Avec un marché dynamique, la filière cidricole bretonne mise sur la création de vergers et l’agrandissement des ateliers de diversification pour répondre à la demande de la transformation.
L’obtention d’une Indication géographique protégée (IGP) « Cidre de Bretagne », en 1992, a reconnu et mis en valeur la production locale issue des vergers bretons, en évitant toute pomme de discorde avec notre région voisine, la Normandie. « Cette distinction régionale est un véritable atout pour la filière cidricole bretonne et un outil identitaire pour le consommateur », retrace Dominique Biche, conseiller cidricole à la Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor. La pomme fait partie intégrante de la culture et du paysage breton. Et jusque dans les années 1960, « une ferme bien plantée signifiait la présence d’arbres fruitiers, dont dépendait le montant du fermage », se remémore Jean-Marie Michel, producteur à Messac (35).
Professionnalisation de la filière
Il y a une trentaine d’années, l’économie de cueillette a fait place à la professionnalisation de la production. Les techniques ont évolué : les vergers traditionnels de plein-vent (arbres de haute tige) ont laissé la place à la conduite en basse tige, plus vite en fruit, plus productive et mécanisable.
Puissance du sol et impact variétal
C’est avec la connaissance des pratiques de ses aïeux, que Jean-Marie Michel s’est engagé dans la production de pommes à cidre, avec la cidrerie La fermière, en plantant 5,8 ha de pommiers, 5 ans avant son installation, en 1991. Et ce, dans les meilleures parcelles, une des clés de réussite du projet. « Une belle parcelle à maïs doit faire un bon verger », rappelle Dominique Biche. Mais cette décision, sur du long terme, « se réfléchit », insiste le producteur. Et de continuer intarissable et avec passion : « Le métier est technique. On apprend à tailler et à façonner un arbre, à faire grandir l’axe au détriment des charpentières, on le voit évoluer au fil des années… » Et si le verger produit dès la 2e année, « c’est à partir de la 5e année de plantation que l’on commence à couvrir les frais », explique le producteur. Car le coût de l’implantation est important, aux 750 à 1 000 scions/ha, à 4 € le plant, il faut rajouter le palissage, l’irrigation si besoin, la main-d’œuvre, l’amortissement du matériel et l’engazonnement. Le tout, estimé par Baptiste Le Roux, technicien de production à Agrial, « à 10 000 €/ha selon la variété et le sol. »
« Il faut trouver le bon porte-greffe adapté à son sol, pour produire des fruits et non du bois », décrit Jean-Marie Michel. Puis choisir des variétés de pommes douces et amères pour satisfaire les marchés de la cidrerie. « Ces dernières incitent aux choix de quelques variétés selon leurs qualités organoleptiques, la précocité, la conservation, le calibre, la résistance aux maladies », cite Baptiste Le Roux, via un contrat de 20 ans avec une garantie de prix sur 80 % de la production.
La production cidricole bretonne en chiffres
- 2 130 ha de verger basse tige (25 % du verger national)
- 1 000 emplois temps plein (dont 50 % dans la production)
- 55 producteurs fermiers, en vente directe
- 15 entreprises artisanales
- 2 coopératives détenant plus de 80 % du marché : Agrial (CSR Loïc raison, CCLF Écusson et Ets Guillet Kérisac) et les Celliers associés (Val de Rance)
- 42 % de la production nationale de la production de cidre taxée
Une mécanisation adaptée
En sus des charges d’implantation, « les traitements, la taille et la tonte, la récolte imposent du matériel spécifique », rappelle l’arboriculteur. Une surface minimum de 10 à 15 ha est alors requise pour amortir cette mécanisation. C’est une des raisons pour laquelle le producteur a implanté près de 12 ha de vergers sur ses 59 ha de SAU, qui lui assurent une récolte de 25 à 30 t les « petites années » à 60 t/ha en 2013. « Les 20 premières tonnes récoltées couvrent mes charges. À l’hectare, le produit dégagé est intéressant, mais il ne compte pas le temps passé à la récolte », déplore le producteur, qui mise sur le renouvellement du verger breton. Les premiers vergers basse-tige arrivent, en effet, en phase de maturité. Le recul actuel permet d’estimer une durée de vie de 30 ans et plus. Mais il nécessitera d’être renouvelé dans les prochaines années. Carole David
Contact :
Le groupe Agrial, pour le développement de ses marques bretonnes, recherche 150 ha de vergers basse tige. Pour tout renseignement, contacter Baptiste Le Roux (02 99 000 102)
L’avis de Gilles Barbé, Président Association cidricole bretonne
La filière est en plein développement, d’où des besoins en plantation et de renouvellement de vergers, que l’on estime à 100 ha/an pour les 5 prochaines années. C’est un engagement de longue durée qui immobilise des terres pour 30 ans. Mais les contrats avec les transformateurs – sur une durée de 15 ou 20 ans – permettent d’assurer des prix stables au niveau de la production (150 à 180 €/t) et de maintenir l’offre en adéquation avec la demande… Par contre, dès le départ du projet, la plantation doit être analysée avec l’expertise de techniciens spécialisés, tant au niveau de la localisation géographique, que des variétés implantées, en lien avec les demandes des transformateurs.
Depuis quelques années, la baisse de la demande du cidre traditionnel masquait le dynamisme du cidre bouché sur les marchés. Cette tendance s’est inversée depuis deux ans, avec une très bonne valorisation du marché (+ 2 % en volume et + 6 % en chiffre d’affaires), et l’arrivée de nouveautés (petits conditionnements, cidre rosé, cidre aromatisé…), dessinant un avenir très optimiste pour la filière cidricole.