Lait : Tous les éleveurs ne mordent pas à l’hameçon de l’agrandissement

elevage-lait-agrandissement - Illustration Lait : Tous les éleveurs ne mordent pas à l’hameçon de l’agrandissement

Alors que le prix du lait est annoncé en recul les prochains mois, la récente enquête du BCEL Ouest montre que moins d’un quart des éleveurs voient en l’agrandissement la bonne stratégie pour leur exploitation pour les prochaines années. 

Le monde a et aura soif de lait au vu des estimations. Les industriels laitiers du Grand Ouest, à travers leurs discours et leurs investissements, montrent qu’ils veulent répondre à cette demande. Mais les éleveurs, eux, ont moins de certitudes, ne sachant pas trop sur quel pied danser. D’un côté, la libéralisation du marché, l’après-quotas, ouvre des perspectives de croissance en termes de taille de troupeau et de livraison… De l’autre, la nouvelle donne de la volatilité du prix du lait et le sentiment que les contrats ne sont pas une assurance très sûre perturbent les trésoreries, obligent à une nouvelle mécanique de gestion, limitent la précision des simulations d’investissement et entament moral et motivation.

Stratégie à 6 ans de l’entreprise laitière

Dans ce contexte, BCEL Ouest, lors de ses rendez-vous de secteur, insiste sur l’importance d’avoir en tête un cap à horizon 2020. « L’entreprise laitière doit s’inscrire dans une démarche de projet. Cela passe par la définition d’un plan d’actions à échéance 1 ou 2 ans, d’objectifs à 3 ou 4 ans et d’une stratégie, plus globale, à 6 ou 7 ans », détaille l’intervenant Paul-Gilles Possémé, d’Xpertia. Dans les exploitations, les questions que doivent se poser les éleveurs sont : « Dois-je m’agrandir ? Consolider la structure actuelle ? Rechercher d’autres voies de différenciation ? Quel est le projet que j’imagine, dont je rêve ? Quelle orientation donner à mon entreprise pour bien vivre de mon métier dans les 6 prochaines années ? »

Beaucoup d’éleveurs croient à l’optimisation de l’existant

À la fin de l’année 2014, alors que le prix du lait était annoncé en recul pour 2015, BCEL Ouest a enquêté auprès de tous ses délégués de secteur pour mieux cerner les orientations privilégiées sur le terrain. Crainte d’investir et de s’agrandir ou réelle option économique ? 73 % des éleveurs sondés misent sur une stratégie, prudente ou raisonnable, la « recherche d’efficience. » C’est-à-dire « une croissance moindre mais maîtrisée de l’outil en recherchant une amélioration de la rentabilité aux 1 000 litres pour une meilleure résistance du système aux à-coups… »

Face aux industriels qui attendent davantage de lait en lorgnant de nouveaux débouchés, seuls 24 % des producteurs interrogés croient à la « recherche de volumes » pour leur exploitation. « Cette idée de productivité maximum avec potentiellement une rentabilité aux 1 000 litres plus faible, souvent synonymes d’investissements importants, renvoie à une prise de risques plus élevée. » Dernière orientation identifiée, « la recherche de différenciation » en faveur d’une meilleure valorisation du lait par le biais de « marchés ciblés, vente directe, transformation, conversion bio » n’est plébiscitée que par 3 % des sondés.

Plus de revenu par UTH pour les grands troupeaux sur 2013-2014

Sur la campagne 2013 – 2014, l’étude de Cogédis pour Xpertia montre que les grands troupeaux, comparés à la moyenne, ont tiré leur épingle du jeu. « Les grands troupeaux sont moins performants en coût de renouvellement (+1,3 € / 1000 L) et coût alimentaire (+8,9 € / 1000 L) et remboursent des annuités supérieures (+12 € / 1000 L) pour un revenu ramené aux 1000 L inférieur de 7,3 €. Mais au final, ils s’en tirent mieux en termes de production (+ 40 000 L)  et de revenu (+ 17 %) par UTH… » Avantage donc aux grands troupeaux dans un contexte laitier porteur. Il sera intéressant de faire le même bilan à la sortie d’une année de prix du lait en recul pour en savoir davantage sur la résilience des grosses structures sur la durée.

De la difficulté de l’agrandissement

Attendus depuis longtemps par certains, pourquoi  la libéralisation du marché laitier ne fait finalement pas pencher la balance du côté de l’agrandissement ? « D’abord, une augmentation de volume n’entraîne pas systématiquement plus de revenus. D’une part, la taille n’explique que 25 % de la variabilité de revenu par UTH. D’autre part, les écarts de résultats sont plus importants dans les grandes exploitations en termes de revenu par UTH. » Parfois cette stratégie paie, mais pas toujours.

« La priorité est de construire le projet d’agrandissement à partir d’une situation financière saine. En anticipant le risque de dégradation des résultats financiers. » Pour l’observateur, l’expérience des éleveurs montre aussi que « des seuils d’organisation existent : plus de 70 vaches, plus de 130 vaches et plus de 200 vaches… Chacun de ces paliers modifie profondément le métier » en termes d’organisation de la main-d’œuvre, de partage des tâches, de système de production et de conduite du troupeau, d’approche technique, alimentaire ou sanitaire…  Toma Dagorn

L’avis de Jo Jaouen, Président du BCEL Ouest

Alors que les exploitations sont amenées à évoluer, notre entreprise doit les accompagner. Notre objectif clé à 6 ans est de créer au sein de la filière laitière, avec nos alliés, le leader reconnu de la conduite d’élevage sur le Grand Ouest, socle de son développement international. Nous devons d’une part passer d’une « mission » conférée par l’État à une posture d’offre par profil d’élevage en reconstruisant des avantages stratégiques durables grâce à une R&D puissante. Et d’autre part, constituer cet acteur de référence grâce aux alliances. Et je pense notamment à une alliance prioritaire, qui pourra aller jusqu’à une fusion, avec le secteur de la génétique par un rapprochement avec Évolution. Notre réflexion commune et entamée conclut que le meilleur service sera rendu par une organisation unique qui aura une vision globale.


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