fleur, il s’intéresse aux dernières nouveautés de l’OBS, notamment un futur petit violet. « J’aime la nouveauté, mais les risques pour le producteur sont faibles au vu des petites surfaces consacrées à ces essais. J’ai pour habitude de garder 5 ans la culture d’artichaut sur mes parcelles ». Fanch Paranthoën[nextpage title= »Du chou Kale pour se diversifier »]
Eric Olier, producteur sur Trézilidé (29) a choisi d’inclure le chou Kale dans sa rotation.
Prince de Bretagne présente un nouveau chou sur le marché : le chou kale. Également appelé chou frisé. Après deux années d’essais en plein champ, les volumes de cette nouvelle crucifère seront plus importants sur cette campagne 2014/2015. Avec 8 producteurs sur le secteur de la Sica et 5 sur celui de l’UCPT, ce sont 5 ha qui lui sont consacrés soit 80 000 pieds. Une surface qui a quadruplé par rapport à l’année dernière.
Un itinéraire technique connu
Deux conditionnements sont proposés au consommateur : du vrac en 3 kg ou de la botte en 250 grammes. Très prisé par les consommateurs américains et connus dans les pays de l’Europe de l’Est et de l’Allemagne, le kale débarque en France et a de sérieux atouts organoleptiques. « C’est une culture gourmande en main-d’œuvre, qui demande 1 h de travail pour 5 cueilleurs pour réaliser 60 colis de 3 kg. Pour le conditionnement en botte, il faut compter le double », indique Eric Olier, producteur de légumes sur Trézilidé.
[caption id= »attachment_5029″ align= »aligncenter » width= »300″] Eric Olier se diversifie avec la production de chou kale.[/caption]
Les plantations de cette parcelle ont eu lieu les semaines 24 et 25, soit après le 15 juin. « Le rendement, cette année, se situera sans doute autour de 12 tonnes par hectares. C’est une culture où il faut savoir se rendre disponible, et c’est d’ailleurs ce qui m’a conduit à le produire. Les commandes tombent la veille, et il faut donc savoir laisser les autres chantiers de récolte pour se consacrer au ramassage du kale ». Le ramassage va se poursuivre jusqu’en décembre, suivant la demande des clients. En 2013, les demandes se sont envolées après les fêtes.
« Cette année, je démarre ma récolte uniquement avec du vrac pour ne pas abîmer la plante, afin de favoriser le conditionnement botte de 250 grammes. Il faut compter 10 à 11 feuilles pour constituer un bouquet d’un peu plus de 300 grammes de feuilles, car le kale perd rapidement du poids et doit toujours rester au-dessus des 250 grammes étiquetés. Il se conserve très bien en froid humide. Je compte tester la récolte au tapis en botte cette année, récolte qui n’est pas adaptée au vrac. C’est un légume qui résiste bien aux gelées, je trouve même que plus il fait froid, plus il est tendre. L’itinéraire technique est identique au chou : il faut être vigilant par rapport aux attaques de pucerons, et son système racinaire est semblable. Il faut toutefois prêter attention à la fumure de la culture suivante : le kale est une plante qui pompe beaucoup d’azote ».
Des tests sont en cours pour favoriser le conditionnement en botte, en jouant par exemple sur les densités plantées. La récolte de chou kale a démarré 15 jours plus tôt par apport à l’année dernière, soit aux environs de ce début septembre. « C’est la deuxième année que je produis du kale. La cagette de 3 kg est valorisée autour de 1,80 € contre 1,10 € pour la botte de 250 grammes. »
Histoire de chou
Le chou frisé ne pousse pas en pomme, il appartient au groupe Acephala (signifiant « sans tête »). Il pousse sur des tiges blanchâtres fibreuses (jusqu’à 30 à 40 cm), et présente des feuilles, également fibreuses, très frisées d’un vert pâle au vert foncé. Il résiste à des températures de −15 °C et n’apprécie pas les fortes chaleurs. Connu aujourd’hui de par le monde, il était auparavant considéré comme un légume d’hiver, et était surtout consommé en Allemagne, Écosse, Pays-Bas et Scandinavie. Le chou frisé est le premier à avoir été cultivé, bien avant le chou pommé. Légume bien connu des tables romaines, c’était un aliment de base au Moyen-Âge. Les Anglais l’ont importé en Amérique au XVIIe siècle.
