La consommation de viande bovine chute et s’oriente vers des pièces plus petites et de moindre qualité, issues d’importations européennes. Conséquence, les engraisseurs italiens achètent moins de broutards français.
Plus chère et moins pratique que d’autres viandes, décriée pour ses effets sur la santé, la viande de bœuf est de moins en moins présente dans les assiettes italiennes. Accélérée par la crise économique, la consommation a chuté. « Alors qu’elle dépassait 25 kg/habitant/an en 2007, elle est, en 2013, inférieure à 20 kg. La viande de volaille voit par contre sa consommation s’accroître », a précisé Caroline Monniot, de l’Institut de l’élevage, lors d’une conférence Grand angle viande, le 9 décembre à Paris. « En outre, la demande en viande bovine se tourne vers des pièces plus petites et descend en gamme. La part d’animaux en vif finis et de viandes importées augmente, représentant 41 % de la consommation italienne en 2013. »
« La demande qui chute et la hausse des importations font baisser les cotations italiennes. » Dans ce contexte, on peut se poser la question des ventes de broutards français sur le marché italien dont nous sommes très dépendants. 30 % des veaux allaitants quittent le territoire français et l’Italie représente 79 % de ces exports en têtes, et 82 % en valeur. Une étude prospective indique que le nombre de broutards vendus dans la péninsule devrait passer de 776 200 en 2013, à 650 000 en 2020, soit une baisse de 16 %.
Les ateliers de plus de 500 places résisteront
« La crise fait le ménage chez les opérateurs italiens. Les ateliers qui résisteront seront ceux de 500 places au minimum, avec des surfaces et du biogaz. » Conséquence : les engraisseurs vont demander des flux de broutards plus réguliers et standardisés. Se pose aussi le problème de la valorisation des carcasses lourdes qui auront plus de mal à trouver preneur.
« Actuellement, la promotion de l’engraissement de veaux nés en Italie est faite dans le pays, concernant des croisés Blanc Bleu avec du Simmental, ou même du Holstein, et des broutards de Sardaigne, de Sicile… Un objectif de 100 000 têtes est affiché, appuyé par le choix de majoration de prime Pac pour les veaux nés en Italie », informe Pierre Richard, directeur commercial de Deltagro, société de commerce de bovins.
Malgré l’érosion de la demande, l’Italie reste « Le » débouché des JB européens. Sur le premier semestre 2014, la France demeure son premier fournisseur de viandes bovines fraîches et congelées. Mais la Pologne monte en puissance (+24 % par rapport à 2013). L’Allemagne aussi (+19 %) commercialisant des barquettes en hard discount, et l’Irlande (+34 %) qui propose des muscles sous vide et catégoriels (muscle par muscle).
Des portions plus petites
Développer l’engraissement en France peut être une opportunité, mais à condition de s’adapter au marché. « Il y aura moins de place pour les carcasses et quartiers, du fait de la baisse des ventes en boucheries traditionnelles. Les GMS, qui gagnent des parts de marché, demandent des portions plus petites, des unités de vente consommateurs… », note Caroline Monniot.
D’autres débouchés seront possibles dans le pourtour méditerranéen, mais davantage en bovins vivants. « Ces pays privilégient le stockage sur pied dans un contexte de chaîne du froid difficile. Ils apprécient aussi d’abattre eux-mêmes les animaux, selon leurs rituels, et donnent ainsi l’image d’une production locale. » Les pays d’Europe de l’Est (Pologne, Hongrie, Roumanie…), augmentant fortement l’engraissement, arrivent en force au Liban.
Les races mixtes sur certains marchés
« L’Algérie est un marché aléatoire, mais en progression constante. Le Maroc et la Tunisie sont acheteurs d’animaux légers, autour de 330 kg, qui ne correspondent pas à la production française, mais nos excédents d’automne y trouvent une place », souligne Pierre Richard. Sur certains pays comme la Turquie, nous pourrions prendre des marchés avec des races mixtes, mais pas nos races à viande, trop chères. » Les acteurs de la filière souhaiteraient que soient homogénéisées les conditions sanitaires pour l’export vers les pays tiers, variables selon les départements, et plus favorables chez nos concurrents européens.
Pour le commerce vers l’Italie, la saisonnalité est un gros problème, avec un manque de broutards en avril, mai et juin, et un pic à l’automne. Un phénomène surtout marqué en Charolais et croisés Charolais. Au printemps dernier, nous avons été obligés de ne pas fournir des petits engraisseurs pour privilégier nos gros clients. Pour pallier cette saisonnalité, deux périodes de vêlages s’imposent. Le marché italien reste toutefois incontournable pour nos races allaitantes. La qualité de nos broutards est reconnue par les engraisseurs qui savent très bien les finir, avec beaucoup de concentrés, ce qui donne une viande très tendre.Pierre Richard, Directeur commercial de Deltagro, société de commerce de bovins