Marchés des céréales, les agriculteurs reprennent la main

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Le niveau de récolte record en céréales en 2014 a entraîné un vent de panique, faisant baisser les cours. Mais la rétention des récoltes, par les agriculteurs, dans les principaux pays exportateurs, a rapidement influencé les cours à la hausse.

Malgré une bonne demande, nous devrions terminer la campagne 14/15 avec des stocks de report mondiaux de blé et de maïs de respectivement 195 Mt chacun. Ce sont des chiffres historiquement élevés, auxquels s’ajoutent des réserves records de 40 Mt de soja. Si fin septembre, les prix ont piqué du nez sur les trois produits, touchant des plus bas qui n’avaient plus été observés depuis 2010, tous ont pourtant connu un rebond spectaculaire ensuite.

Une chute des cours, suivie d’un rebond spectaculaire

Zoom arrière : face à l’abondance des récoltes annoncées, un vent de panique s’empare des vendeurs cet été. En France, il faut se débarrasser au plus vite d’un blé de qualité moyenne, dont on a peur qu’il encombre les silos à l’arrivée du maïs. Aux USA, les énormes récoltes de maïs et de soja laissent alors envisager des problèmes logistiques (stockage, acheminement ferroviaire et routier) qui nécessitent de sortir au plus vite la marchandise. Dans les pays de la Mer Noire, comme la Russie et l’Ukraine, où les besoins en devises sont criants, le rythme des chargements est très important en début de campagne. Tant et si bien que, fin novembre, 60 % et 73 % des objectifs à l’exportation de blé de chacun de ces pays sont réalisés.

Le revirement brutal observé dans les cotations est déclenché début octobre, suite aux inquiétudes météorologiques et logistiques aux USA, débouchant sur un retard des récoltes. En novembre, la météo peu favorable sur les blés d’hiver en Russie et aux USA, et le retard dans les semis de soja sud-américains alimentent aussi les marchés. Les investisseurs, en recherche de rendement, aiment l’histoire et s’engouffrent dans la brèche d’autant plus facilement qu’il faut sortir du pétrole qui s’effondre, et placer ses billes ailleurs.

On pourrait imaginer qu’une fois les alertes passées, tout rentre dans le rang et que les prix reviennent chercher les plus bas observés il y a deux mois. Puisque, sur le papier, les stocks de maïs aux USA, ceux de blé dans l’UE et ceux de soja en Argentine… sont pléthoriques.

Le cas français

En France, le besoin de dégagement a été géré en première partie de campagne, et aujourd’hui, les silos des organismes stockeurs (OS) ne sont pas submergés de blé, puisque les agriculteurs préfèrent stocker à la ferme. La collecte de maïs a donc trouvé un toit sans problème et son marché, aux mains des commerciaux, devrait être plus fluide. Pour cette céréale fourragère, le tempo sera assuré par l’Ukraine, qui pour l’instant a peu vendu son maïs. Elle devrait accélérer ses ventes dans les prochaines semaines, le pays ayant un fort besoin de devises, puisque ses réserves monétaires sont exsangues. La compétition entre blé fourrager et maïs, malgré des problèmes de mycotoxines dans certaines régions françaises devrait continuer à faire rage dans les formules. L’alimentation animale devrait donc rester une variable d’ajustement dans les bilans français.

Stockage en attente de cours décents

Mais les stocks ne font les prix que s’ils sont liquides ! Or, pour des raisons diverses, les fermiers entendent bien retenir leurs grains dans les campagnes et assécher le marché tant que les cotations ne sont pas à des prix qu’ils estiment décents. Il ne s’agit pas de jouer la montre, mais de gérer au mieux son patrimoine.

L’exemple du soja sud-américain est parlant. En Argentine, les silos sont devenus de véritables coffres-forts. Pour faire face à une inflation galopante et à un manque total de visibilité sur l’évolution du peso, les agriculteurs sont assis sur leur tas de graines depuis 3 ans. Il se pourrait bien que rien ne fasse évoluer la situation avant les élections présidentielles d’octobre 2015. Au Brésil, les cultivateurs n’ont jamais aussi peu vendu à terme, eux aussi, inquiets de la dérive économique du pays. Ils ne vendront que lorsque leur besoin de trésorerie se fera sentir. Il ne reste plus beaucoup de soja à commercialiser sur la saison qui s’achève dans deux mois. Quant à la prochaine campagne, elle risque de se faire attendre, les semis ayant été tardifs.

Aux USA, les capacités de stockage dans les fermes se sont améliorées et les ventes de maïs ont été très rapides en début de campagne. Après deux bonnes années, les trésoreries sont confortables et rien ne sert de brader la marchandise avant le printemps, d’autant que la logistique hivernale ne facilitera pas la sortie des grains.

Dans les pays de la CEI, l’effort sur les ventes a été fait sur la première partie de campagne. Pendant ce laps de temps, le rouble et l’hryvnia (monnaie ukrainienne) ont perdu respectivement 38 % et 35 %, entraînant une rétention très forte dans les campagnes. Nous voilà donc avec des marchés céréaliers et oléagineux dont le fil conducteur pour ces prochains mois, sera le bon vouloir des agriculteurs. Les prix sont-ils descendus trop vite et trop fort cet automne ? C’est en tout cas ce que pensent les producteurs, qui semblent vouloir reprendre la main. Patricia Le Cadre, Céréopa, www.vigie-mp.com


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