Appréciable dans la rotation
Ce chou, que certains anciens appelaient « chou à lapin », entretient les espoirs de développement de marché : « Vu comment le produit est attendu cette année sur les étals de supermarché, je suis confiant pour cette campagne. J’apprécie aussi le kale pour la simplicité de ramassage et pour sa récolte physiquement moins éprouvante que le chou », conclut le légumier. Fanch Paranthoën[nextpage title= »Un congrès international pour le chou-fleur « ]
La cité Saint-Politaine s’apprête à recevoir le congrès international sur le chou-fleur les 10 et 11 décembre prochain. Ces deux journées, dédiées à la crucifère, seront l’occasion de faire le point sur les dernières innovations de la filière.
La première journée traitera de sujets économiques autour du légume : sa place dans l’organisation légumière ainsi qu’un panorama de la production européenne. Une table ronde apportera des réponses aux questions de distribution ainsi que de la situation du marché et de la consommation.
[caption id= »attachment_5031″ align= »aligncenter » width= »300″] Chou-fleur.[/caption]
Les questions techniques ne seront pas en reste : la maîtrise de l’azote, pour des conduites en cycle long ou court, ainsi que l’outil Pilazo seront abordés. Les aspects de la protection de la culture amèneront vers des présentations sur la gestion de l’enherbement, des contraintes et des solutions techniques contre la mouche du chou ou encore la prévision des risques contre le Mycosphaërella. Les apports de la création variétale concluront cette journée. Le deuxième jour permettra de visiter le marché au cadran Prince de Bretagne, suivi par un chantier de récolte. Le congrès fera la part belle à la recherche en proposant la visite du Caté et la présentation des actions de la station Terre d’essais.[nextpage title= »Rechercher de la plus-value par des produits atypiques »]
Gilles Le Bihan assure son revenu avec 90 % de sa production en tomate. Il a choisi de multiplier les produits pour casser la monotonie et pour consolider ses recettes.
Chez Gilles Le Bihan à Plouénan (29), la serre regorge de trésors. La production principale reste la tomate. Mais ce ne sont pas moins de 20 variétés que l’exploitant a choisi de produire. 10 % de ses revenus proviennent de la culture de mini-poivrons, poivrons longs ramiro et futurs légumes présents sur les étals de demain.
Viva España
Gilles Le Bihan a découvert les mini-poivrons voilà 6 ans lors d’un voyage en Espagne. « J’ai tout de suite été surpris par le goût du produit, plus sucré et plus doux qu’un poivron classique », explique le producteur. L’année suivant cette découverte, la station expérimentale du Caté a travaillé sur le produit, tant sur l’aspect variétal que sur les densités de plants en production. « En 2010, un autre producteur de Cléder (29) s’est aussi lancé dans la production. Nous sommes aujourd’hui 8 serristes à faire pousser le mini-légume, avec une surface totale de 8 000 m² ».
