Convaincu de l’intérêt d’inscrire à leur carte des produits locaux, un couple de restaurateurs vannetais en a fait l’une des raisons d’être de son établissement. À la table de Jacqueline et d’Emmanuel, on voyage : loin, en découvrant les vins, à quelques kilomètres en dégustant le fromage de brebis, les légumes frais ou les huîtres posées sur l’assiette… Reportage à Surzur (56) chez un des fournisseurs de Terroirs, le resto qui a bons goûts !
Comment donner du sens à un plat ? En le cuisinant avec amour, bien sûr et en choisissant avec précaution ses ingrédients… Mieux : en racontant aux clients le savoir-faire que cachent ses saveurs. Et oui, les gourmets jouissent aussi par l’oreille. Encore faut-il que le récit soit à la hauteur du plat. Un récit qui se nourrit de l’expérience du cuisinier, des connaissances du sommelier et parfois du lien très fort unissant restaurateur et fournisseur.
« C’était il y a trois ans, se souvient Jacqueline Nicot-Defever, chef cuisinière du « Terroirs ». Annick et Dominique, un couple d’amis, nous avaient invités à dîner. Et voilà qu’Annick nous sort un morceau de tome de brebis, puis des fraises accompagnées d’une crème crue : un vrai délice ! Elle nous précise qu’elle les achète sur le marché auprès d’un éleveur de Surzur. Moi, je me dis qu’il faut absolument le rencontrer ».
Annick accepte alors de jouer les intermédiaires, plus facile à dire qu’à faire, les choses traînent… « Mais qu’est-ce que vous attendez pour vous voir ? », doit-elle insister auprès de chacun d’eux. Finalement, la rencontre a lieu. Aussitôt le courant passe et le Gaec de l’Aubépine devient l’un des fournisseurs officiels du « Terroirs », non sans se « coller » une certaine pression.
[caption id= »attachment_3777″ align= »aligncenter » width= »300″] Après la séquence dégustation dans le pré, Jacqueline visite la cave d’affinage. Tandis qu’il lui fait goûter un autre morceau de tome, Éric lui explique la technique de fabrication. Il donne ainsi du sens, de la vie, une âme à ses fromages…[/caption]
« On n’avait encore jamais vendu à un professionnel, un spécialiste du goût ! », soulignent Éric et Brigitte Scalliet. Pourtant, les laitages de l’Aubépine sont déjà connus et reconnus : « On écoule 95 % de nos produits transformés sur les marchés du secteur et sans faire de promotion, poursuit l’agriculteur. Le Gaec a trouvé ses marques et sait valoriser son lait. Ce n’est donc pas l’opportunité d’augmenter le chiffre d’affaires qui nous a motivés, mais le désir de répondre au challenge de l’exigence. « Terroirs » est un resto qui tient à son image et les remarques de Jacqueline nous aident à évoluer. Par exemple, on est très vigilant sur la texture de la crème crue qui doit être ni trop fluide, ni trop épaisse pour accompagner les desserts ».
Plaisir partagé
Et du côté « Terroirs », que recherchent les restaurateurs en travaillant local ? À leur table : des huîtres de Sené, de l’andouille de Plumelec, du fromage de chèvre de Tréffléan ou bien encore des pâtes artisanales de Languidic. « Au départ, l’idée était d’associer des vins à différents plats de pays… ». L’escalope de saumon marinée à un vin d’Alsace, les noix de Saint-Jacques poêlées à un Chardonnay chilien, les ris de veau aux girolles à un Bourgogne. Façon de déguster tout en voyageant dans son assiette…
Au fil du temps, ce lien entre le nom du restaurant et la volonté de cuisiner autour des vins, s’est renforcé d’une l’envie de connaître et faire connaître les petits producteurs du pays vannetais. Ces agriculteurs rencontrés au hasard de la vie, dans des salons gastronomiques ou tout simplement qu’un client ou une amie leur ont signalé… « Un bon feeling de départ et la confiance s’établit, même si ce qui compte avant tout, reconnaît Jacqueline, c’est la qualité des produits et ce qu’ils peuvent apporter à nos plats ! ».
[caption id= »attachment_3778″ align= »aligncenter » width= »300″] C’est d’abord pour le plaisir de l’échange et l’exigence de travailler avec un professionnel que Brigitte et Eric ont accepté de fournir la table du « Terroirs ». Ils sont installés en Gaec bio avec Jean-Paul et Josiane Le Bihan (élevage de vaches laitières). 20 % du lait de vache est valorisé en beurre fermier, tout le lait de brebis est transformé en yaourts ou fromages.[/caption]
Emmanuel officie en salle et se charge d’allumer les papilles des clients en leur expliquant : où, quand et comment sont cultivées ces pommes de terre sautées ; où, quand et comment est affiné le Grand Bénez, fromage à pâte molle mis au point par Éric Scalliet… « Ce qu’on aime avant tout, c’est répondre à la curiosité d’une clientèle qui s’intéresse à ce qu’elle mange et lui faire partager notre propre plaisir… Autrement dit, inutile de nous commander des nuggets ou un jambon frites pour les enfants, on n’en sert pas ! ».
Jacqueline et Emmanuel sont comme ça : entiers et sans concession, fidèles à un parcours professionnel qui aura su forger l’exigence liée au métier. « On a vécu quinze ans dans la région de Londres, raconte Jacqueline. Emmanuel était sommelier au « Fat Duck », un restaurant étoilé près de Windsor. Moi, je travaillais dans une brasserie. En apprenant que mon poste allait être supprimé, on s’est décidé à réaliser notre projet : ouvrir un restaurant en France ».
Aujourd’hui, « Terroirs » est une adresse d’amateurs avertis qui depuis cet été peuvent aussi se faire plaisir en passant par « la cave à manger » de l’établissement. Emmanuel les y reçoit pour leur faire déguster sa sélection de vins accompagnés de produits locaux. Mmmh ! Marier les saveurs et pouvoir les goûter avant d’acheter… Alors là, c’est fromage, vin et dessert ! Textes et photos : Pierre-Yves Jouyaux pour Groupama
Contact
- « Terroirs »
Jacqueline et Emmanuel Nicot-Defever
22 rue de la Fontaine, 56 000 Vannes
Tél. : 02 97 47 57 52
www.terroirs-restaurant.com
- Gaec de L’Aubépine
Grand Bénezec, 56 450 Surzur
Tél : 02 97 42 11 97