Indicateurs de prix non respectés, regroupement des producteurs insuffisant… L’inquiétude du passage vers la fin de quotas était palpable lors de la réunion lait organisée par la FDSEA et les JA 35.
Débutée par une réflexion sur le thème « producteur de lait demain », la réunion organisée par la FDSEA et les JA 35, le 18 novembre, à Rennes, s’est ensuite tournée vers des inquiétudes bien actuelles. À savoir certains transformateurs qui ne respectent pas les indicateurs de prix, alors qu’ils se sont engagés à le faire dans les contrats. « Nous avons peu de moyens d’agir juridiquement contre cela », expliquent les responsables professionnels qui devaient rencontrer le préfet sur ce sujet cette semaine.
« Des laiteries ne jouent pas le jeu des OP, l’État n’aide pas non plus leur structuration », regrette Benoît Champalaune, secrétaire général de la FDSEA 35. Pourtant, le besoin de regroupement des producteurs semble indispensable face à des industriels et une grande distribution qui se concentrent toujours davantage.
Les transformateurs décident
Produire plus de lait demain sera sans doute possible, en fonction des contraintes de son exploitation, mais ce sont bien les laiteries qui donneront le feu vert à partir du 1er avril prochain. Et elles demanderont aux producteurs des dossiers économiques bien calés. « On a une forme d’aliénation des producteurs français. Hormis le Canada peut-être, nous sommes le seul pays où les producteurs ne sont pas libres de produire ce qu’ils veulent, où les transformateurs décident, alors que nous assumons tous les risques. Cela mériterait un supplément au niveau du paiement du lait ! », observe Marcel Denieul, président de la Chambre d’agriculture 35, ajoutant, par ailleurs, que « les contrats ne nous sécurisent pas par rapport à la volatilité. »
Quelle durée ?
La question de la durée des contrats pose aussi question. « Il est difficile de se donner des perspectives avec des contrats de 5 ans, les banques sont frileuses également », note un producteur. « Certains éleveurs vont vouloir avant tout sécuriser leurs débouchés, d’autres refusent des contrats où ils seraient pieds et poings liés avec leur laiterie pendant 15 ans », ajoute Benoît Champalaune. Bien des points restent à définir sur les contrats, notamment leur transmissibilité et la question de l’apport total. Une autre incertitude reste en suspens : la transmission des exploitations. « Il faudra donner de la motivation aux jeunes pour que le renouvellement des producteurs se fasse. » Agnès Cussonneau
Des clés de lecture pour demain
La réunion a aussi été l’occasion de donner des clés de lecture économiques et techniques aux éleveurs laitiers de la FDSEA. Précisant que les prix d’équilibre sont très différents selon les exploitations, Christian Sicard, responsable du conseil entreprise au CER France Ille-et-Vilaine, est revenu sur les postes de dépenses les plus importants chez les producteurs laitiers. Le coût alimentaire arrive en 1re position, suivi des prélèvements privés et des charges de remboursement. « Pour faire mieux demain, il faudra d’abord améliorer l’existant, en identifiant ses marges de progrès et en saturant l’outil de production, tout en évitant les investissements trop lourds. »
Dans un contexte de revenus fluctuants d’une année sur l’autre, il faudra aussi apprendre à gérer différemment. « Les producteurs devront davantage programmer, anticiper les investissements. Les banques vont également demander de l’autofinancement et des garanties, la capacité à épargner devient importante. » Autre conseil : il faudra décider d’un cap et s’y tenir.
Directeur d’Eilyps, Hubert Deléon rappelle l’intérêt de travailler en groupes homogènes sur les coûts de production. Il évoque aussi la possibilité d’améliorer son prix de vente en réduisant les pénalités cellules notamment. « Il peut y avoir une différence de prix de 10 €/1 000 L, rien que sur la qualité. » Réduire l’âge au vêlage à 24 mois est une autre piste technique évoquée. « Il est de 28 mois en Prim’Holstein et de 30 mois en Normande et Montbéliarde. Un vêlage précoce permet d’économiser de la SFP, d’augmenter les marges brutes. 13 kg de lait produit par jour de vie pourraient être un objectif. » Une nutrition adaptée et la surveillance des critères santé sont d’autres pistes… Dans un univers plus complexe, l’agriculteur, « pilote » de son entreprise, ne pourra plus réussir seul demain.