[caption id= »attachment_5032″ align= »aligncenter » width= »300″] Gilles Le Bihan.[/caption]
Les plants sont reçus au début du mois de janvier pour commencer à produire à la fin mars, avec un pic de production entre mi-avril et mi-mai. Après un creux de production, la récolte bat de nouveau son plein en juillet, stagne en août pour repartir en septembre et se terminer en octobre. « La difficulté de la production réside dans la gestion de rendement en dents de scie. Nous travaillons toujours avec le Caté pour connaître les raisons de ces variations, peut-être dues à la lumière ou à la température. Malgré tous les efforts marketing permis par Prince de Bretagne, et quand une GMS met 15 jours à mettre en place le produit en supermarché, il ne faut tomber en période creuse de production. Les concurrents allemands ou hollandais arrivent à écrêter les volumes livrés car ils sont plus nombreux. Le mini-poivron reste toutefois une culture simple à conduire. Il est sensible au puceron, et nous le conduisons comme une tomate. Nous devons, dans tous les cas, travailler à une conduite spécifique, notamment sur les besoins en température du fruit. »
[caption id= »attachment_5033″ align= »aligncenter » width= »200″] La récolte, assez simple, est ensuite conditionnée en 3 kg ou 200 g.[/caption]
Trois couleurs
Conditionnés en plateau de 3 kg ou par 200 grammes, les petits poivrons mesurent entre 5 et 9 cm. « Les trois couleurs sont toujours présentées dans l’emballage, pour un bon effet visuel. Ce choix est aussi contraignant au niveau de la production, sachant que le mini-poivron rouge produit deux fois moins vite que les autres. Une vente en vrac ou par couleur déstabiliserait toute notre organisation, et nous ne serions pas toujours à même de répondre avec une couleur spécifique. » Un mini-poivron vert existe, c’est en fait un fruit récolté avant maturité. Il n’apporte cependant pas de nouveauté gustative par rapport à un poivron standard.
Répondre aux évolutions réglementaires avec le marketing
La loi de transition énergétique interdira à partir de 2016 les sacs à usage unique, sauf les sacs biosourcés et compostables. « Chaque producteur doit être conscient de ce changement. Les sacs plastiques coûtent aux GMS pour l’emballage des fruits et légumes. À nous de trouver les conditionnements qui assureront la fraîcheur des produits, la bonne portion avec des atouts marketing. »
Une organisation spécifique
Se diversifier dans sa production demande souvent une organisation à part entière. « Je cherche toujours à travailler des produits haut de gamme, car les consommateurs sont demandeurs de qualité et de variétés. J’ai choisi de sortir en partie d’un marché de masse avec des marchandises ultra concurrencées par les pays méditerranéens, comme l’Espagne, ou les Pays-Bas qui engendrent des prix bas, comme la tomate grappe, vrac ou cerise. Il faut dans son entreprise accepter des organisations spécifiques à la culture et ne pas avoir peur de remettre en cause le travail. Coup de chance, le mini-poivron demande moins de main-d’œuvre que la tomate. Cela fait maintenant 6 ans que nous travaillons sur ce créneau, ce qui est long. Je reste toutefois persuadé que le produit va marcher. Il faut garder un temps d’avance. C’est pourquoi je travaille encore et toujours sur d’autres variétés et espèces qui sont différentes et qui ont des qualités gustatives. Ce travail me passionne et a un autre avantage : il évite la routine », conclut-il. Sécuriser son revenu, en recherchant une plus-value sur des produits atypiques peut être une piste à développer pour sécuriser son revenu. Fanch Paranthoën[nextpage title= »Le bio dégage de la marge »]
À l’EARL Tartivel à Pludual (22), on produit du chou-fleur biologique à grande échelle de père en fils, à la recherche d’une meilleure valorisation de la production.
L’agriculture biologique est menée depuis de nombreuses années sur les terres de Kerguyomarc’h, en Pludual (22). « Mes parents exploitaient 80 ha en conventionnel, et mon père a fait le choix de la conversion en agriculture biologique dans les années 90, en dédiant 25 ha de l’exploitation à cette conduite. C’est ensuite la totalité de l’exploitation qui est passée petit à petit à ce mode de production. Il a fait ce choix dans un contexte difficile ou les choux-fleurs étaient détruits plutôt que payés. Son itinéraire technique était déjà raisonné, il a donc décidé de franchir le pas. J’ai grandi pour ma part dans ce contexte, et à ma sortie de parcours scolaire, j’ai dû présenter les chiffres de ma future exploitation. Je n’avais alors pas à rougir. J’étais le seul Costarmoricain de la promotion à me lancer dans le bio », explique Jean-François Tartivel.
