Restaurateurs à Ossé, Yoland et Dolly Fontaine font voyager leurs clients en leur servant un plat incontournable de la gastronomie réunionnaise, mais tout en s’approvisionnant en viande localement.
Le cabri au massalé. Vous connaissez ? Ce plat d’origine indienne est devenu un classique incontournable de la gastronomie réunionnaise, au point d’en devenir le second plat fétiche de l’île, après le rougail saucisse. Yoland et Dolly Fontaine, anciens responsables d’une exploitation agricole de 1 000 ha de canne à sucre et d’ananas sur l’île de La Réunion, se sont implantés en Bretagne il y a quatre ans. Ils font déguster ce plat fondant et moelleux à leurs clients du « Bistrot d’Antant » à Ossé (35), depuis leur reconversion dans la restauration.
[caption id= »attachment_3109″ align= »aligncenter » width= »201″] Dolly Fontaine dans la cuisine de son restaurant à Ossé (35), arbore son plat réunionnais, après quatre heures de mijotage.[/caption]
Un rite religieux passé au patrimoine culturel
Et c’est avec leurs souvenirs de jeunesse et beaucoup d’émotion, que les deux Réunionnais partagent leur culture insulaire. « Ce plat est tout particulièrement préparé par les malabars, nom donné aux personnes de la communauté d’origine indienne, à l’occasion des grandes fêtes, comme pour le nouvel an tamoul, vers la mi-avril. Il marque la fin de 30 jours de carême. Après une marche sur le feu, sur un brasier préparé pendant deux à trois jours, vient le temps des sacrifices dans les temples », décrit Yoland Fontaine.
Pour honorer les dieux hindous, les pénitents offrent des « cabris », entendez par là des chèvres, et le plus souvent des boucs. Ensuite, les Hindous préparent un repas festif où leur viande est cuisinée et partagée avec tous les autochtones, créoles et touristes, quelle que soit leur religion et ce, durant cinq journées festives.
Le secret arôme du caloupilé
Si, à la Réunion, ce plat est préparé par les hommes, c’est Dolly que l’on retrouve aux fourneaux à Ossé. « Le cabri n’est autre qu’une chèvre, dont le goût puissant et la fermeté de la viande seront adoucis par un long mijotage de quatre heures », explique le chef en cuisine. Coriandre, cumin, curcuma, graines de moutarde, gingembre, thym, ail…. Le massalé, composé de ces épices, domine ce goût prononcé de la viande.
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Le plat du cabri au massalé, avec la viande et les os, est traditionnellement servi sur une feuille de bananier.[/caption]
« Un goût fort, néanmoins estompé quand on enlève tout le gras de la viande », atténue Dolly Fontaine. Si cette mixture d’épices existe en poudre dans le commerce, rien ne vaut la préparation maison, après avoir grillé les graines à la poêle. « Mais je ne peux pas faire cette recette sans le parfum des feuilles de caloupilé, ou feuilles de cari, provenant d’un arbuste importé par les Hindous à La Réunion, exhalant un arôme rappelant celui du curry », insiste la cuisinière, mettant en œuvre la recette d’une de ses amies hindoues. Et selon elle, outre le savant dosage des épices, la particularité de son plat réside dans la présence des os coupés en menus morceaux, qui impose à cette recette d’être mangée avec les doigts. Elle espère bien faire déguster ce plat prochainement dans les règles de l’art aux Bretons : « Se retrouver autour d’une table, où l’on dresse des feuilles de bananiers en guise d’assiettes, remplies de riz, de pois du cap ou de haricot blanc et du fameux cabri massalé, que l’on déguste avec pour seuls couverts, les doigts… »
De la viande bretonne pour des saveurs d’ailleurs
À la recherche de leur matière première, les restaurateurs se sont rapprochés des producteurs locaux bretons. Car si le mot « cabri » désigne plutôt le chevreau en métropole, il mentionne la chèvre ou le bouc à La Réunion. « Appréciés pour leur viande, les boucs sont élevés dans les exploitations. On en avait toujours une vingtaine d’animaux de race Boer, près du temple hindou sur le site », explique Yoland Fontaine. Et leur attrait en faisait une viande de luxe, valorisée jusqu’à 25 euros/kg, voire plus. Un comble quand on sait qu’ici un animal de réforme est parfois vendu 10 euros l’unité. « En métropole, la chèvre est uniquement destinée à la production laitière. On ne sait plus consommer sa viande. On a relégué la viande caprine à une tradition pascale ou à l’exportation », rappelle Franck Mérel, président d’Ovi-Ouest, organisation de producteurs qui collecte des chevreaux et animaux de réforme en Bretagne. « De retrouver notre produit dans nos assiettes, dans un plat aussi bon, il n’y a rien de plus gratifiant. » La filière caprine a, depuis deux ans, entamé une réflexion pour valoriser la viande de chèvre. Différentes pistes ont été étudiées. Elle est aujourd’hui à la recherche d’opérateurs pour transformer les produits.
Du soleil dans les assiettes
Juste pour attiser vos papilles, sachez que la viande est moelleuse et fondante, enrobée d’une sauce brune onctueuse et dense, et que le tout est un concentré d’arômes extraordinaires. Une occasion de retrouver sur la table des saveurs venues d’ailleurs, avec les produits régionaux. De l’exotisme assuré avec ce plat qui amène du soleil dans les assiettes, en attendant les feuilles de bananier. Carole David
Contact
Le Bistrot d’Antant, spécialités réunionnaises, sur réservation. Déplacements possibles.
5 rue de la Mairie, Ossé (35)
Tél : 02 99 04 29 37
Ovi Ouest – Tél : 02 99 00 53 35