Si le cru 2014 du maïs ensilage est exceptionnel en termes de rendement, les impressions au sujet de la qualité sont plus mitigées. Deux caractéristiques fortes perturbent effectivement les repères en ce début de campagne : une faible digestibilité ruminale de l’amidon et un déficit marqué en matières azotées.
Au-delà des valeurs alimentaires, cette campagne 2014 se caractérise par une prépondérance de transitions rapides, voire nulles. Dans certaines zones, une majorité des élevages a attaqué directement le maïs frais. Sans les très bonnes températures estivales, la situation aurait pu être plus compliquée encore… En tout cas, ces transitions délicates observées régulièrement cette année confirment un point essentiel du pilotage des élevages laitiers : il faut disposer d’un stock de report. Et depuis 2 ans, ce sont plutôt les stocks qui pilotent dans de nombreux élevages !
Du monde dans les bouses ?
La fin de cycle du maïs a induit une forte maturité du grain, tout en gardant un appareil végétatif à l’aspect vert. Sur des variétés précoces à génétique plutôt orientée « cornés » (grains), l’excès de vitrosité liée au climat conduit à une très faible part d’amidon utilisable dans le rumen, surtout dans les situations où l’éclatement des grains n’a pas été suffisant. Soyons précis sur les termes à ce niveau-là : on recherche des grains pulvérisés et pas seulement touchés, comme on peut parfois entendre. En aval, les températures élevées de ces dernières semaines et l’absence de fermeture de beaucoup de tas d’ensilage ont considérablement ralenti les vitesses de fermentation. Témoin des tas non stabilisés : des températures proches de 25 °C et des pH > 4 relevés la semaine dernière en élevage. Or, c’est bien l’acidification des tas qui « cuit » l’amidon et le rend plus dégradable dans le rumen. La résultante de ce double phénomène est un manque d’énergie fermentescible dans de nombreuses rations depuis plusieurs semaines. Ce déficit rend les bouses plus sèches, fibreuses avec des morceaux de grains durs. Ces phénomènes sont indétectables dans les analyses classiques de valeurs alimentaires. La comparaison avec les valeurs 2013 indique ainsi des taux d’amidon sensiblement identiques (voir tableau). Les critères calculés (UFL, glucides rapides,…) correspondent à une projection avec un produit complètement fermenté.
[caption id= »attachment_4505″ align= »aligncenter » width= »300″] Valeurs alimentaires du maïs ensilage 2014
(1100 échantillons fermentés – 20 novembre 2014)[/caption]
Amidon rapide et supplément protéique au menu
Un apport d’amidon rapide de type céréales à paille (orge / blé) a ainsi été un allié très efficace ces dernières semaines, en particulier dans les rations avec des ensilages herbes ou enrubannés plutôt « fibreux ». L’amidon by-pass ou intestinal de type maïs grain était lui à limiter dans les complémentations individuelles. Cet équilibrage des sources énergétiques devra évoluer au fil de la période d’utilisation du maïs 2014. Nul doute qu’au printemps prochain, l’amidon ne sera plus limitant dans le rumen.
Au niveau de la complémentation, un supplément en protéine est également à prévoir le plus souvent, sans quoi les gaspillages énergétiques seront plus élevés que d’habitude. En effet, les valeurs MAT de ce maïs 2014 sont historiquement basses. Une dilution par l’effet rendement s’est opérée naturellement. Le retrait de 0,5 point de MAT par kilo d’ensilage maïs sur une ration en incorporant 15 kg (MS) accroît de 450 g la quantité de correcteur azoté nécessaire. Le schéma 1 indique les repères en fonction du type de ration. Au-delà de cet équilibre azoté, l’ajout d’un fourrage complémentaire de qualité constitue aussi un véritable levier de profit, à condition de respecter certaines règles. Pour apporter une vraie plus-value, un fourrage complémentaire (ensilage herbe, enrubanné par exemple) doit ainsi atteindre le minimum sur trois critères : MAT (15 %), MS (30 %) et UFL (0,85). Ce dernier objectif est souvent minimisé par rapport à la MAT. Or, en référence aux pâturages exploités au bon stade, la raison d’être fondamentale de ces produits est bien la digestibilité du NDF. L’objectif est ici d’atteindre 60 % pour compenser les plus faibles valeurs du maïs ensilage (50 – 55 % de NDF). Ce tandem équilibre azoté et fourrage complémentaire « qualitatif » aide aussi clairement à se prémunir des vaches « boulimiques » que l’on rencontre fréquemment avec des rations composées de maïs en plat unique. Enfin, à l’image de la MAT et pour les mêmes raisons (rendement), les valeurs phosphore et calcium sont particulièrement basses cette année. Avec des résultats moyens de 1,5 et 1,4 g/kg , on est bien loin des normes Inra. Plus que jamais, il est important de se pencher sur sa complémentation minérale (effets moyens termes).
Ne laissez pas les vaches décider à votre place…
L’équilibre de la ration est important mais le management de sa distribution l’est tout autant. Le schéma 2 dresse l’inventaire des principes clefs. Un éleveur doit véritablement s’investir dans la maîtrise du comportement alimentaire de ses animaux. Deux points méritent une attention particulière en ce moment : le fractionnement de la prise alimentaire, en évitant notamment le gros repas du matin et la consommation de la ration de façon homogène, sans tri. Il y va de l’efficacité alimentaire de la ration et de la longévité des animaux. Ronan Le Gall / Triskalia