La délicate gestion du foncier

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Les règles fixées par l’administration et validées par la profession sont bien claires : priorité à l’installation. Avec un foncier premier facteur de production limitant, cette politique d’attribution prioritaire est parfois incomprise.

Le foncier. Sujet sensible par définition. D’autant plus sensible que la surface agricole utile d’un territoire est forcément limitée. En régression même, compte tenu du grignotage opéré par l’urbanisation et l’artificialisation des terres.

Concurrence entre productions animales

Sur certains territoires, la concurrence sur le foncier est d’autant plus forte que la densité animale est élevée. Exemple dans le Finistère, où le problème est particulièrement épineux sur le Nord du département, mais aussi sur le secteur de Pleyben, du Porzay, dans le Cap-Sizun. Cette compétition s’exacerbe aujourd’hui encore davantage avec les contraintes environnementales qui exigent une surface supplémentaire à cheptel équivalent (nouvelles normes Corpen, directive nitrates, bassin versant, etc.).

La concurrence est également âpre entre productions. Dans les bassins où cohabite une forte densité bovine et porcine, les enchères sur le foncier, sans réel rapport avec la rentabilité immédiate de l’atelier, font chauffer les prix. Reste qu’en acquérant de la terre « à tout prix », des agriculteurs veulent sécuriser leur système de production dans le temps ; voire exercent ce choix pour faciliter la transmission de leur exploitation. Il s’agit là d’options de gestion tout à fait compréhensibles.

Même effet que l’attribution des quotas laitiers

Dans ce contexte, la priorité « administrative » accordée aux jeunes sur le foncier est parfois mal vécue par des agriculteurs désireux de conforter leur exploitation. Cette situation n’est pas sans rappeler la gestion des quotas laitiers quand des exploitations somme toute moyennes, mais se situant dans la fourchette haute, n’ont jamais bénéficié de référence laitière supplémentaire dans les années 1990/2000.

Conséquence de cette redistribution arbitraire des quotas : des élevages laitiers figés dans leur développement par des contraintes administratives, validées par la profession elle-même invitée à gérer la pénurie, se sont retrouvés dans la moyenne inférieure à force d’être écartés des attributions. Avec en corollaire, tous les problèmes de rentabilité qu’a généré cette situation, avec effets en cascade sur la transmissibilité des outils. La politique d’attribution des moyens de production, à une période donnée, contribuant inévitablement à dessiner le visage de l’agriculture du futur. Et pas seulement sur les contours physiques des exploitations, mais aussi au niveau de la main-d’œuvre.

Conforter ou installer ?

Exemple concret et courant dans le canton du Cap-Sizun (Finistère) où un différend est né quant à la destination d’une vingtaine d’hectares libérés suite à un départ en retraite. Priorité à l’installation répond l’administration. Préférence aux voisins souhaite le propriétaire. Faute d’accord, les terres restent en friche. Au cœur de cette affaire : un bloc en deux parcelles divisé équitablement par une route vicinale. D’un côté, une exploitation laitière intéressée par un parcellaire accessible pour le pâturage. De l’autre, une autre exploitation laitière d’une cinquantaine d’hectares intéressée par l’autre moitié des terres dont 9 ha très accessibles pour le troupeau et une aubaine pour compenser une perte de foncier gelé dans un périmètre de captage. Outre l’objectif d’améliorer son parcellaire, le second agriculteur voit là une solution pour conforter l’assise de son troupeau au regard des nouvelles normes environnementales.

La famille de propriétaires nés dans le village souhaite louer ses terres aux deux éleveurs laitiers. « Un jeune s’est porté acquéreur. J’ai écrit une lettre à la commission chargée de l’attribution des terres à exploiter pour leur faire part de ma préférence. Mais je m’aperçois que le propriétaire n’a pas son mot à dire pour le choix des exploitants », s’étonne le représentant de la propriété familiale qui s’interroge sur la notion de « jouissance du bien propre». À ce jour, le dossier est passé trois fois en commission. Prochain rendez-vous en septembre 2015 ou au-delà. En attendant une issue, le propriétaire se résout à broyer les parcelles en jachère. Un cas loin d’être unique… Didier Le Du

L’avis de Patrick Fauvel, Président commission structure FRSEA

Un schéma régional des structures doit être mis en place en 2015. Il sera placé sous l’autorité du préfet de Région et du président de la région Bretagne. Pour l’instant peu de choses ont été définies. Une commission régionale doit se réunir début mars pour tracer les nouveaux contours de ce schéma régional. La profession est associée à la discussion.

Pour notre part, nous souhaitons que « la priorité absolue à l’installation » inscrite dans la loi soit revue. Nous pensons que le schéma régional devrait inscrire « favoriser l’installation » plutôt que « priorité à l’installation», ce qui ouvre une voie pour conforter certaines exploitations moyennes ; et donc assurer leur viabilité économique dans le moyen terme et leur transmissibilité dans le plus long terme. Pour nous, cette modification des textes est une question de bons sens. Mais, quoi qu’il en soit, nous sommes attachés à l’avis que peut donner la profession en CDOA. Car nous observons que dans les régions où les CDOA fonctionnent, il y a plus d’installations.


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