Le statut d’associé non exploitant est-il toujours adapté ? Une réflexion s’impose en regard des dernières évolutions législatives.
Le statut d’associé non exploitant a pu être préconisé, notamment pour mettre en œuvre des schémas d’optimisation des prélèvements obligatoires. Ainsi, de nombreuses sociétés ont été créées entre conjoints sous forme d’EARL ou de SCEA. En effet, ce statut est applicable aussi bien au conjoint ayant apporté des capitaux mais travaillant à l’extérieur, qu’à l’associé participant aux travaux de l’exploitation ayant, dans ce cas le plus souvent, le statut de salarié, mais sous condition de respecter les règles du droit du travail. Ceci implique une participation effective à l’exploitation, le versement d’une rémunération correspondant au travail accompli, et l’existence d’un contrat de travail caractérisant le lien de subordination à l’égard du dirigeant.
Ce montage sociétaire permettait, tout en octroyant un statut au conjoint, de faire échapper, de l’assiette sociale, la quote-part de bénéfice revenant au conjoint associé non exploitant. Cependant, la législation a évolué.
Ce qui a changé
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 a réformé l’assiette des cotisations sociales des chefs d’exploitation. Désormais, une quote-part des revenus perçus par le conjoint, partenaire lié par un Pacs ou par les enfants mineurs non émancipés du chef d’exploitation lorsqu’ils sont associés de la société, est réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales. Concrètement, seule la fraction de résultat revenant au conjoint n’excédant pas 10 % de son capital, de sa quote-part de primes d’émission et de son compte courant n’est pas réintégrée dans l’assiette MSA du chef d’exploitation.
Pour le conjoint ne travaillant pas sur l’exploitation, le schéma d’optimisation est par conséquent moins avantageux que par le passé. Même si cet avantage se réduisait progressivement avec l’augmentation du taux de la CSG/CRDS (passant de 1,1 % lors de l’instauration de la CSG en 1991 à 15,5 % aujourd’hui.)
De même, pour l’associé non exploitant salarié de l’exploitation, les gains financiers se réduisent. Néanmoins, avant de remettre en cause ce choix, il est nécessaire d’analyser les objectifs recherchés lors du choix initial.
Protection sociale
En effet, le statut de salarié permet d’octroyer une meilleure protection sociale de base en termes de retraite et de prévoyance lors d’arrêt maladie ou d’accident du travail, que celle d’un exploitant. Mais, en contrepartie, le coût est plus élevé. Toutefois, cette charge est déductible du bénéfice agricole, ce qui diminue l’assiette de cotisations du chef d’exploitation et, par conséquent, ses prélèvements. D’autre part, l’existence d’un contrat de travail permet de mettre en place des dispositifs d’épargne salariale (PEE/ PERCO par exemple) dont peut également bénéficier le chef d’exploitation.
Sur le plan fiscal, l’administration a contesté, dans certaines situations, aux associés non exploitant salariés, le bénéfice des régimes d’exonération des plus-values. Ces positions amènent par conséquent à s’interroger sur l’opportunité de faire évoluer le statut de salarié vers celui d’exploitant, afin de sécuriser le bénéfice de ces régimes, dès lors que le conjoint participe à l’activité de la société.
Transformation en Gaec
La loi d’Avenir pour l’agriculture a renforcé le principe de transparence du Gaec total (société dans laquelle tous les associés regroupent leurs activités de production agricole). Ainsi, pour les aides Pac, ces Gaec bénéficieront progressivement, entre 2015 et 2018, du paiement redistributif ou surprime sur les 52 premiers hectares. Elle sera d’environ 26 €/ha en 2015 et atteindra jusqu’à 102 € en 2018. Cette aide, de part le principe de la transparence, sera multipliée par le nombre d’associés selon la répartition du capital de la société.
Ainsi, lorsque les deux associés d’une EARL ou d’une SCEA participent au travail, il peut être opportun de transformer cette société en Gaec puisque chaque associé contribue au travers ses apports au renforcement économique de la structure conformément aux exigences réglementaires.
Dans le cas d’une société entre époux exploitant 98 ha et dont le capital est réparti 50/50, l’EARL bénéficiera d’un seul plafond de surprime. Ceci, quand bien même les deux associés seraient actifs. Le Gaec, quant à lui, bénéficiera de deux plafonds de surprime, soit un gain de près de 16 000 € sur 5 ans.
Rappelons que les EARL ou SCEA entre époux, dont les deux associés sont actifs, sont situation courante. Avant 2010, il n’était pas possible de constituer de Gaec entre époux. Les évolutions législatives amènent à s’interroger sur les choix antérieurs. La pertinence du statut de l’exploitation et de ses membres devrait être vérifiée régulièrement, au moins tous les 10 ans. En effet, l’exploitation évolue et la législation change. La vérité d’un jour peut ne plus être celle du lendemain.
Ludovic Jourdren / CerFrance Finistère