[caption id= »attachment_5034″ align= »aligncenter » width= »300″] Jean François Tartivel et son frère Fabien, producteurs à Pludual (22), sont passionnés par la culture bio du chou-fleur.[/caption]
Ce jeune exploitant aime à rappeler sa vision écologique de l’agriculture, et en particulier des écosystèmes qui se mettent en place dans ses champs. Lui s’est lancé directement en bio en montant 5 000 m² de serres sur 6,5 ha cédés par son père. Il a augmenté ses surfaces par la conversion en bio de 30 ha. « Les serres alimentent le magasin de vente directe de l’exploitation en petits légumes, avec une gamme large d’une trentaine de références. La vente directe oblige à diversifier son offre ». La question de cette reconversion réussie trouve sa réponse naturellement : « Je suis passé à cette production biologique car, avec une bonne maîtrise de la culture, on produit aussi bien en valorisant mieux ces marchandises ».
Les bons résultats techniques sont obtenus en récoltant des choux de taille moyenne, afin qu’ils soient toujours protégés par les feuilles. La marchandise est alors bien blanche. « Les attaques de chenilles sont fréquentes cette année, mais ce n’est pas spécifique aux cultures biologiques puisque les choux conventionnels sont aussi concernés. Dans ce cas, je remarque que la chenille se déplace peu de plants en plants, et ne se développe seulement que sur quelques foyers », estime Jean-François. Sans réelles comparaisons possibles entre producteurs de choux biologiques, les résultats techniques sont aussi bons qu’une conduite classique.
Valorisation des choux
Cette valorisation s’illustre aussi dans la production de choux-fleurs. L’étrogneuse permet au producteur de produire de la fleurette. « Je livre les collectivités en fleurette de chou ainsi que chez Bourguignon, grossiste en fruits et légumes à Trémuson (22).
[caption id= »attachment_5035″ align= »aligncenter » width= »300″] L’étrogneuse à chou assure le débouché en fleurette.[/caption]
Ce procédé m’assure un débouché pour la totalité de ma production : quand le feuillage du chou ne passe pas en frais, mais que la pomme est de qualité, je la transforme en fleurette. Une vigilance doit cependant être apportée à la fraîcheur du produit, car il se conserve moins bien. Je récolte donc le soir pour une livraison au lendemain. L’étrogneuse a été achetée en Belgique, pour un coût de 10 000 €. Nous avons fait ce choix suite à une demande de Pronatura, qui nous avait sollicités pour ce type de produit. Au départ, nous produisions la fleurette avec un plantoir à bulbes, jusqu’à 12 tonnes par jour », se souvient-il.
Plusieurs circuits de distribution
La production de Jean-François Tartivel se vend à travers plusieurs circuits de distribution. Outre la vente à des grossistes ou à la Sarl Le Potager de Kerlouan, la compagne de l’exploitant anime les marchés de la région le lundi, mardi, jeudi et vendredi. Le magasin de la ferme est, quant à lui, ouvert le mercredi et le samedi matin, ainsi que le vendredi soir.
Garder son indépendance
Jean-François Tartivel a un contrat industriel de livraison avec Pronatura. « Cela me permet de sécuriser mon revenu. Quand les cours sont bas, je livre à un prix établi. J’approvisionne également le potager des Korrigans de Kerlouan (29). Produire en bio, c’est aussi bien sûr se dégager des marges plus importantes, même si les plants sont au départ plus chers. Il y a deux semaines, le cageot de 8 choux était rémunéré à 6,7 €, soit 83 centimes la tête. Cette semaine, je les valorise à plus de 1 € la tête entre 8 € et 8,5 € le colis de 8 choux. Il faut retirer de cela 1 € d’achat de cageot ».
La rotation des cultures de l’exploitation est également bien pensée. « Avec les choux-fleurs et la trentaine de petits légumes de la serre, je cultive aussi l’hiver du navet, des brocolis et du chou frisé. J’ai en culture de printemps du maïs et le 1,5 hectare de blé me produit le paillage nécessaire pour les tomates », conclut ce légumier plein de bon sens. Fanch Paranthoën