Le compte personnel de prévention de la pénibilité est entré en vigueur le 1er janvier dernier. Pour y voir plus clair face à la complexité de sa mise en œuvre, nous avons demandé à Jean-Michel Jéhanno, juriste spécialisé en droit social ce qu’il en pensait.
Quels sont les facteurs de pénibilité qui s’appliquent depuis cette année ?
Ils sont au nombre de quatre : le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en équipes successives et les activités exercées en milieu hyperbare.
Qu’en est-il des autres facteurs : ports de charges, postures, bruit… ?
Six autres facteurs s’appliqueront à compter du 1er janvier 2016 : manutentions manuelles de charges, postures pénibles, bruit, agents chimiques dangereux, vibrations mécaniques et températures extrêmes.
Comment détecter les salariés exposés à un risque ?
Des seuils d’exposition sont déterminés par décret. C’est la fréquence de dépassement de ces seuils qui amène à identifier les salariés exposés dans l’entreprise. Par exemple : plus de 120 nuits travaillées par an, comprenant au moins 1 heure entre minuit et 5 heures ; plus de 900 heures de travail dit répétitif par an…
Les employeurs devront tenir un « compte de prévention de la pénibilité. »
En quoi consiste-t-il ?
Il pourra s’agir de fiches de pénibilité identifiant le salarié exposé et le(s) facteur(s) de risques professionnels concernés. Il conviendra ensuite de le déclarer par le biais de la Déclaration annuelle des salaires (DADS), via le logiciel de paie. La date limite de déclaration est fixée au 31 janvier 2016 s’agissant des salariés détectés en 2015.
À quoi cette déclaration va-t-elle servir ?
Les salariés identifiés comme exposés aux risques de pénibilité pourront acquérir des points leur servant soit à se former, soit à diminuer leur temps de travail, ou encore à anticiper leur départ à la retraite.
Comment ce régime de prévention est-il financé ?
En 2017, une cotisation de base équivalente à 0,01 % de la masse salariale sera due par toutes les entreprises au titre de la solidarité interprofessionnelle. Mais les entreprises ayant des salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité seront concernées dès 2015 par une cotisation additionnelle payable début 2016, dont le montant varie de 0,1 à 0,2 % Elle devrait passer de 0,2 à 0,4 % en 2017. Une mission parlementaire doit rendre, en juin prochain, un rapport pour simplifier la mise en place du compte pénibilité dans les petites entreprises.
Conseillez-vous d’attendre ou d’agir dès maintenant ?
Même si les mesures de simplification sont les bienvenues, j’engage les entreprises à se préoccuper de la pénibilité dès maintenant. Ceci pour plusieurs raisons. D’abord, il faut bien resituer la prévention de la pénibilité dans le contexte plus large de la prévention des risques professionnels. Ainsi, il faut s’assurer chaque année d’être bien à jour de son Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER). Et gare à l’entreprise qui n’aurait pas mis en place ce document pourtant obligatoire depuis 2002. S’il survient un accident du travail de gravité certaine, la responsabilité de l’employeur pour faute inexcusable pourrait plus facilement être recherchée…
D’autres raisons plaident selon vous pour agir dès à présent en la matière ?
Oui. 2016 arrivera plus vite qu’on ne le croit. Les employeurs qui se seront penchés, dès cette année sur la prévention des risques professionnels, seront mieux armés l’année prochaine pour gérer les dix facteurs de pénibilité. Outre l’aspect réglementaire et contraignant de la réforme, rappelons que la prévention des risques professionnels participe aux bonnes conditions de travail, à un climat social plus serein dans l’entreprise, à la sécurité au travail. Et ça, ça n’attend pas !
CerFrance Finistère