Sa grande connaissance des produits, commençant par la sélection d’élevages et d’animaux vivants haut de gamme, est un plus. Éric Henry y ajoute son excellente technicité et ses idées originales qui font un effet bœuf.
Dans un métier qu’on pense parfois vieillissant, Éric Henry tranche. Son savoir-faire à seulement 23 ans étonne. Souhaitant dynamiser et apporter de la finesse à la boucherie-charcuterie, le jeune homme regorge d’idées nouvelles. Récent exemple de sa créativité, sa côte de bœuf maturée au pommeau et au foin pour laquelle il vient de recevoir un Coq d’or décerné par le Guide des Gourmands, bible des produits du terroir. « C’est devenu un produit phare de la boutique. La côte de bœuf mature pendant plusieurs semaines, enveloppée de foin. Le pommeau placé au cœur participe aussi à l’amélioration de la tendreté », explique Éric Henry. Cette préparation habille la viande d’atours champêtres et lui confère un subtil goût fumé et une saveur fruitée.
[caption id= »attachment_4754″ align= »aligncenter » width= »300″] Armé d’une grande dextérité et d’une excellente connaissance des muscles, Éric Henry met en valeur les pièces de viande.[/caption]
Maturation poussée jusqu’à huit semaines
Permettant la transformation du muscle en viande, la maturation, en atmosphère régulée, est une étape essentielle reposant sur le savoir-faire du boucher. Sous l’action de diverses enzymes, le muscle s’attendrit, le gras se diffuse. Puis, retournée périodiquement, la viande mûrit, acquiert sa flaveur. Chez Éric Henry, cette maturation est poussée jusqu’à six, voire huit semaines. « Des analyses sur l’ensemble de nos produits permettent de s’assurer de leur qualité sanitaire. »
[caption id= »attachment_4755″ align= »aligncenter » width= »225″] La côte de bœuf maturée au pommeau et au foin est devenue un produit phare de la boucherie Charnel.[/caption]
Éric Henry a construit sa vocation auprès de son grand-père qui était boucher de campagne. « Avec lui, j’ai appris à connaître le métier à partir de l’abattage de cochons dans les fermes. J’ai aussi alors rencontré de nombreux agriculteurs », explique le jeune homme qui a retenu cette filière par passion.
Une ambiance…
Lorsqu’il a créé son entreprise positionnée sur le haut de gamme, Éric Henry a imaginé la marque Charnel. « Cela rappelle la chair au sens propre, mais aussi le plaisir des sens au figuré. Cela fait également référence à une marque de luxe française. » Dans le magasin situé à Pleumeleuc (35), le ton est donné dès l’entrée. Ambiance moderne, murs noirs, marque Charnel qui se détache soulignée d’un liseré rouge sang. L’équipe est habillée de tabliers et polos noirs, les emballages de qualité sont estampillés « Charnel », le conseil culinaire est systématique… Un ensemble d’attentions que les clients apprécient, de plus en plus nombreux. Après l’incendie, vraisemblablement criminel, qui a ravagé en septembre dernier la première boucherie qu’il avait ouverte en 2013 à Plouha (22), le jeune homme ne se décourage pas et souhaite rouvrir une autre boutique.
L’une des clés de sa réussite est sans conteste sa capacité à dénicher des producteurs élevant des animaux de toute première qualité. « Je ne suis pas inscrit dans les démarches Label Rouge. Mais je visite systématiquement les élevages chez qui je m’approvisionne… L’alimentation doit être constituée d’herbe de qualité, de bonnes céréales. »
Un CV en or
Après l’obtention d’un BEP par alternance, dans une boucherie rennaise (chez Emmanuel Colleu) et au CFA de Ker Lann à Bruz (35), Éric Henry a collectionné les premiers prix de concours en 2009. Meilleur apprenti d’Ille-et-Vilaine, de Bretagne et de France, il remporte aussi le Championnat du monde en individuel et par équipe. « À ces niveaux, le geste et le rendement comptent, mais aussi la connaissance de l’élevage et l’appréciation des animaux vivants. Les candidats doivent maîtriser aussi bien la boucherie, que la charcuterie et la partie traiteur. » Participant ensuite à l’émission Meilleur Espoir de l’année sur M6, le jeune homme en sort vainqueur et se voit proposer une place chez Hugo Desnoyer, membre du jury. Pendant un an et demi, il apprend beaucoup auprès de ce grand boucher fournisseur de l’Élysée et des plus grandes tables parisiennes, et obtient son BP en juin 2011. Souhaitant revenir en Bretagne, Éric Henry ouvre sa 1re boutique en juillet 2013.
Des carcasses lourdes
En bovins, il découpe surtout des Blondes d’Aquitaine, mais aussi quelques Limousines et des Parthenaises. « Je recherche des carcasses lourdes, autour de 500 kg. La bête entière est travaillée », détaille-t-il, achetant par ailleurs des porcs élevés sur paille, des poulets jaunes des Landes, des agneaux de Lozère… À l’approche de Noël, ses vitrines se garnissent de poulardes du Patis, reconnues par les amateurs de bonne chère. Une volaille nourrie de maïs et de blé, mais aussi d’une vingtaine d’herbes différentes. « C’est important de connaître les éleveurs avec qui nous travaillons, pour pouvoir parler de nos produits aux clients. »
Lors de ses différentes expériences, le jeune boucher a appris à vendre tous les morceaux des animaux, selon les saisons, en faisant des offres certaines journées, en proposant des colis… Aujourd’hui, il va répondre à la demande d’un public plus jeune, et le faire entrer dans sa boutique, avec des offres de snacking (restauration rapide et nomade). Une nouvelle idée très tendance de ce jeune artisan qui vient de rejoindre la Confrérie des Compagnons du goût. Agnès Cussonneau