Pour réussir une transmission, cédant et repreneur doivent être sur la même longueur d’ondes. Pour ce faire, une réflexion globale s’impose.
Tout cédant a pour objectif de valoriser son patrimoine professionnel, conforter le montant de sa retraite agricole, respecter l’égalité entre ses enfants, voir le travail d’une vie perdurer, et aussi de limiter ses impôts liés aux plus-values de cession. En face, les attentes du repreneur peuvent se résumer ainsi : « s’installer sur une exploitation viable, vivable et pérenne ». Réussir une transmission, c’est arriver à concilier ces deux demandes. Voilà pourquoi une transmission, tout comme une installation, se prépare sur du long terme afin de s’ouvrir toutes les possibilités d’adaptation au contexte agricole de la période.
Panorama des cessions
Dans les dix ans à venir, près de la moitié des exploitations vont être à transmettre en Bretagne, notamment celles en bovins viande. Seuls les producteurs de légumes, souvent plus jeunes, seront moins concernés par ce phénomène. Malgré une dynamique forte d’installations en Bretagne, toutes les exploitations ne trouveront pas de repreneur. Un certain nombre ira à l’agrandissement. La localisation, la cohérence de l’entreprise, l’état des investissements seront des critères décisifs pour une transmission en l’état ou en « appartements. » Ils détermineront également la valeur de l’entreprise.
Le coût à l’installation est de 300 000 € en moyenne (reprise + investissements de remise en état), mais avec des disparités suivant les départements et les productions. Les cédants vendent les bâtiments dans 80 % des cas ; les stocks, le cheptel dans tous les cas, les terres dans 25 % des cas. La maison d’habitation est également reprise dans la moitié des cas, mais dans le patrimoine privé du nouvel exploitant.
Un capital d’exploitation de plus en plus élevé
Les valeurs d’entreprise vont, quant à elles, du simple au triple. En production laitière de 450 € à 1 000 € par 1000 L. L’exploitation moyenne à transmettre produit entre 350 et 450 000 L de lait sur 70 à 100 ha. Son capital d’exploitation est de 850 à 1 000 € pour 1 000 L de lait, soit 200 à 240 000 € par UTH. Depuis 10 ans, le taux de rentabilité* moyen oscille dans une fourchette allant de 1,5 à 2,5 %.
Lors d’une transmission, la rentabilité d’entreprise est primordiale puisqu’elle sert de base à trois méthodes sur quatre utilisées pour déterminer la valeur d’entreprise. Sont également pris en compte des aspects structuraux. Un parcellaire groupé, une installation opérationnelle sont des atouts. À l’inverse, la localisation, en lien avec la pression environnementale et urbaine, la présence de tiers proches de l’exploitation et bloquant son évolution ont des impacts négatifs sur la valeur de l’entreprise.
Au vu des résultats des cinq dernières années, la capacité de remboursement dégagée est de 80 €/1 000 L, soit une valeur moyenne de 800 €/1 000 L de capital à reprendre, mise à niveau comprise. Une valeur supérieure n’est justifiée que par une forte rentabilité. Avec la fin des quotas laitiers, l’assise foncière et sa transmissibilité prennent de l’importance. Seules les exploitations avec bâtiments opérationnels seront transmissibles. En effet, le contrat n’étant pas cessible, le litrage à produire dépendra plus d’une décision de la laiterie que de l’historique du cédant.
En production porcine, la valeur s’échelonne entre 2 000 et 4 600 € par truie, stock compris. L’exploitation porcine a actuellement une base foncière de 70 ha en moyenne. Le capital d’exploitation à transmettre avoisine les 400 000 € par UTH. La rentabilité est de 4 à 5 % par an. Le lien au sol, l’autonomie en places d’engraissement, la performance technico-économique sont des facteurs positifs pour la valeur de l’entreprise, à l’inverse des bâtiments déstructurés et vétustes.
Des financeurs qui recherchent plus de garantie
Dans toutes les productions, le capital d’exploitation par unité de production augmente beaucoup, du fait notamment de l’accroissement de la taille des exploitations. Avec le renforcement des réglementations s’appliquant aux banques depuis la dernière crise boursière, ce phénomène entraîne de la part des banques une recherche accrue de garanties, un partage du risque, d’où l’émergence d’autres formes de financement.
Prenons l’exemple d’une exploitation porcine de 220 truies qui pourrait être cédée pour 800 000 €. Les banques vont demander un apport en fonds propres de 20 %, soit 160 000 €. De telles sommes dépassent souvent le capital dont dispose le repreneur. Pour les réunir, le repreneur peut faire appel à d’autres formes de financement : crédit vendeur, crédit de son organisation de producteurs, financements de fonds de placement… Dans ces cas, le montage juridique doit garantir le pouvoir de l’agriculteur dans le temps, la sortie des autres financeurs et également limiter les risques du repreneur.
Une réflexion poussée
Une transmission implique de maîtriser tous les domaines de l’entreprise. L’évaluation de l’entreprise n’est qu’un aspect d’une démarche de transmission. Les aspects réglementaires liés au contrôle de structure, à la Pac et aux futurs Droits à paiement de base (DPB), et à la réglementation environnementale, sont à étudier avec minutie, et dépendent autant de la « qualité » du repreneur que du vendeur. Les aspects sociaux, juridiques sont également à prendre en compte et nécessitent de s’appuyer sur l’expertise de spécialistes.
Les aspects fiscaux seront également étudiés avec précision, un des objectifs étant de trouver un compromis conciliant les intérêts du vendeur et de l’acheteur. La prise en compte de la fiscalité différée, à savoir les reports liés aux amortissements dérogatoires, aux déductions pour investissements, doit être appréhendée et peut influencer le choix de cession d’actifs ou de cession de parts. La mise en œuvre de ces stratégies prend du temps. Elle nécessite d’y réfléchir bien en amont.
Anne-Yvonne Hénot / CerFrance Finistère
*résultat d’exploitation – rémunération de la main-d’œuvre exploitant/ capital d’exploitation hors placements